Interlude

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-Reg ! Reg, où es-tu ? cria une voix d'enfant entre les arbres épais du sous-bois. Reg !

Seul le silence lui répondit. Le petit garçon observa partout autour de lui, tentant d'apercevoir à travers l'obscurité naissante une silhouette familière. Rien. Tout était silencieux. Trop silencieux.

-Reg, c'est pas marrant ! On va déjà arriver en retard pour le dîner !

Le visage du garçon se tordit en une grimace lorsqu'il se mit à penser aux punitions que lui réserverait sa mère pour ce retard si anodin.

-Reg, je t'en supplie, viens !

-Sirius !

Son cœur rebondit dans sa poitrine. La voir avait retenti à droite, aussi suivit-il un mince chemin recouvert de ronce le plus rapidement possible ; Et si Régulus était tombé ? Et s'il s'était fait mal ? Il courut sans faire attention aux branches qui lui déchiraient la chemise et lui striaient la peau, parce qu'il n'avait qu'un seul but en tête : retrouver Régulus.
À court d'haleine, il déboucha sur une clairière dégagée, fortement assombrie par la tombée du jour. Un autre garçon, plus jeune encore que le premier, se retourna, un grand sourire illuminant son visage, et s'exclama :

-Sirius ! Regarde ce que j'ai trouvé !

Ce dernier retroussa le coin de ses lèvres plus par soulagement qu'autre chose. Régulus s'avança et lui offrit un objet que son aîné eut du mal à reconnaître dans l'obscurité.

-Qu'est-ce que c'est ?

-C'est la branche parfaite pour le rebord de la fenêtre de la cabane. Andromeda pourra nous aider à la fixer !

-Mais le rebord qu'on a est déjà parfait, s'exaspéra Sirius.

-Non, celui-ci sera encore mieux.

-Pose-le dans un endroit reconnaissable alors. Demain on ira le chercher.

-Autant l'emmener directement à la cabane !

-Non, Reg, on est déjà en retard et Mère va se fâcher.

-Elle se fâche toujours pour tout de toute manière, bouda-t-il.

Finalement, il le déposa sous un arbre et noua son foulard autour d'une branche pour le reconnaître. Sirius l'aida à réaliser le nœud et ils sortirent du sous-bois main dans la main, fatigués par leur expédition.

-Regarde, Sirius, ton étoile !

L'aîné releva la tête, fixant le ciel étoilé avec un regard pétillant. La nuit était si paisible qu'elle lui donnait envie de dormir en dessous de cette arche nocturne au lieu de rentrer au manoir. Un sommeil dans les étoiles, sa main serrée dans celle de son petit frère... Quel doux rêve, songea-t-il.
Il aperçut l'étoile que Régulus désignait. C'était l'étoile la plus brillante du ciel, selon Andromeda, et elle portait son nom. Il s'était sentit si fier lorsqu'elle le lui avait annoncé avant que Bellatrix n'apparaisse et ne lui dise qu'il n'était pas une étoile mais une tâche pour la famille. Sa réponse n'avait pas plu à sa cousine malheureusement, et sa mère s'était chargé de le punir. Les cicatrices sur son épaule droite témoignaient de ce jour.

-Où est la mienne ? demanda innocemment son petit frère.

Ils s'arrêtèrent et fixèrent ensemble le ciel. Ils paraissaient minuscule sous cette mer d'étoile, si insignifiants...

-Il faut trouver la constellation du Lion.

-C'est quoi une constellation ?

-C'est un ensemble d'étoiles qui forment une image, comme un animal par exemple. Toutes les étoiles ont leur constellation.

-Et la tienne c'est quoi ?

-Le Grand Chien.

-Oh.

Sirius sourit devant son regard brillant.

-Et elle est où ma constellation ?

Il releva les yeux pour chercher la forme qu'il connaissait de mémoire. Andromeda et Narcissa s'étaient récemment passionnées par l'Astronomie et cette dernière, toujours si énergique et bavarde, n'hésitait pas à raconter tout ce qu'elle savait lors des dîners familiaux. Andromeda se contentait de répondre aux questions incessantes de Régulus. Les eux, pour Sirius, étaient une encyclopédie à elles-même.
En quelques minutes, le ciel s'était fait encore plus noir. L'aîné finit par reconnaître la constellation et  avec, l'étoile tant recherchée.

