Partie 1

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Mon cœur battait fort et mes paumes étaient moites. Je tentais désespérément de me concentrer sur ses mots, sur sa voix, mais Mico était trop proche. Assis l'un à côté de l'autre, il s'était penché vers mes cahiers pour m'éclairer sur cet exercice incompréhensible. La chimie n'était pas mon fort avec toutes ces molécules, tout comme les trois quarts des matières cette année. Le gouffre entre la première et la terminale était trop important pour moi. Le divorce de mes parents en début d'année n'avait pas aidé et je plongeais sans parvenir à ne pas me noyer. Mon ami tentait de me sauver, mais ses talents n'étaient visiblement pas suffisants.

—Tu m'écoutes ? s'enquit mon voisin.

Je revins sur Terre en sursautant et me tournai vers lui. Il ne s'était pas reculé, se contentant de froncer les sourcils. Cela ne m'arrangeait pas vraiment. Son visage trop près du mien, je cessai de respirer. Je baissai ensuite les yeux en mordante l'intérieur de ma joue.

—Non ?

Il soupira avant de reprendre sa place. Je voyais bien qu'il se retenait de me réprimander et de s'agacer. Je n'y pouvais rien s'il me déstabilisait depuis quelques temps. Il ne s'en rendait même pas compte !

—Tu veux que j'essaie ? intervint Eva.

Elle remonta ses lunettes sur son nez, ce qui ne la rendait que plus mignonne, même si ses joues rebondies étaient déjà bien craquantes. Nathan, assis à côté d'elle, ne se privait pas de la dévisager en souriant. Ah, ces deux-là, j'attendais avec impatience leur déclaration ! Ils semblaient cependant se contenter de leur relation ambigüe. Je ne tiendrais certainement pas aussi longtemps que ces deux-là. Enfin, lorsque je saurais où en est Mico me concernant. Il m'avait toujours été incompréhensible, plus encore depuis mes étranges réactions à sa présence.

—Je vais faire une pause plutôt, décrétai-je.

Plus vite je m'éloignerais, plus vite je redeviendrais normale.

—Ça ne fait même pas une heure, remarqua Nathan.

Je pinçai mes lèvres en poussant ma chaise. J'étais tout à fait consciente de n'avoir encore rien fait et de ne pas mériter cette pause. Cependant, c'était inutile d'accaparer leur temps en vain. Il valait mieux qu'ils se concentrent sur leurs révisions.

—Je sais, lançai-je.

Je quittai la table placée à l'extérieur de la maison. Le printemps s'était bien installé et il était agréable de se promener. C'était pour cette raison que nous avions choisi cet endroit : de nous quatre, Eva possédait le plus grand jardin. Je ne pensais pas que cela me porterait autant préjudice. Le léger vent qui soufflait couplé aux rayons du soleil étaient propice à l'évasion, beaucoup moins au travail. Ce fut pour cette raison que je rejoignis l'arrière de la maison, la propriété du petit frère de mon amie. Il s'était déjà réservé l'espace piscine, sans même prendre en compte l'avis de sa grande sœur. Ce n'était pas comme si celle-ci la désirait -Eva détestait la piscine- mais ce n'était pas fair-play.

—Oh, mais regardez qui va là ! s'exclama Thibault.

Le blond était dans l'eau avec Ga-Eul, l'une de ses amies, tout du moins officiellement. Officieusement, il n'hésitait pas à la draguer et elle le repoussait à chaque fois ! Ils étaient un peu comme chien et chat.

Je m'approchai du bassin et m'assis au bord en trempant mes pieds dans l'eau.

—Mon portable est dans ma poche, prévins-je.

Thibault s'approchait bien trop malicieusement. Il fit la moue avant de se stopper à côté de moi. Il prit soin de vérifier que la poche de mon gilet était pleine. Irrécupérable ce gamin. Il y avait une telle différence entre lui et Eva, alors qu'ils n'avaient que deux ans d'écart !

—Toujours aussi fûtée, Mia, me complimenta la lycéenne.

Elle s'installa sur ma droite, Thibault préféra rester dans l'eau.

—La plus futée reste Eva, remarquai-je.

Elle était également une oreille attentive, bien que trop passive par moment.

—Oh là là ! C'est quoi cette petite tête ?

« Quelle tête ? » m'interrogeai-je. Je devais paraître un peu préoccupée, rien de bien grave.

—Tes révisions n'avancent pas comme tu veux ? questionna Ga-Eul.

—Pas vraiment.

De toute manière, ce n'était pas comme si j'avais toujours de l'espoir concernant mon futur. J'avais fait mes vœux Parcoursup sans trop y croire. Je prendrais ce que j'aurais, si j'évitais le redoublement.

—Et donc tu te tournes le fêtard ? Les autres arrivent plus tard, donc on n'est pas encore en mode détente.

Thibault hochait la tête, convaincu par ses propos. Moi, je louchai vers Ga-Eul, mode détente, hein ?

—Je cherchais juste une ambiance différente, me justifiai-je.

Et à m'éloigner de Mico au passage. Il n'avait pas commenté mon départ, comme s'il était normal. Bon, c'était peut-être le cas, puisque je ne faisais pas grand-chose, mais quand même ! Il aurait pu montrer qu'il voulait que je reste, un petit peu au moins.

—T'as bien raison ! Ma sœur est trop studieuse.

Le lycéen grimaça. Les études, ce n'était clairement pas son truc. Il s'était trouvé des amis partageant ce point de vue, sauf un. Corentin était l'exception qui confirme la règle.

—Tu viens te baigner du coup ?

—T'oses vraiment lui faire ce plan pourri ?

Ga-Eul leva les yeux au ciel, un demi-sourire sur son visage. Elle côtoyait l'énergumène depuis le collège, elle était habituée.

—Ben quoi ? Mia est canon, autant en profiter !

Je lui ébouriffai les cheveux même si, mouillés, cela ne donnait pas grand-chose. J'aimais la simplicité du petit frère. Avec lui, on se demandait pourquoi l'on compliquait la vie si simple. A ma place, qu'aurait-il fait ? J'étais presque certaine qu'il aurait osé en parler en face à face, quitte à tout perdre sur une erreur de jugement.

—Merci du compliment.

—Exactement ce dont tu as besoin, non ?

Son sourire malicieux et son hochement de tête me rendirent hilare.

Derrière nous, un sifflement retentit : ses amis arrivaient. Je quittai donc la piscine pour la terrasse, l'endroit le plus sûr pour mon téléphone. Aucun des invités n'y prendrait garde, ils ne se poseraient pas même la question ! Ils me saluèrent en passant, mais la piscine les intéressait bien plus. Je fus donc vite oubliée.

Une grande partie de l'après-midi fut passée ainsi, moi sur la terrasse, eux s'amusant. Et quelques messages auxquels je ne répondis pas. Mes amis se demandaient si j'allais revenir : la réponse était non. Je n'allais embarquer personne dans ma déprime.

Amitié ambigüeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant