🌲 Chapitre 7.3 🌲

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TW : mention de tentative de suicide

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À partir du jour où Dyntaëll lui a demandé d'être leur Relieur, Soarën se sent happé dans une spirale infernale.

Lui et son meilleur ami sont redevenus proches, et ce qui devait arriver arriva : le bruit ne tarde pas à courir que le démon fou qu'il est commence à pervertir d'autres Elfes et à les ensorceler. Selon les mêmes langues de vipère, Dyntaëll est évidemment sa première victime. Du jour au lendemain, les regards mauvais s'intensifient. Sur son passage, les commentaires acerbes ne cherchent plus à être discrets. Les jeunes enfants, élevés dans la crainte de l'être atypique et différent qu'il est devenu, lui font des grimaces et s'enfuient en courant dès que Funest pointe le bout de sa truffe dans le village.

Chez les Traqueurs, malgré Arëndrill et désormais Dyntaëll qui s'acharnent à prendre sa défense, l'ambiance se dégrade de plus en plus. Dans l'ombre, Nemen se révèle sous son véritable jour et met tout en œuvre pour amener Soarën à faire un faux pas qui entraînerait son bannissement immédiat. Il le provoque et intensifie sa haine en parfaite connaissance de cause. Les autres apprentis se mettent à le mépriser ouvertement, lorsqu'ils n'adoptent pas le même comportement vil et mesquin que Nemen. Les Maîtres surveillent Soarën et sont évidemment témoins des tentatives discrètes de ses camarades pour lui donner tort, chercher à lui faire du mal, voire lui régler son compte définitivement. Mais le Conseil n'intervient pas, ce qui ne fait qu'encourager en silence les actes des apprentis. Impuissants, Arëndrill et Ylendar ne peuvent rien faire d'autre que grincer des dents. Le Maître Traqueur lui-même ne peut pas punir les fautifs. La moindre action en faveur de Soarën retournerait le village entier contre lui, et il ne peut malheureusement pas se le permettre. Son élève ne lui en veut pas. Il est conscient de la situation délicate dans laquelle se trouve son Maître.

Chaque journée, déjà désagréable, devient un véritable calvaire à endurer. Soarën est sans arrêt sur ses gardes, à se méfier de ce qui pourrait surgir au détour d'un tronc ou d'un fourré. Des flèches perdues l'ont frôlé plusieurs fois ces derniers jours. Ou bien ce sont des branchages qui se sont mystérieusement détachés des hauteurs pour lui tomber dessus. Funest ne l'accompagne plus et se tient à l'écart du village pour ne pas être pris comme cible, mais cet éloignement forcé les fait souffrir tous les deux et assombrit encore davantage l'humeur déjà dangereusement maussade de Soarën. Discorde reste toujours avec lui, perchée sur son épaule. Elle non plus n'ose pas aller se dégourdir les ailes et batifoler dans les feuillages comme elle le faisait auparavant. L'apprenti Traqueur est cerné de toutes parts, pourchassé par ses propres semblables, comme prisonnier de cet endroit où il a grandi. Il se sent comme une bête à abattre, dont la tête tombera bientôt. Il hait cela.

Soarën hait ce qu'est devenue sa vie. Il hait les siens et ce village devenu fou, ligué contre lui sans raison. Et sa haine ne fait qu'exacerber ses moments de colère, qui se font de plus en plus fréquents. Même ses jeux de force au cœur de la nuit avec Funest ne parviennent plus à le calmer. L'apprenti Traqueur hurle à la lune avec son loup, ou bien s'enfonce seul dans la forêt au milieu des ténèbres pour frapper des troncs d'arbre de ses poings nus, cherchant à extérioriser cette rage intérieure qui le consume à petit feu. Mais rien n'y fait. Il ne dort plus la nuit. Malgré la résistance naturelle des Elfes à la fatigue, ses traits se marquent et des cernes noirs apparaissent lentement sous ses yeux. Ses parents, son Maître et son meilleur ami le voient devenir peu à peu l'ombre de lui-même, sans savoir comment l'aider.

Un soir, sans réfléchir, alors que comme à l'habitude, ses draps ne sont plus que des morceaux de tissu trempés de larmes, Soarën se lève. Discorde est partie chasser. Il est seul. Tel un somnambule, il marche jusqu'au coin de sa chambre où il conserve précieusement les armes que lui ont offert ses parents. Même s'il ne les utilise pas, il en prend soin, comme il l'a promis à sa mère. Il aiguise ses épées, nettoie et polit son arc, prend parfois le temps de fabriquer quelques flèches inutiles pour ne pas perdre tout le savoir-faire qu'il a acquis ces dernières décennies auprès d'Arëndrill.

Soarën [MYSTIS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant