💢 𝕊𝕒𝕟𝕤 𝕒𝕥𝕥𝕒𝕔𝕙𝕖𝕤 (𝘯𝘰𝘶𝘷𝘦𝘭𝘭𝘦𝘴)💢

Rencontre fictive ( CdL)

Cette courte "histoire" est née d'une activité de la cdL (confrérie des Littéraires). Il s'agissait de s'adresser à un des personnages que l'on a créé. Je me suis pliée au jeu.

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Stephen 

Je m'assois sur le sable de la plage, non pas celle juste à côté de la maison mais sur une plage de Seattle. Ben oui ici aussi j'ai le droit de rêver. Viendra-t-il au rendez-vous ? J'ai le droit d'en douter. Si Stephen est "mon" personnage de Dix ans après, il n'en a jamais fait qu'à sa tête. Je suis une drôle d'auteure : ce sont eux qui me dictent quoi écrire. Je n'ai que peu d'emprise sur leur destin. Reconcentre-toi, Any, tu as réussi à obtenir un rendez-vous avec Stephen Mancini dont l'alter ego était... Bref.

Lorsqu'il arrive et s'assoie sans un mot à côté de moi, mon cœur vibre comme celui d'une ado. Jean clair. Chemise blanche. OK. c'est son uniforme habituel. Celui dans lequel Emma et moi on adore le voir. C'est un bel homme, il a la trentaine comme quand je l'ai créé, il y a quelques années. Cependant, il est curieusement plus mûr que dans mes souvenirs et le décalage entre ces derniers et la réalité me perturbe. Mes personnages ont-ils une vie en dehors de moi ? Nos personnages sont-ils, dans un monde parallèle, obligés de vivre ce que nous leur imposons ? Je secoue la tête écartant ces pensées curieuses.

— Salut Any.

— Bonjour Stephen.

Sérieux ? Je suis timide avec ma création ? Et puis il sourit. De ce sourire si simple et amical qui simplifie les relations. J'ai oublié que Stephen n'est pas un torturé : c'est un homme heureux qui a accepté sans râler toutes les conneries que je lui ai fait subir dans l'espoir de justifier qu'il devait avoir une excuse pour quitter la jeune Emma. Ben oui. Je voulais qu'il soit un jeune homme "méchant", qu'il quitte la petite jeune fille amoureuse (le scénario banal de la romance) mais comme je l'adorais mon Stephen il fallait qu'il soit un "faux méchant" qu'il ait une sacrément bonne raison et mon cerveau machiavélique l'a trouvée. Donc c'est lui qui a morflé.

Nous, les écrivains, on est tous des Rois de l'enfer pour nos créations. (D'ailleurs UmiNoAkuma l'assume dans son pseudo... pas moi)

— Tu voulais me rencontrer pourquoi ?

En plus, lorsqu'il me parle et sa voix est comme je l'imaginais, basse et empathique. Empathique ? Une voix empathique  ? N'importe quoi, être amoureuse de son personnage, ça craint.

— Eh oui. Je voulais savoir si ça roule avec Emma.

Il éclate de rire. Heureusement qu'il ne pleut pas comme dans le chapitre de leur rencontre, car là, c'est moi qui pleurerais sur ma bêtise.

— Any ? Tu t'entends ? C'est toi qui as écrit toute ma vie. Alors tu connais la fin.

Pas faux.

— Ce que je voulais dire, je m'en veux de t'avoir fait... certaines choses. À toi et à Emma aussi bien sûr.

Il hausse les épaules, comme si lui faire perdre dix ans de vie de bonheur avec Emma était négligeable. Bon ce qui me rassure, c'est qu'il ne sait pas que dans une autre histoire que j'ai écrite,j'ai même poussé la cruauté à rendre mon héros aveugle. Pauvre Andrew, toi aussi tu mériterais une lettre d'excuse, mais si je te rencontre je vais tuer ta copine en espérant prendre sa place. Je suis désespérante. Finalement j'ai peut-être été gentille avec Stephen tout compte fait.

— C'est la vie, Any. Même fictive. Ce ne serait pas marrant si tout était simple dès la première ligne. Les lecteurs s'ennuyaient. Au moins, tu m'as collé un gosse agréable pas comme le petit chameau d'Andrew. Tu sais que mon petit Garrett va devenir mé...

— Chut !

Je lui colle ma main sur la bouche pour qu'il se taise.

Ces lignes ont des oreilles et il est hors de question qu'il spoile mes 20 lecteurs.

Je recule et enlève ma main. Toucher un être fictif est très curieux. C'est sans texture. Vide.

— Tu as raison, excuse-moi. Pas de spoil. Et c'est normal que je sois "vide", je n'existe pas, je te rappelle.

En plus il lit dans mes pensées ? Zut, il EST dans mes pensées.

- Honnêtement, je pense que tu as eu raison de me faire mûrir loin d'Emma et je voulais te remercier de l'avoir mis puis remis sur ma route. C'est une fille courageuse. Elle m'a laissé une seconde chance après ce que je lui ai fait. Tes lecteurs vont être... surpris.

Je papillonne, cherchant quelques secondes à quoi il fait allusion. J'ai écrit ceci il y a quelque temps et lui le vit. C'est donc plus frais dans sa tête. Pourquoi je dis cela ? Je suis bizarre. 

Il n'existe pas. L'image du bel homme assis à côté de moi devient floue. Mais sa voix est là, en moi, me rappelant le bien qu'il m'a fait, lorsqu'il m'a permis de tourner la page, de mettre des mots sur une petite blessure et de vivre ma vie. Stephen, ou quelque soit son nom, comme les quelques autres qui peuplent mon cerveau, sont précieux. Ils n'ont pas de réalités concrètes, mais leur virtualité me fait avancer et me rend fière. Alors je décide d'assumer. Peu importe ce que pense les gens autour de moi. Je me penche et embrasse tendrement la joue la pâle silhouette de l'homme qui n'existe que dans mes pensées.