Sacha est iel

Le matin

Ces mots me décrochent un sourire. Je le rends heureux. Oui ! Il est joyeux avec moi. Quand je suis près de lui, il se sent bien. C'est le plus beau cadeau que l'on puisse me faire.
J'aime rendre les gens heureux.
J'aime les voir sourire.
Mais je n'arrive pas.
Je n'arrive pas à me faire sourire.
Je n'arrive pas, moi, à être heureux.se. Ça viendra. Peut-être qu'à force de côtoyer cette petite boule d'énergie, Alex me redonnera l'envie de rire. J'y crois en tous cas.

Soudain le jeune homme en question me coupe à ma réflexion :

- Tu repars quand ?

- Je reste seulement quelques jours, dis-je, je vais te manquer ?

- Bien sûr que oui gros nigaud.

Sa réponse me rends triste. Lui aussi va me manquer. Plus que tout au monde

"Carpe diem".
Vivre l'instant présent.

- Ça te dis de vivre comme si on mourrait dans une semaine ? Même si ce sera un peu le cas, on ne se verra plus... Je respire un bon coup, genre on fait tout ce qu'on a jamais osé faire, on s'aime, on rit,on pleure, on vit.

Alex me regarde. Il ouvre la bouche, comme pour s'exprimer, mais se ravise. Il l'ouvre de nouveau. Mais pas pour parler cette fois. Non. Il s'approche. Me regarde. Il a un regard à la fois doux et plein d'envie. Il me demande, silencieusement. Je cligne des yeux, comme pour lui donner le peu de courage qui lui manque. Il se rapproche alors, doucement. Et vient délicatement poser ses lèvres sur les miennes. Soudain il se retire. Peut-être par peur. Non. Alex regarde mon visage, l'expression perplexe que je dois exprimer. Il éclate de rire. S'arrête. Et de nouveau me lâche un baiser, son sourire contre mes lèvres ne fait qu'accentuer le miens. Il sent le dentifrice. La menthe fraîche, et l'odeur du shampooing de ses cheveux vient délicatement chatouiller mes narines.

Il bouge. Ses bras passent sous mes fesses. Mes pieds, qui, quelques secondes auparavant touchaient le sol, sont maintenant surélevés. Le baiser que nous échangions prend fin. Alex me porte jusqu'à la salle de bain. Il sourit. Me pose dans la baignoire et, sans que je ne m'y attende, ouvre l'eau. Je crie de surprise. Il éclate de rire.

- Tu m'as dit de faire tout ce qu'on n'a jamais osé faire. Tu ne le sais pas mais, la première chose que j'ai voulu faire en te voyant (après t'embrasser évidemment) c'était de faire une bataille d'eau dans la salle de bains, ironise-t'il

- Tu te fous de moi, je réplique alors.

Il continue de rire aux éclats, je prends alors la pomme de douche et la dirige vers ton visage moqueur. Tu rigoles moins, tu es surpris. Peut-être un peu vexé d'avoir perdu la face. J'ai peur pendant quelques secondes de t'avoir énervé. Puis je comprends quand tu viens te coller contre moi, dans cette baignoire étroite que tu m'aimes. Sans me le dire tu as réussi. C'est une sensation étrange et à la fois très agréable.

Après cette petite bataille d'eau improvisée, nous nous séchons. Tu me demande quel pantalon je préfère. Je te réponds celui de gauche, avec des trous et des dessins. Tu m'expliques que c'est toi. Toi qui les as dessiné aux marqueurs. Tu as ouvert ton placard. Pris ce jean troué et dessiné avec rage dessus. Ta mère est entrée à ce moment, m'as tu dis, elle t'as demandé pourquoi, pourquoi tu t'habilles si mal, avec des vêtements déchirés, pourquoi tu ne mets pas de robes, comme toutes les filles, pourquoi tu caches ta poitrine. Pourquoi tu as cette allure si masculine. Pourquoi tu es de moins en moins belle.

Quelques larmes. Des larmes brillantes. Ces larmes, quelques-unes coulent le long de ton visage. Je m'approche et les essuies.

- Je me suis levé, tu m'expliques, je suis arrivé à sa hauteur et je lui ai dis "peut-être que si j'essaye autant de ressembler à un garçon maman, c'est parce que je suis un garçon."

Tu as quitté la pièce et t'es réfugié chez ton père. Auparavant, il habitait à quelques rues. Ils étaient déjà séparés certes, mais ils avaient fait le choix de ne pas trop s'éloigner. Pour ta sœur et toi. 

Je te prends dans mes bras.

- Tu es fort, dis-je.