-Nos étoiles ne sont pas si loin, commenta Régulus.

-Nos étoiles ne seront jamais loin l'une de l'autre tant que nous serons ensemble.

Cette métaphore réjouit grandement le cadet qui se mit à marcher en sautillant. Sirius le suivit tant bien que mal jusqu'au manoir. Les deux garçons s'arrêtèrent devant, muets. Leur sourire était retombé.

-On est en retard ?

-Oui, légèrement, répondit Sirius avec une pointe de sarcasme.

-C'est ma faute ?

-Non, Reg. C'est moi qui aurais du te dire de partir avant.

-Tu l'as dit, mais je ne t'ai pas écouté.

Son cœur se pinça.

-Si Mère demande, laisse-moi parler. Ne dis rien.

-Mais, Sirius...

-Rien, tu m'entends ! s'exclama-t-il, presque en colère.

Régulus le regarda avec peur, les larmes pointant dans ses yeux marrons. Puis il hocha activement la tête.

-Rentrons, trancha-t-il.

Leurs mains se tenaient toujours unies sous un ciel dégagé. Il jeta un dernier coup d’œil à son étoile, espérant secrètement qu'elle lui porterait chance.
Mais au moment où il franchit le seuil de la porte d'entrée, il sut que cet espoir était tout à fait absurde.
Sa mère se tenait déjà sur les plus hautes marches des escaliers, la baguette à la main. Les chandelles éclairaient son visage tordu de rage, rendu plus sévère encore par son chignon serré. Régulus se réfugia derrière son grand frère, étouffant un sanglot. Le regard noir de Walburga Black détailla son premier fils et grimaça sous son aspect misérable. Les ronces avaient déchiré sa chemise et strié sa peau. Ses cheveux devaient certainement être aussi emmêlés qu'un balai.

-Vous êtes en retard, déclara-t-elle froidement.

-Pardon, Mère. La nuit est tombée rapidement et nous nous sommes attardés à regarder les étoiles.

-Les étoiles, cracha-t-elle comme si ce mot la dégoûtait. Tu t'es pris de la même passion que tes cousines ?

Il haussa les épaules. Il savait que agir indifféremment ne ferait qu'empirer son sort, mais il se plaisait à la provoquer. Après tout, un tyran n'était puissant que si on le craignait.

-Vous n'aimez pas les étoiles parce que votre nom n'en est pas une, lâcha-t-il volontairement, fier de sa pique.

-Petit insolent ! tonna-t-elle.

Le sort jaillit de sa baguette. Un hurlement déchirant emplit le vieux manoir.

Sa main lâcha celle de son frère.

Régulus voulut la rattraper, juste pour sentir son frère près de lui, juste pour le rassurer, lui promettre qu'il serait toujours à ses côté, qu'il ne fallait pas hurler. Parce qu'il n'aimait pas quand il hurlait. Il avait mal avec lui.
Un autre sort jaillit de la baguette de sa mère. Effrayé, il recula jusqu'à cogner le mur avec son dos. Il s'agenouilla et, tremblant, appliqua ses mains sur ses oreilles.
Il ferma les yeux et pensa aux étoiles. À leur main qui se serraient tendrement. Au grand sourire de son frère lorsqu'il lui posait des question. Mais les hurlements de ce dernier perçaient ses pensées. Les étoiles s'évanouirent dans son esprit. Son ciel imaginaire s'éteint.

Cette nuit là, l'étoile la plus brillante du ciel perdit un peu plus de son éclat.

𝒩ℴ𝓈 ℯ́𝓉ℴ𝒾𝓁ℯ𝓈 𝓈ℯ 𝓈ℴ𝓃𝓉 ℯ́𝓉ℯ𝒾𝓃𝓉ℯ𝓈 (S.O.B/R.A.B) 𝔒𝔲𝔯 𝔖𝔢𝔯𝔦𝔢 ✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant