Chapitre 29

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Coucou toi ! Avant de commencer ce chapitre, je t'invite à aller jeter un coup d'œil à mon nouveau roman : Aveuglément. Mafia, amour, handicap, suspens, guerre seront au rendez-vous !

Je ne t'embête pas plus, bonne lecture ! ;)

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Le calme règne. Répétitif, le pas des chevaux constitue une partition prévisible, rythmée, au parallélisme certain. Au loin, des oiseaux au chant mélodieux et parfois le croassement plus grave et lugubre des rapaces de Floride qui cherchent — à n’en pas douter — une quelconque carcasse morte de vieillesse, ou sous les mâchoires d’un crocodile. Non, ce n’est pas une légende. Dans cette partie des États-Unis, ils sont nombreux. Non loin de chez ma mère, les marécages et les fermes d’alligators abondent. Mais nous avons appris à cohabiter. Les accidents restent rares.
 
Dans les prairies qui nous entourent, l’herbe grasse du printemps jaunie par endroit, signe évident qu’un été aride se profile. Il nous faudra encaisser le coup… Max, joyeux, cours à travers la forêt, il adore se dépenser. À l’inverse de Bess qui est restée à la maison.
 
— Notre dernière balade remonte à des années au moins…
 
Nostalgique, ma mère caresse l’encolure de Sandy, la jument qui a mis Twilight au monde.
 
— Oui, c’était juste avant que je ne parte pour la fac. Tu étais effondrée !
 
Elle pleurait en pensant que je ne la voyais pas. Quelques minutes s’écoulent avant que je ne reprenne la parole. Je voudrais centrer la conversation sur le sujet qui me préoccupe.
 
— Je ne sais pas quoi faire…
 
— À propos de ton père ?
 
Stoïque, elle regarde à l’horizon. D’une grande perspicacité, elle ne tourne pas autour du pot.
 
— Oui, il faut que je lui parle. Mais comment puis-je lui dire toute la vérité ? Je n’ai aucune idée de la façon dont je dois m’y prendre.
 
Ses sourcils se froncent, comme toujours lorsqu’elle réfléchit intensément. Un tic d’expression.
 
— Je suis vraiment désolée de tout ça… Tu ne devrais pas l’endurer. Ne veux-tu pas que je lui parle moi-même ?
 
Je suis ébaubie. C’est inattendu ! Je n’y avais même pas pensé. Elle qui refusait que je le rencontre et se cachait, sort de sa coquille et propose d’agir. C’est tentant, ça me débarrasserait d’un poids. Mais ça en mettrait un terrible sur ses épaules…
 
— Non, maman, je dois m’en charger.
 
L’engrenage a été lancé par mon initiative, cette aventure devra se finir avec moi.
 
— Très bien, mais parle-lui dès que tu en auras l’occasion. Il ne faudrait pas qu’il l’apprenne par un autre.
 
Elle a tout à fait raison. Je vais le lui dire. Toutefois, je ne suis pas certaine de m’avérer convaincante si je me pointe un lundi matin en m’exclamant : « Yo, Andrew, je suis ta fille de 23 ans ! Quoi ? Tu ne vois pas ? Mais si ! Celle que tu as eue avec Helena ! »… Comment un homme si réfléchi pourrait me croire sans preuve ?
 
— Je peux lui donner ton adresse ? Tu pourras confirmer ce que je lui aurais expliqué, il ne pourra pas douter !
 
Je la sens mal à l’aise. Le tout est de savoir si elle aura le courage d’affronter une telle chose. Je devine que ce sera un gros stress pour elle : patienter pendant des jours avant qu’il pointe le bout de son nez. Tôt ou tard, la curiosité d’Andrew le poussera à s’assurer de la véracité de mes propos. Il ne raterait pas une occasion de revoir ma mère, la photo sur son bureau en constitue une preuve.
 
— Très bien, fait donc cela. Je l’attendrais.
 
Elle lance sa jument au trot. Progressivement, le dénouement se forme sans possibilité de retour en arrière. Tout repose sur mes épaules, je peux faire exploser la bombe ou non.
 

