🌲 Chapitre 11.2 🌲

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Un soir d'automne, Soarën atteint le village d'Hermelin, à la jonction entre les Steppes et les plaines d'Estet. Il le connaît déjà : il y passe tous les deux ou trois ans, à l'aller et au retour de son périple habituel jusqu'à Obwald, où il aime parfois aller retrouver Petra et ses amis mineurs. Bien sûr, ils ne sont que des Humains : le temps qui passe laisse ses marques sur eux. La dernière fois qu'il s'est rendu à Obwald, le sympathique aubergiste et le vieux Leo n'étaient plus de ce monde. Voilà l'inconvénient d'être un Elfe et de ne pas vivre parmi ses semblables : il est compliqué de développer des amitiés sans en souffrir... Quant à sa jolie serveuse, elle commence elle aussi à subir le poids des années. Mais les quelques fils d'argent qui parsèment désormais sa chevelure ondulée ne la rendent que plus belle encore aux yeux de Soarën. Bien que mutuellement infidèles, ils se retrouvent toujours avec plaisir pour des nuits endiablées.

Alors qu'il remonte la rue principale du village d'Hermelin, un discret raffut dans une ruelle perpendiculaire attire l'ouïe du Traqueur. Ayant appris à ses dépens qu'il valait mieux ne pas se mêler des affaires qui ne le regardent pas, Soarën poursuit sa route. Mais l'entente d'une petite voix nasillarde répondant avec véhémence à deux autres au timbre plus classique le fait hésiter, puis revenir sur ses pas. La première personne à avoir parlé n'est pas un Humain, il pourrait le jurer. Ses intonations aigues et coupantes lui font davantage penser à un membre du Petit Peuple, même s'il ne saurait pas dire s'il s'agit d'un Gnome, d'un Farfadet ou d'un Lutin. Certainement pas une Fée : celles-ci ont des voix beaucoup plus douces.

Sans savoir s'il lui faut intervenir ou non, Soarën se place à l'entrée de la ruelle et tend l'oreille pour suivre la conversation agitée qui se déroule quelques mètres plus loin. Dans l'ombre du fond de l'impasse, deux silhouettes interrogent sans aucun tact une troisième personne qu'il ne parvient pas à apercevoir. En entendant de nouveau sa voix s'élever, ses soupçons portant sur un membre du Petit Peuple sont confirmés.

— Mais puisque je vous dis que je n'en sais rien, enfin !

— Sale menteur. Les bonhommes miniatures comme toi ont toujours des dizaines de planques !

— Alors demandez à des Farfadets si ce sont des pièces que vous cherchez, ils vous renseigneront mieux que moi ! Mais je vous préviens, ils sont durs en affaire. Maintenant, je vous demanderai de me laisser tranquille, messieurs !

Au loin, Soarën aperçoit une des silhouettes humaines se décaler, sûrement pour barrer le passage à ce qu'il pense être un Lutin – les Gnomes ont un accent légèrement plus caverneux, mâchent leurs syllabes et roulent parfois les « r » à la manière de certains Nains. Les deux acolytes ricanent.

— Tu rêves, minus. On attend toujours notre réponse. Ou un dédommagement.

— Et moi je vous dis d'aller vous faire voir !

L'homme qui s'est déplacé se penche en avant. Des cris de protestation suivis d'injures bien senties se font entendre. Lorsqu'il se redresse, Soarën voit qu'il tient par le col une petite créature pas plus haute que son genou. Elle s'agite furieusement, mais l'Humain ne compte pas la lâcher de sitôt. L'Elfe dégaine ses épées. Il en laisse une reposer à plat sur son épaule et fait tinter la pointe de la seconde sur le sol de pierre tout en s'avançant dans la ruelle mal famée.

— Y aurait-il un problème, messieurs ?

Les Humains se retournent et le fixent avec agressivité, ne cherchant même pas à se dissimuler. Coincé dans la poigne de son agresseur, le Lutin continue de se débattre, mais commence à manquer d'air. Ses joues virent lentement au rouge cramoisi.

— Aucun, mêle-toi de tes affaires, l'Elfe.

— Ça tombe bien, c'est exactement ce que je suis en train de faire.

Soarën [MYSTIS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant