Un monde rêvé (DEA n°14 Hors concours)

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Une petite nouvelle écrite dans le cadre du DEA 14 "Concentré d'Emotions", défi d'écriture que j'organise. Evidemment hors concours. Le trois autres juges m'ont aussi fait le plaisir de participer... Allez les lire  ( _Emrai_ ,  HelynePaclet  et   LuizEsc )  avant (ou après) avoir savouré ceux des participants.

Le concept de ce défi : faire ressentir une/des émotions en 1000 mots maximum  (ici 570 ) et 5 mots imposés (soulignés dans le texte).

Résumé : 

J'ai recherché et rassemblé ici tous les ingrédients indispensables : des vacances, du soleil, le farniente, la plage, des amis et un bon livre. La recette du bonheur est enfin en ligne. Vous êtes tentés ? Alors fermez les yeux (pas trop quand même, ne vous endormez pas sinon vous ne pourrez pas lire mes mots, ce qui serait dommage) et laissez-vous porter par ma voix, vous pourriez être surpris.

ooOooOooOoo

Vous m'entendez ? Je suis la petite voix dans votre tête. Écoutez-moi.

Vous vous sentez bien. Votre corps s'étire langoureusement sous la couette légère et parfumée qui vous a protégé de la fraîcheur de la nuit printanière.

Le soleil matinal caresse votre peau nue et vous éveille pianissimo alors qu'un oiseau gazouille sous la fenêtre.

Prenez le temps de savourer l'instant. Vous n'avez rien de plus à faire. La paresse est votre seul maître. Le parfum délectable du café fraîchement moulu embaume l'atmosphère et vous titille les papilles. En tendant l'oreille, vous percevez les murmures entrecoupés de rires de vos amis qui marivaudent gentiment dans la pièce voisine.

Vous vous étirez longuement une nouvelle fois. Les draps de soie... quel ravissement ! Ils chatouillent votre peau de façon exquise et vous invitent à la luxure. Vous ouvrez les paupières et découvrez le soleil dont les rayons sont tamisés par les rideaux d'un bleu Majorelle vivifiant.

Alors qu'un rire vous parvient de la cuisine, le parfum de viennoiseries tout juste sorties du four excite votre gourmandise. Lorsque vous vous levez, encore indécis de la direction à donner à votre journée, car il n'y a rien de particulier à faire, votre regard tombe sur les trois livres, un peu écornés par l'usage, que vous avez emporté en vacances. Vos préférés. Ils trônent sur la table de nuit et vous promettent quelques heures de délice.

Farniente et lecture...

Sans plus réfléchir, vous laissez l'envie vous gouverner et saisissez votre liseuse qui est posée juste à côté, complice indispensable et moderne de votre péché mignon.

La terrasse de votre chambre s'offre à vous. Le jour est à peine levé et la plage qui se déroule un étage plus bas est vierge de tous touristes. Seule l'écume blanche ruisselle vague après vague sur le sable doré.

Allongé sur le transat moelleux, vous offrez votre visage aux doux rayons bienfaiteurs qui détendent, un à un, vos petites tensions musculaires. Vous êtes si proche de l'eau que la brise marine vous parsème de gouttelettes iodées, ce qui auréole d'un brin de délectation enfantine ce premier jour de vacances.

Vous allumez alors votre liseuse et sélectionnez d'un mouvement avide votre lecture du jour. Le nirvana est atteint. Vous êtes heureux. À ce moment précis, vous vous évadez dans un autre Univers.


La voix disparaît tandis que j'ouvre les yeux, me réveillant en sueurs et en sursaut. Je ne distingue plus rien. La pièce glaciale est plongée dans une obscurité sinistre. Les événements hitchcockiens de ces dernières heures me reviennent à l'esprit, déchirant violemment les strates successives de mon pauvre état d'inconscience. Ma colère se renforce. Dans un regain d'orgueil, je m'assois avec difficulté sur le bas-flanc souillé où j'ai somnolé par à-coups, je respire des effluves nauséabonds qui me laissent un goût métallique dans la gorge : je saigne. Encore. L'avarice de mon geôlier a mesuré chichement l'eau à ma disposition et je vendrais père et mère afin d'hydrater ma gorge desséchée.

La douleur, qui avait dû s'atténuer pour me plonger dans un sommeil agité, s'est réveillée et mon corps n'est que blessures et déchirements. C'est alors que des pas résonnent derrière la porte, entraînant le rythme de mon cœur dans une sarabande infernale, je m'effondre alors, terrorisé. Attaché par des fers aux chevilles, recroquevillé sur moi-même en attendant l'arrivée de mon bourreau, je n'ai qu'un désir : c'est de m'endormir à nouveau, pour rêver et effacer ma vie. 

FIN

PS : Pour les habitué.e.s des défis, avez-vous repéré le clin d'oeil à un défi précédent ?

💢 𝕊𝕒𝕟𝕤 𝕒𝕥𝕥𝕒𝕔𝕙𝕖𝕤 (𝘯𝘰𝘶𝘷𝘦𝘭𝘭𝘦𝘴)💢Où les histoires vivent. Découvrez maintenant