🌲 Chapitre 7.2 🌲

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Un jour, après s'être attardé avec Arëndrill à la fin d'un cours, Soarën descend les escaliers de l'Érable géant en parlant avec Funest et Discorde lorsqu'une voix l'interrompt en chemin, le faisant sursauter. Il baisse les yeux vers la volée de marches suivantes sans oser croire à ce qu'il a entendu. Dyntaëll est adossé à l'entrée du réfectoire, les bras croisés, en train de l'attendre. Il esquisse même un petit sourire encourageant lorsque leurs regards se croisent. Mais depuis un mois, Soarën est devenu exagérément méfiant. Paranoïaque, même. Les derniers qui l'ont interpellé ainsi ont essayé de le faire craquer nerveusement pour qu'il les agresse, ce qui aurait été un excellent motif pour précipiter son bannissement. Et pour être honnête, ce n'était pas l'envie qui manquait à l'apprenti Traqueur d'aller casser la figure de ces idiots.

— Quoi ? se contente-t-il de répondre sèchement.

Il ne compte pas s'arrêter pour discuter avec Dyntaëll. Pour échanger seulement trois mots avant qu'il n'aille encore s'enfuir dans les bras d'Ötellan, c'est inutile. Soarën poursuit sa descente, à peine surpris de ne pas obtenir de réponse. Mais son ancien ami lui attrape le bras lorsqu'il passe à sa hauteur. Aussitôt, l'apprenti Traqueur se crispe et se dégage d'un mouvement brutal.

— Lâche-moi ! grogne-t-il.

À l'exception de ses parents et d'Arëndrill, il n'a plus confiance en aucun de ses semblables. Dyntaëll pourrait très bien vouloir se débarrasser de lui définitivement en le poussant des escaliers. D'autres l'ont déjà fait avant lui, une semaine plus tôt. Soarën n'a dû sa survie qu'à ses réflexes inouïs. Bien sûr, les coupables avaient agi dans son dos, et il a été incapable de les retrouver. Impossible d'accuser uniquement Nemen : depuis quelques temps, il a la désagréable impression que chaque Elfe du village veut sa peau.

— Alors écoute-moi, s'il te plaît. J'ai quelque chose à te demander.

— T'accompagner chez Ötellan, peut-être ? Il me semble que tu connais déjà assez bien le chemin, le raille méchamment Soarën.

Le pauvre Dyntaëll n'en a pas mérité tant. Il est le seul qui le côtoie encore de temps à autre. Mais l'apprenti Traqueur est si profondément blessé d'être sans arrêt mis à l'écart que sa rancœur ne fait plus de distinction entre son ancien meilleur ami et tous les autres qui ne rêvent que de le voir disparaître, lui et les mauvais présages qui l'entourent.

À sa remarque cinglante, Dyntaëll se frotte la nuque en soupirant. Il n'avait pas l'habitude de faire cela, autrefois. Soarën reconnaît dans son geste la manie typique d'Ötellan lorsqu'il est gêné, et se demande combien de temps exactement les deux amants ont passé ensemble pour qu'ils en soient arrivés au point de copier les réflexes l'un de l'autre.

— Viens, il y a un endroit que j'aimerais te montrer... Et on y sera plus tranquilles pour parler.

— Pour ne pas qu'on nous voie ensemble et que le reste du village invente que je t'ai maudit avec ma magie démonique ou je ne sais quelle autre imbécilité ? Bonne idée, crache Soarën avec amertume.

— Je me fiche bien qu'on nous voie ensemble.

Le ton ferme et sans réplique de Dyntaëll surprend l'apprenti Traqueur. Inconsciemment, il se fait plus attentif, et c'est sans protester davantage qu'il suit son camarade. Les Elfes qu'ils croisent sur leur route les pointent discrètement du doigt en chuchotant. Soarën s'y est habitué et affiche son habituel masque d'indifférence glaciale. Dyntaëll fait de même avec un certain brio, comme s'il était lui aussi rompu à l'exercice. Et lorsqu'un jeune centenaire se permet de l'interpeller en lui conseillant de s'éloigner du démon, il lui répond avec dédain d'un geste tout à fait clair, le majeur levé. Soarën pouffe discrètement face à sa réaction insolente, qui lui rappelle malgré lui de bien joyeux souvenirs. Ce n'était qu'il y a quelques mois, mais tout cela lui paraît si lointain, désormais... De son côté, Dyntaëll esquisse un sourire, heureux d'entendre son ami rire.

Soarën [MYSTIS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant