Foutue écossaise (3) Seconde chance

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Je pousse la porte du restaurant où mes amis m'attendent. Je suis en retard. Depuis que j'ai regagné la ville il y a deux jours et repris mes habitudes dans l'appartement de ma sœur, je suis toujours en retard. J'ai l'impression d'avancer dans une sorte de brouillard opaque. Je ne suis pas encore totalement "là" et l'appel de mon ami, Morgan m'a d'autant plus décontenancé. Je ne m'attendais pas à sa visite sur le vieux continent. Je le connais depuis une dizaine d'années environ. Peut-être plus. Peut-être est-ce la raison de mon inquiétude concernant son invitation à dîner. Il dirige son agence de voyage depuis Manhattan, se déplace de moins en moins et Je redoute qu'il me parle à nouveau d'une installation aux States. J'ai fait mes études là-bas et m'en suis sorti, grâce à lui d'ailleurs. Le jeune homme de dix-huit ans, venu de sa campagne, n'aurait pas survécu dans la jungle new-yorkaise sans le guide qu'il a été, mais je ne tiens pas à vivre aux États-Unis, pas plus que je souhaite le blesser.

Partagé entre l'envie de voir mon ami et plusieurs autres connaissances, la peur de devoir refuser une offre d'emploi intéressante, fixe et bien rémunérée aux côtés d'une personne que j'apprécie, j'ai hésité à le rejoindre. Enfin ça, c'était jusqu'à ce que ma sœur me fiche dehors. Apparemment mon humeur morose lui pèse. À peine ai-je eu le temps d'enfiler un blouson de cuir noir par-dessus le pull bleu qu'elle m'a offert, qu'elle m'a poussé dehors en me disant qu'il fallait que je m'aère. Peut-être. Je ne sais plus. Ce voyage en Écosse m'a perturbé. Bon, il faut oublier.

Je parcours du regard la foule agitée et bruyante dispersée dans ce restaurant. L'ambiance est jeune, sympathique. La musique est moderne sans être agressive. Un tube de Kygo dont le nom ne me revient pas tourne en ce moment même, mais je me sens en décalage comme si quelque chose n'allait pas vraiment bien chez moi. Je repère soudain à une table proche de la terrasse, des visages familiers. Parfait, ils sont là.

Évidemment Morgan, est assis à côté de son compagnon, Derek dont la silhouette athlétique est reconnaissable entre mille. Kelly, la femme de Jack est, quant à elle, collée contre son mari qui n'a rien perdu de sa tignasse rousse et bouclée. OK. Une soirée avec des couples amoureux. Ça promet.

Mes deux compatriotes passent plus de temps par monts et par vaux que dans leur maison située au sein même de la grosse pomme et c'est la raison qui fait que nous ne nous voyons peu. Finalement j'ai bien fait de venir. Je m'approche de la table et, tout en passant derrière Morgan je lui frappe amicalement l'épaule.

— Alors on vient se dévergonder en Europe ?

— Salut Niall. Dévergonder c'est pas exactement le mot. Mais de toute évidence, si je veux te voir, je dois te courir après. Sans parler du fait que tu n'es jamais là où on te cherche. Alors nous nous sommes sacrifiés : on a pris l'avion.

Il rigole en me donnant une accolade virile suivi par Derek qui se lève et l'imite. Le grand brun musclé me sourit. On se connait moins, mais je l'ai souvent croisé et j'ai eu affaire à lui pour le boulot car il gère la communication de leur boite. Il est aussi souriant et ouvert que son compagnon est réservé. Cela fait partie des choses qui me plaisent bien. Jack, lui, ne se lève pas mais m'adresse un sourire de connivence. On a été en relation assez souvent ce dernier mois pour mettre au point le périple écossais auquel il tient alors je le contourne et passe embrasser sa dulcinée : Kelly.

— Salut ma belle, quand est-ce que tu largues ce rouquin pour m'épouser ?

Elle sourit et se colle inconsciemment encore plus contre lui comme si elle ne pouvait même pas envisager cette éventualité. J'adore les taquiner tout comme j'aime l'exubérance de cette femme.

— Bonjour Niall, impossible. Un seul écossais dans ma vie. Je ne peux plus changer.

— C'est à cause du p'tit ? Je l'adopte si tu veux.

💢 𝕊𝕒𝕟𝕤 𝕒𝕥𝕥𝕒𝕔𝕙𝕖𝕤 (𝘯𝘰𝘶𝘷𝘦𝘭𝘭𝘦𝘴)💢Où les histoires vivent. Découvrez maintenant