***
 

Assise dans l’un de nos bars préférés, j’attends Lara qui est coincée dans les bouchons et m’a donné rendez-vous en ce lundi soir. Au grand désespoir d’Archibald qui voulait me kidnapper pour aller chez lui. Je ne pouvais pas poser de lapin à ma meilleure amie. J’aurais été la pire d’entre toutes dans le cas contraire !
 
Ce soir, je reste soft : jus de mangue, mon favori. Pour Lara, j’ai commandé un Sex on the Beach. Elle aime ce cocktail aussi bien pour son nom que son parfum de fruit mélangé au rhum ! Je ne l’ai pas vu depuis un petit moment, on va avoir beaucoup de choses à se dire. Depuis peu, les hockeyeurs on envahit nos vies ! En tout cas, au vu de l’air niais qu’arborait Percy, je devine que Lara a adoré son cadeau ! Aucun doute, il a dû se passer quelque chose entre ces deux-là.
 
Quant à Archibald : 3. Ce qui correspond au nombre de fois où il m’a attiré dans un coin pour m’embrasser. Si je ne l’avais pas arrêté, il serait sans aucun doute allé plus loin… Vive la discrétion ! En même temps à quoi m’attendais-je ? Mon colosse est de feu, il ne parvient pas à se tempérer : quand il me désire, il me le fait savoir.
 
Rayonnante, je vois la charmante latina rentrer dans le bar. Sur ses hauts talons et le corps enveloppé dans sa robe rouge, elle fait tourner des têtes ! Comme partout où elle se trouve, elle ne passe pas inaperçue. Je lui adresse un signe de main.
 
— T’es un amour ! Je meurs de soif ! s’exclame-t-elle en lorgnant sur son verre coloré alors qu’elle s’assied.
 
Elle à raison, toute la journée, le soleil à tapé durement et l’air était particulièrement aride. Une chance que je travaille dans une patinoire climatisée !
 
— M’en parle pas, ça fait vingt minutes que je sue sur cette chaise.
 
C’est pas glamour ! C’est clair. Au moins je fais preuve d’honnêteté. Que la personne n’ayant jamais transpiré sur un fauteuil me jette la première pierre ! Elle se gausse avant de faire disparaître la moitié du contenu d’une traite.
 
— Quelle descente !
 
Malicieuse, elle m’offre un clin d’œil. À la fac, en plus de ses connaissances intellectuelles, elle a grandement développé sa capacité à ingurgiter des liquides en tout genre. Tequila, vodka, bière, whisky… en bref, elle a pas chômé ! C’était la belle époque où nos seules appréhensions se résumaient aux études et à l’obtention de notre diplôme.
 
— Bon, toi, je veux tout savoir !
 
Elle a une attitude si joyeuse, légère… j’attends les éléments croustillants ! De toutes personnes que je connais, Lara est l’une de celles qui méritent de trouver le bonheur. Cela fait si longtemps qu’elle n’était pas restée sérieusement en contact avec un homme, j’espère que ce sera le bon. Ce gros nounours ne peut que lui faire du bien après tous les tocards qui ont défilé dans son existence. Malheureusement, Lara incarne un aimant à pauvres types. Dès qu’il y en a un, il est pour elle.
 
— On s’est vu hier ! Comme il était claqué après le match il m’a demandé si je voulais venir chez lui. Tu penses bien que j’ai dit oui ! Il nous a fait livrer à manger, on a bu un bon vin français et… il m’a offert ceci !
 
Elle fouille dans son sac. Je devine sans mal de quoi il s’agit. Il m’a demandé conseil après tout ! Elle me présente une magnifique boule à neige mettant en scène les grands gratte-ciels de New York au cœur desquels se forme Central Park. Le socle de la sphère est constitué de petite voiture jaune, les taxis typiques de la grosse pomme. Elle la secoue frénétiquement et des tas de flocons volètent dans le microcosme. Il neige sur la ville. C’est charmant. D’ailleurs, le Don Juan a tant écumé les boutiques pour trouver LA pièce parfaite, qu’il a bien failli mettre l’équipe en retard lors du départ.
 
— Vraiment ? Elle est superbe, en plus tu adores ce genre d’objet !
 
Elle me lance une œillade pince-sans-rire.
 
— Fais pas l’étonnée, je sais que tu n’es pas étrangère à cette affaire…
 
Merde ! Prise la main dans le sac. Ce mec est trop honnête !
 
