Chapitre 2 : Un imprévu

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Point de vue Willem.

- Will ?

Je me retourne vers mon grand frère.

- Qu'y a-t-il, Luke ?

- Nos géniteurs viennent de me prévenir que les Egel restaient à Evernight pour une semaine.

- Quoi ? On a des invités ? J'ai pas pensé à laver ma chemise blanche ! Ils n'auraient pas pu nous prévenir avant ?!

- Tu les connais. Prépare toi, junior, ils seront là dans une heure.

Je fais la moue.

Nos géniteurs sont vraiment les pires enflures. Mon grand frère Luke nous a élevés, mes frères, ma sœur et moi, à leur place. C'est d'ailleurs pour cela que je refuse de les appeler mes « parents ». Ce sont mes géniteurs, point.

Nous pensions qu'ils allaient nous laisser vivre notre vie, mais apparemment gâcher notre enfance n'était pas suffisant. Depuis le choix de mon orientation définitive vers la littérature il y a plus de deux ans maintenant, ils n'arrêtent pas de me mettre la pression pour que je change d'études.

Voulant être éditeur, je ne les écoute pas, et ils me traitent d'ingrat. Je n'imagine pas l'état de Luke si je lui disais, lui qui nourrit déjà une rancœur sans nom envers nos géniteurs.

Ce dernier ferme d'ailleurs la porte en rentrant dans ma chambre. Je le questionne du regard, et il répond :

- Je pense qu'on doit parler d'Aziel Egel, leur fils. Tu ne penses pas ?

Je pince les lèvres en baissant les yeux. Luke est très perspicace. La dernière fois qu'ils sont venus, je n'avais que quatorze ans. Pourtant, Aziel me faisait déjà beaucoup d'effet, et je l'avais évité pour ne pas avoir de problèmes. Luke l'a pourtant bien remarqué, lui. J'ai refusé de lui en parler il y a six ans, mais je ne pense pas pouvoir y échapper maintenant.

Et puis mince quoi ! J'ai vingt ans maintenant ! Je dois savoir gérer ce genre de situation ! 

Mon frère reprend :

- Ils restent une semaine entière chez nous et on va passer toutes nos journées avec eux. Tu vas difficilement pouvoir la jouer lâche comme la dernière fois.

- Ne m'enfonce pas, Luke. C'est méchant.

- Je dis juste la vérité. Tu as été lâche, et je te comprends, j'aurais eu la même réaction que toi. Qu'est-ce que tu comptes faire ?

- J'ai changé en six ans, et on a pas mal parlé par messages. Je mettrai les choses au clair.

- Et vraiment ?

- Je suis sérieux. Je ne le ferai pas d'entrée de jeu, j'attendrai de pouvoir parler calmement avec lui, mais j'en ai marre de cacher tout le temps la vérité. La recherche de celle-ci devrait être le but de toute vie humaine. Mentir sur un sujet comme celui-là va à l'encontre même de mes principes. Vive Platon et Socrate.

- Eh bien, depuis que tu as des cours de philo toi...

J'empoigne le livre le plus proche (Le dernier jour d'un condamné de Victor Hugo) et lui lance à la figure en éclatant en fou rire :

- Esclave de la société ! Inculte !

- Eh, j'en connais plus que toi sur le fonctionnement de la Terre et de ton propre corps ! rigole-t-il à son tour.

- « Science sans conscience n'est que ruine de l'âme », Rabelais. Réfléchis à l'éthique des recherches que tu étudies ! Lis du Spinoza, il y a des trucs pas mal dedans. Bon, je ne suis pas d'accord avec tout subjectivement, mais essaie !

N'arrêtant toujours pas de rire, il pousse la porte pour me laisser me préparer seul.

Je regarde mon placard avec désespoir. Cette semaine, j'ai utilisé tous mes vêtements classes pour animer des conférences sur l'écologie.

Je sors donc à mon tour et me dirige vers la chambre de Colin, mon grand frère d'un an.

Je le trouve en train de travailler. Depuis qu'il a un métier, il ne fait que cela. Je suis heureux qu'il ait trouvé une voie qui lui corresponde, mais j'ai parfois peur qu'il en fasse trop.

Je frappe alors à sa porte, pourtant déjà grande ouverte, pour lui signifier ma présence.

Il se retourne vivement :

- Oh, Will, c'est toi. Que se passe-t-il ?

- Je voulais t'emprunter quelques vêtements, pour ce soir. Je n'en ai plus à mettre en soirée à cause de cette semaine.

- Sers-toi, je suis déjà prêt.

- Tu gères grand frère.

Il me fait un signe de la main, puis retourne à son travail.

Nous avons à peu près la même corpulence, ce qui fait que l'on se prête souvent des vêtements. Je pioche une chemise noire simple. Je l'accorderai avec un jean, et ça devrait aller. Après tout, c'est censé être une soirée décontractée entre amis.

Nos géniteurs exigent de nous une attitude irréprochable en permanence, pour ne pas leur faire honte. Luke, lui, s'en fiche pas mal. Nous sommes sa famille, et il en sera toujours fier.

J'ai beau me chamailler beaucoup avec lui, je l'aime de tout mon cœur. C'est grâce à lui que j'ai pu grandir pour devenir la personne que je suis aujourd'hui. C'est la seule véritable figure parentale que j'ai eue.

Je me dépêche de retourner dans ma chambre pour enfin enfiler cette chemise et choisir un jean bleu. J'arrange correctement le col en me regardant dans mon miroir. Je n'ai pas l'habitude. En temps normal, j'enchaîne chaque jour l'ensemble basique mais universel jean troué et hoodie. J'ai d'ailleurs une belle collection de ces derniers, trouvés sur des sites de reventes d'habits qui ne sont plus portés.

Je suis un stéréotype sur pattes. J'étudie la littérature contre l'avis de mes géniteurs, je n'achète jamais mes vêtements neufs, j'ai plusieurs piercings à l'oreille droite, je suis écolo, végétarien et bisexuel. Un véritable cliché.

Cela ne me dérange pas, en vérité. Je me fiche de rentrer dans un stéréotype, c'est qui je suis et je ne compte pas changer pour faire plaisir aux autres.

J'entends alors la sonnette, indiquant que nos invités sont arrivés.

Mes frères et ma sœur descendent après avoir attendu quelques minutes, comme nos parents nous l'ont appris. Lorsqu'ils ont des invités, nous devons leur laisser du temps avant de les rejoindre, pour qu'ils parlent sans gosses pour les embêter.

J'inspire un grand coup pour me préparer mentalement, et marche jusqu'à l'escalier, qui ressemble soudain à un échafaud.


Deuxième chapitre publié ! J'espère que ça vous plaît pour l'instant. N'hésitez pas à enregistrer ce livre dans votre bibliothèque pour suivre son avancée et la sortie des nouveaux chapitres !

- Alexandre Angel.

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