Soarën [MYSTIS]

🌲 Chapitre 1.2 🌲

Après avoir quitté le Maître Traqueur, Soarën emprunte les escaliers de l'Érable géant sur quelques mètres. Il dédaigne les dernières centaines de marches et préfère se jeter dans le vide. Il se rattrape à la première branche venue et bondit agilement de tronc en tronc jusqu'au Bosquet. Là, il escalade les murs de leurs voisins inférieurs et rentre chez lui par l'ouverture de sa chambre.

Comme dans tout le reste de la forêt de Telendriss, le Bosquet du village est composé d'arbres géants aux proportions vertigineuses. Des ifs, plus précisément. Resserrés les uns contre les autres, la poignée de végétaux offre un feuillage assez touffu pour les protéger de la lumière, des changements de température et des intempéries. Leur bois est résistant, mais suffisamment tendre pour être modelé et creusé. C'est donc dans le Bosquet que les Elfes ont décidé de se loger, répartissant leurs alcôves familiales sur différents étages. Tout un système de circulation existe au cœur même du groupement d'arbres, mélangeant escaliers et tyroliennes pour se déplacer. Mais il n'est pas rare que les habitants de la forêt usent de leurs talents acrobatiques et regagnent directement leur domicile par la voie des airs, comme Soarën en a l'habitude.

Accroupi sur le rebord de bois, celui-ci survole son lit d'un bond pour atterrir au centre de sa chambre. Bien que chaleureuse grâce à la présence végétale et aux rais de lumière qui parviennent à y pénétrer, la pièce n'est pas bien grande, à vrai dire. Son couchage, de quoi faire une toilette sommaire et un reposoir où trône l'arc offert par ses parents quelques décennies plus tôt sont les seuls meubles visibles. Tout le reste de son alcôve contient un bazar sans nom, entre livres, outillages variés, vieux trophées de ses jeux d'enfance et tentatives de fabriquer ses propres flèches. Il est même difficile de savoir où poser ses pieds. Ses parents soutiennent qu'il devrait faire du rangement. Mais Soarën aime ce désordre organisé.

Il change de pièce. Leur habitat modeste ne comporte que trois alcôves : la sienne, celle où dorment ses parents, et la pièce centrale, dont les principales fonctions sont de servir de cuisine et de salle de discussion. Les Elfes ne passent pas leur vie enfermés chez eux, mais à l'extérieur, dans les autres constructions du village ou dans la forêt elle-même : leurs domiciles sont donc réduits au strict minimum. Et c'est déjà bien assez au goût de bon nombre d'entre eux, qui préfèrent parfois dormir à la belle étoile.

Soarën s'approche du mur du fond et lève le nez vers le plafond. Des lianes solides et épaisses, tressées entre elles, y sont accrochées. Ses parents y suspendent leurs réserves de viandes séchées. En repérant un bout de poisson, les iris violets du jeune Elfe scintillent de gourmandise, et il s'empresse d'aller détacher l'aliment convoité pour commencer à le mastiquer avec bonheur. Si la viande ou la volaille sont monnaies courantes dans leur alimentation, le poisson est en revanche plus rare, ce qu'il trouve fort dommage – il adore ça. Mais les Elfes ne sont pas des pêcheurs dans l'âme, et la première rivière suffisamment large pour en contenir se situe à plusieurs jours du village.

Il mâchonne la chair coriace et salée pendant un bout de temps, avant de compléter son repas d'une poignée de baies et d'une grande rasade d'eau. Pas de bière à la maison, et cela aussi est fort dommage, selon lui. Une fois rassasié, il ressort de chez lui de la même manière qu'il y est entré et va se balader aux abords du village en attendant l'heure de son prochain enseignement. Parfois, il aimerait s'attarder un peu plus le midi et prendre le temps de croiser ses parents à la maison. Mais l'un comme l'autre sont trop pris dans leur travail pour se permettre de rentrer comme lui. Bien qu'il en soit déçu, Soarën le comprend. Chacune de leur caste est essentielle, et les Elfes ont besoin d'eux ou des résultats de leurs efforts. La pensée qu'il va néanmoins pouvoir passer quelques heures en compagnie de son père cet après-midi suffit cependant à lui donner le sourire.