— Bon, j’avoue… Mais tu l’aurais vu ! Il était trop mignon !
 
— T’as bien fait, j’étais ravie… Je ne m’attendais pas à ce qu’il pense à moi. Je ne te cache pas qu’on a ensuite fait l’amour…
 
D’où la jolie robe qu’elle porte et le cadeau qu’elle avait toujours sur elle ! Elle n’a pas dû avoir le temps de passer chez elle ce matin ! Effectivement, ce n’est pas le genre de tenue qu’elle enfile pour aller au travail. Plus important encore, quelque chose me frappe : « faire l’amour ». Telle est l’expression qu’elle a utilisée. Je ne l’ai pas rêvé ! À l’accoutumée elle emploie les mots baise, plan cul ou partie de jambe en l’air.
 
— C’était comment ?
 
— Franchement… J’ai adoré ! Il est doux et parfois brut, il m’a emmené au septième ciel… Sans parler de sa queue, elle est géniale !
 
Honnêtement, je me serais volontiers passé du dernier commentaire qui me fait grimacer. Indubitablement, ces mots me reviendront à l’esprit au moment le plus inopportun… Quoi qu’il en soit, son sourire béat et son regard rêveur ne mentent pas, c’est même clair comme de l’eau de roche ! Elle est foutue.
 
— Je ne te donne pas trois semaines avant de devenir accro !
 
Moqueuse, je glisse la paille colorée entre mes lèvres.
 
— Dit-elle !
 
Elle hausse un sourcil scrutateur. Où veut-elle en venir ?
 
— Archibald ! Vous vous êtes réconciliés, il me semble !
 
Percy tient bien sa langue à ce que je vois…
 
— Que vas-tu faire ?
 
— Bonne question, j’en sais rien…
 
J’ingnore où ça va me mener. Lui et moi avons décidé de nous montrer discrets. Baiser, se retrouver et passer d’agréables moments… C’est ce qui est convenu et je ne peux rien exiger de lui. Pas après ce qu’il m’a raconté au sujet de son ex-fiancée. La dernière femme à avoir attendu quelque chose de lui l’a trahi de la pire façon qu’il soit, j’ai bien senti qu’il n’était pas encore guéri. Sinon il n’aurait pas tant de difficulté à se confesser.
 
— Tu vas bientôt parler avec ton père ?
 
Je dodeline de la tête pour affirmer ses dires.
 
— Je ne crois pas que tu as l’intention de garder cet emploi, aussi quand tu auras tout avoué, plus rien ne vous empêchera d’être ensemble. Plus de contrat.
 
Et s’il ne voulait plus me voir une fois celui-ci aboli ? L’éloignement ne risque-t-il pas de nous séparer définitivement ? Il a dit ne pas pouvoir me promettre une histoire d’amour… Sera-t-il prêt à fournir des efforts pour nous ? C’est un pari audacieux.
 
— Tu… L’aimes ?
 
Je suis prise de court par son abrupte question. Oui… Non ! La réponse n’apparaît pas aussi évidente qu’elle devrait l’être. Je n’y avais jamais pensé. Aimer Archibald King ? Ça semble saugrenu, moi qui le détestais et le fuyais comme la peste il y a peu… Entre l’amour et la haine, il n’y a qu’un pas. Fameuse expression souvent entendue qui jette un doute en moi. Suis-je amoureuse ? Je ne sais quasiment rien de lui, c’est insensé !
 
— Non…
 
Comme une mère, elle attrape ma main. J’ai l’impression de mentir. Rien n’est plus difficile que de me comprendre ces derniers temps.
 
— Tu as hésité, ma belle… T’es sûre de toi ?
 
Cela fait belle lurette que je ne suis plus assurée de rien et que j’évolue en roue libre.
 
— Aucune idée. Je suis bien avec lui, j’adore nos chamailleries et il m’avait manqué…
 
L’ensemble des « symptômes avant-coureurs » s’avèrent clairs. Je suis dans de beaux draps… La grimace de Lara me le confirme. Je suis amoureuse d’Archibald ? Oh oui, je le suis ! En un temps éclair, je me suis laissé séduire et désormais me voilà folle de lui, si bien que mon cœur se serre lorsque nous sommes séparés. Incroyable !

King of IceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant