C'est avec un air ravi affiché sur le visage que Soarën passe la porte de l'établissement et se dirige vers l'aubergiste sans hésiter. Celui-ci sourit de le voir si enthousiaste et le salue comme un habitué.
— Alors mon gars, la chasse s'est bien passée ?
— Et comment ! s'exclame Soarën. Qu'est-ce que je peux me payer chez vous avec seize pièces d'or ?
À l'annonce du montant qu'il a désormais en sa possession, le barbu sifflote, impressionné. Il sait bien pour qui l'Elfe est parti traquer ses proies, et le vieillard se traîne la réputation d'être un sacré radin.
— Seize pièces d'or ? répète-t-il. Qu'est-ce que tu lui as ramené, au vieux, pour qu'il te file toute sa richesse ?
— Je crois qu'il a aimé la famille de lynx.
L'aubergiste avale de travers. Ces félins solitaires ne sont pas faciles à approcher, d'ordinaire, alors tout un groupe ?! Les tables les plus proches du comptoir ont prêté l'oreille à leur dialogue, et dans la salle, les commentaires vont bon train. Quelques regards admiratifs se tournent vers lui. Pour la première fois depuis longtemps, Soarën ressent une bouffée d'orgueil. Il en soupire d'aise. Que c'est agréable ! Face à lui, le barbu reprend ses esprits en secouant légèrement la tête, stupéfait. Puis il éclate d'un rire chaleureux et tend le bras au-dessus de son comptoir pour gratifier le Traqueur d'une tape amicale sur l'épaule.
— On devrait voir passer des Elfes comme toi plus souvent, mon gars, ça nous mettrait un peu d'animation dans ce trou paumé ! Garde tes pièces d'or, va, elles te serviront plus tard. File-m'en juste une pour la nuitée et le repas, je te garantis que tu seras servi comme un roi !
— Ça m'intéresse ! accepte volontiers Soarën en payant l'aubergiste de bon cœur.
Laissant l'homme encaisser sa monnaie et gérer sa petite équipe de service en cuisine, il se tourne vers les tables. Toutes sont occupées : en fin de journée, les habitants d'Obwald se retrouvent ici pour se détendre. Qu'ils soient hommes ou femmes, d'ailleurs, note-t-il en apercevant au milieu des torses musclés et des bras épais quelques longues chevelures soulignant des formes généreuses. L'ambiance chaleureuse et les murmures sur ses exploits de chasse rendent Soarën audacieux. Il s'approche de l'un des groupes d'inconnus et les hèle sans crainte.
— Dites, vous feriez de la place à un Traqueur fatigué pour qu'il puisse s'asseoir un peu ?
— Évidemment, l'ami, rejoins-nous !
L'Elfe s'installe aux côtés des Humains, et sans la moindre difficulté, se met bientôt à converser avec eux comme s'ils se connaissaient depuis toujours. Hommes comme femmes l'écoutent raconter sa traque de l'après-midi, puis se mettent à l'interroger avec curiosité sur ses origines et l'existence qu'il menait à Telendriss, par-delà la Dhakerissaa. Ils mangent ensemble : la viande est grillée à point et l'alcool humain n'est pas mauvais, même s'il ne vaut pas la Vérité d'Épines de la Brasserie.
Au fil de la soirée et des pintes de bière partagées, les langues se délient et Soarën en apprend plus sur le petit village de mineurs et de trappeurs qu'est Obwald. Bien qu'ils soient de parfaits inconnus, ses habitants sont chaleureux et sympathiques. Soarën les prend en affection, et grâce à eux, revoit son jugement sur leur race. Effectivement, tous les Humains ne sont pas égoïstes, idiots et étroits d'esprits. Les villageois d'ici l'acceptent sans se soucier qu'il soit un Elfe. Ils lui lancent des défis d'adresse ou de rapidité, admirent ses capacités elfiques et restent bouche bée devant ses prouesses. Le Traqueur est de nouveau le centre de l'attention, et il doit avouer que cela lui procure un immense plaisir. Même s'il n'est plus parmi les siens, il a encore de la valeur aux yeux d'autrui.
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Soarën [MYSTIS]
FantastikLa forêt de Telendriss est la demeure ancestrale de la communauté d'Elfes dont fait partie Soarën. Audacieux et impertinent, ce Traqueur a des rêves plein la tête. Il espère avoir l'honneur de succéder à son Maître de caste, et comme ses camarades...