2eme semaine. Le fonctionnement est plus claire. Chaque cycle dure une semaine. Pendant chaque cycle, il faut écrire une courte nouvelle de 6000 caractères espaces comprises. Les consignes sont connues le mardi matin. Pour valider le cycle, il faut aussi laisser au moins 3 commentaires d'au moins 500 signes sur 3 textes d'autres personnes.
Voilà les consignes de l'exercice de cette semaine.
La proposition d’écriture : Racontez une expérience forte. Racontez une expérience forte en raison des émotions, des sensations, des rebondissements ou encore des sentiments qu’elle a suscités (amour, haine, colère, honte, peur, désir de vengeance…). Vous vous mettrez en scène en modulant le degré de vérité : celui-ci pourra être absent (canular, farce…) ou pondéré (fiction ou autofiction) ou encore totalement présent (témoignage).
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Le passage de témoin
— Un jour j’ai su que cela était. J’ai longtemps espéré me tromper mais je sais aujourd’hui que cela est vrai. Il est.
« Pardonnez-moi si mes mains tremblent. J’avoue avoir eu peur de me replonger dans ce moment de découverte incroyable, inattendu et malheureusement inoubliable, ainsi que dans la longue descente qui a mené à ce savoir infernal. On dit souvent que la vie d’une personne est faite de ,peut-être quatre virages à négocier. Ceux-là qui conditionnent toute votre existence ; des décisions qui n’en sont parfois pas. Une hésitation devant un choix apparemment anodin sans même en avoir conscience vous emmène dans une direction et vous bloque à tout jamais l’exploration des autres alternatives de votre vie. C’est un de ces choix que j’ai regretté toute ma vie.
« Le mal est fait et je ne peux plus l’effacer, mais je dois laisser une trace de son parcours pour les autres, vous comprenez, c’est important pour moi de le partager maintenant que je me sens près de la fin. Ce dernier virage, je ne dois pas le rater.« Je suppose que vous devrez reprendre l’histoire depuis le début pour que vous y trouviez un sens.
« Vous voulez un verre ?
...
— Comme vous voudrez, moi, je me ressers.
« Oh je sais très bien ce que vous pensez de quelqu’un qui boit à dix heure du matin. Je vais vous mettre à l 'aise tout de suite avec ça. Elle était pleine ce matin et elle sera probablement vide avant midi mais je vous déconseille de prendre cet argument pour remettre en cause ma crédibilité et toute notre discussion. Vous ne savez pas ce que j’endure depuis des années. J’ai tout essayé ou presque. L’alcool est la seule solution que j’ai adoptée pour les faire taire. Ils se battaient constamment dans ma tête. Je devais les séparer mais je me gardais bien de prendre parti pour l’un ou l’autre. Je voyais bien dans quel recoin ils voulaient me pousser. Une impasse sombre de mon esprit d’où je ne pourrais me soustraire à la confrontation. Ils pensaient pouvoir me contrôler tout entier et je voyais leur stratagème se mettre en place.
« J’aimerais tellement que les autres soient encore envie. Peut-être qu’un d’eux aurait eu plus de courage que moi et aurait trouvé une fin plus appropriée. Si au moins mon ami le Docteur Dumbard n'avait pas craqué avant moi, les choses auraient été différentes. A deux nous les aurions affronté.
« Vous avez déjà fait l’expérience de l’enfermement dans une chambre blanche aux murs matelassés qui sent la sueur et les larmes ? Une chambre dans laquelle vos cris n’ont aucun écho ? Vous avez une chemise dont les manches sont attachées dans votre dos. Vous n’avez plus de repère. Vous ne savez même plus quand le soleil se couche. Au début, vous essayez de compter les jours qui passent en différenciant les repas. Un seul petit déjeuner par jour. Malheureusement, vous perdez rapidement le fil.
…
— Non, vous n’y êtes pas. Dumbard était réellement un ami, je sais qu'il tentait de m’aider. J’étais volontaire. Il n’était que trop au courant des forces entre lesquelles j’étais tiraillé. Son esprit était beaucoup moins ouvert que le mien et … le pauvre, quand j’y repense …
« Ce que vous devez savoir c’est qu’il me fit sortir de l'hôpital, comme promis, concluant qu’il ne pouvait plus rien faire pour moi. En fait, sa propre santé mentale était en déliquescence. A peine deux jours après être sorti, je suis allé le voir lors de sa mise en bière.
…
— Pardon ?! Reprendre un héritage ? Vous parlez de ça comme s’il s'agissait d’une montre en or.
« Tsss ….
— M’avez vous bien écouté ?
— N’avez vous pas compris les tourments que je vis depuis plus de quarante ans. Si je peux encore vous raconter mon histoire c’est à cause de la lâcheté qui m’habite et m’a empêché d’en finir plus tôt et de tout emporter dans la tombe. J’ai aussi pitié de celui qui pourrait en faire l’expérience. C’est cette unique raison qui me pousse à parler, c’est le besoin de laisser une mise en garde, pas une incitation, vous me comprenez ?
« Oh, oui, je … Excusez-moi si je vous ai serré trop fort, je ne voulais pas … Je me suis emporté.
...
— Continuer ? Justement non, il n’est pas question de continuer. C’est pour prendre vos responsabilités que je vous ai fait venir, pas pour vous plonger dans la désolation du supplice qui me torture. Je croyais que nous étions d’accord … Au téléphone quand nous avons parlé … J’ai pris mes dispositions, vous ne pouvez pas m’abandonner.
...
— Non ! Ne reculez pas, je ne vais pas vous faire de mal. Prenez-le. Sentez son poids, il est chargé.
« Considérez ça comme une ultime preuve de confiance. Après ce que je viens de vous dire, j’en appelle à votre charité. Vous devez me libérer et surtout, vous devez être le témoin vigilant et silencieux de ce que j’ai vécu. En aucun cas, vous ne devrez reproduire mes expériences ni chercher les lieux profanes ou se cachent les puissances odieusement perverses que j’ai affrontées. Vous êtes un gardien à présent.
…
— Comment ça, non ? Vous ne pouvez pas, je vous ai dit que je n’y arriverai pas seul. Vous étiez d’accord pour me rendre un service quand tout cela serait fini. C’est maintenant, que ça doit finir pour moi.
...
— Rendez-moi ça ! Je vous ai mal jugé ! Vous êtes aussi lâche que les autres et vous m’avez fait perdre mon temps. Vous vous attendiez à quoi en venant ici ? ma chambre a-t-elle des allures de salon de thé ? J’ai l’air d’un amuseur qui va faire tourner la table sous les regards ébahis de l'assistance ?
« Vous me décevez beaucoup mon jeune ami. C’est très regrettable. Vous savez bien que je dois vous reprendre ma confiance puisque vous n’en êtes pas digne. Vous comprenez toutes les répercussions de ce refus ? Quand je vous ai parlé des virages qu’il ne fallait pas rater ? J’ai peut-être fait une erreur, je pensais que vous étiez prêt.
« Ce n’est pas une question qu’on peut poser deux fois, je suis désolé.« Au revoir monsieur, je saluerai votre veuve.
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Recueil de nouvelles
Short StoryVous trouverez ici quelques nouvelles issues de mon parcours dans la formation "esprit livre" pendant un an. Chaque nouvelle est accompagnée d'une explication sur un point particulier de l'écriture développé dans la nouvelle.