Soarën [MYSTIS]

🌲 Chapitre 3.2 🌲

Le temps passe. Un an, une décennie, un demi-siècle. Le soir de ses deux cent cinquante ans, Soarën s'efforce de rester sobre car il sait que ses parents l'attendent ensuite. Cela n'empêche pas ses amis, à la descente moins modérée que lui, de le porter en triomphe dans toute la Brasserie. L'apprenti Traqueur rougit de cette attention dont il se serait bien passé, mais Dyntaëll, Ötellan, Ellithir et Ayeden le tiennent fermement et l'empêchent de s'échapper. Ils lui chantent, difficilement juste, un joyeux anniversaire que la plupart des clients de la Brasserie reprennent en chœur, amusés par leur manège. Soarën insulte chacun de ses amis, avant de se laisser aller à l'euphorie générale et d'éclater de rire.

Au loin, accoudée derrière son bar, la jolie Brasseuse les observe. Soarën la remarque et s'enhardit à lui sourire de bon cœur. Elle lui adresse un clin d'œil aguicheur et lui mime un baiser en retour. L'apprenti Traqueur se sent soudain tout chose. Pour un peu, il maudirait presque ses parents de l'attendre au Bosquet après cette fête improvisée pour célébrer son anniversaire plus calmement, en famille. Il a la désagréable impression qu'il va rater la chance de sa vie avec sa belle Elfe à la chevelure de neige. Mais tant pis. De toute manière, on dit des Brasseurs qu'ils ont une fâcheuse tendance à être infidèles. Soarën préfère ne pas vérifier lui-même cette rumeur.

Leur tumulte a mis l'ensemble des clients de la Brasserie de bonne humeur. Il règne à l'Œuvrebois un brouhaha joyeux et convivial, recréant l'ambiance des Traqueurs que Soarën adore. Chacun parle avec son voisin, sans se soucier de le connaître ou non. Des tournées générales sont commandées dans tous les coins. L'apprenti Traqueur s'éclipse néanmoins, un peu plus tard que prévu, pour filer retrouver ses parents.

En chemin, tandis qu'il parcourt le village, de discrets rires lui parviennent aux oreilles. Il les aurait ignorés, s'il n'avait pas reconnu la voix de Dyntaëll. Il n'avait même pas remarqué que celui-ci avait quitté la fête...

Incapable de réfréner sa curiosité, Soarën attend d'entendre de nouveau son ami pour le localiser. Ses sens s'affinent tandis qu'il se met instinctivement en traque, et c'est d'un pas silencieux qu'il s'approche des Bourgeons. Il se demande ce que son camarade est venu fabriquer ici. Les rires se sont tus. Ce sont à présent des murmures étouffés qui lui parviennent. Quelqu'un d'autre est avec lui. Avec prudence, le jeune Elfe contourne l'une des huttes... avant de s'immobiliser et de retenir juste à temps un glapissement de surprise. Un peu plus loin, Dyntaëll est maintenu plaqué contre un tronc par Ötellan. Collé à son dos sans la moindre forme d'innocence, l'apprenti Artisan a une main glissée dans son pantalon, descendu à mi-cuisse. Les ondulations de leurs bassins et les gémissements de plaisir qu'ils émettent tous les deux ne laissent aucun doute quant à leur activité.

Soarën avale sa salive de travers et les laisse à leurs petites affaires. Après s'être retourné avec autant de dignité qu'il lui était possible, il s'éloigne et fait un détour exagéré pour les éviter. On ne sait jamais, ils pourraient avoir l'idée saugrenue de se déplacer ! En atteignant enfin le Bosquet, il pousse un léger soupir, se recoiffe machinalement et décrète que les minutes précédentes n'ont jamais eu lieu. C'est sûrement mieux. Sinon, dès qu'il se retrouvera face à Dyntaëll, il aura l'image de lui et d'Ötellan en train de...

Argh... Ils font bien ce qu'ils veulent, mais j'aurais quand même préféré ne pas voir ça.

Il rejoint son domicile, où il retrouve Eylinn et Ylendar, qui l'attendaient patiemment. Penaud, il s'excuse de son retard, mais ses parents haussent les épaules en souriant. Depuis cinquante ans, ils connaissent les amis de Soarën et se doutaient bien qu'ils le retiendraient à la Brasserie en cette soirée si particulière pour lui. Mais leurs regards avouent qu'ils sont heureux que leur fils ait pensé à eux et soit rentré, plutôt que d'être resté se soûler avec ses camarades jusqu'au petit matin.