Chapitre 16

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Khalil est au téléphone avec Hassan, ils discutent du travail. J'avoue que ça m'arrange qu'Hassan lui ai téléphoné. Après qu'on se soit pris dans les bras l'un de l'autre, j'étais mal à l'aise et ne savait pas comment réagir. C'est Khalil qui s'est confié mais j'ai l'impression d'être celle qui s'est montrée vulnérable.

Je n'ai jamais été aussi proche d'un ami que ce soit physiquement ou même au niveau de la complicité. A vrai dire, je n'ai jamais eu beaucoup d'amis. J'ai toujours été avec Tesnim et ma sœur Ayline. Quand je voulais voir d'autres personnes, j'allais chez Rahim et Emel.

J'ai toujours échangé avec des personnes qui étaient dans mon cercle proche. Alors oui, Khalil je le connais depuis que je suis petite mais il s'est passé du temps avant que je ne le revois et que je rapprenne à le connaître.

Je réalise maintenant à quel point Tesnim avait raison. Si je ne protège pas mon cœur, je risque de souffrir.

Khalil raccroche et revient s'asseoir en face de moi. J'ai les mains moites, je ne sais pas comment agir maintenant que j'ai pleuré dans ses bras. Je lui ai clairement montré que je suis très attachée à lui...

Khalil : Tu vois Dana, je te comprends et comme je t'ai dit t'as entièrement raison. Mais le truc c'est que je peux pas tout lâcher pour un rêve de gamin.

Je reste bouche bée face à lui qui continue la conversation comme si de rien était.

- De quoi ?

Khalil : Comment ça de quoi ? J'ai beau être convaincu que t'as raison, ça n'enlève rien au fait que je risque de tout perdre pour un rêve de gosse.

Il a ses yeux plongés dans les miens et c'est là que je comprends. Il est sur un autre monde. Ses préoccupations sont vraiment différentes des miennes. S'il ne s'attarde pas sur notre câlin, c'est parce qu'il a des soucis beaucoup plus importants.

-  Khalil. Tu sais ce qui me ferait le plus plaisir ? Que je  réussise ou que j'échoue, je veux pouvoir vivre ma vie comme je l'entends. Je laisserais personne venir me dire le contraire. T'es pas d'accord avec moi ? C'est pas ça le rêve ultime ?

Khalil : Je suis d'accord avec toi mais c'est pas si facile Dana. C'est sûr que ce serait bien si tout ce que j'avais à me dire c'est « poursuis tes rêves, plaque tout, t'inquiètes ça va bien se passer » mais c'est très irréaliste.

- C'est pas ce que je dis, t'es pas obligé de tout plaquer. Le truc c'est que tu dois retenir que le but c'est d'avoir le moins de regrets possible. Sur mon lit de mort, je veux pouvoir me dire que je me suis battue et qu'al hamdulillah, j'y suis arrivée. J'ai cru en moi et j'ai réussi.

Khalil : On voit la vie trop différemment.

- Pourquoi tu dis ça ?

Khalil : Parce que pendant que toi t'étais à l'école à dessiner sur tes cahiers, à jouer avec Tesnim, à être heureuse, moi je galérais. Je vivais dans un trou à rats dans le froid, avec la faim et les bombardements incessants en me demandant tout le temps si je serais encore en vie le lendemain.

Je ne réponds pas et baisse les yeux.

Khalil : Tu voulais que je t'en parle non ? Écoute-moi bien Dana. T'as pas idée de la souffrance dans laquelle j'ai vécu. Tu te souviens quand tu parlais de rêve si fort que ta vie en  dépend ? Bah j'ai vécu la même chose. Mon rêve ultime c'était quitter la Palestine. C'était soit partir soit mourir. J'ai réalisé mon rêve vu que je suis  devant toi. Et maintenant la peur me paralyse. J'ai peur de tenter une nouvelle fois. Je suis peut-être trop gourmand, même après avoir réalisé mon rêve j'en veux plus, je veux pouvoir aspirer à une vie meilleure alors qu'al hamdulillah j'ai beaucoup plus que ce que j'avais. J'ai été chanceux, y'a pas d'autres raisons à ma survie.  Si je décide de nouveau de jouer avec le feu, cette fois-ci je subirais le retour de flamme. On peut pas tout avoir.

- Je suis pas d'accord. Je pense que t'as le droit de vouloir mieux pour toi, ça te rend pas spécialement plus audacieux ou gourmand. Tu dois juste te faire confiance et croire en toi. T'es capable de faire de grandes choses.

Je sens le regard de Khalil s'intensifier. Il a ses  yeux ancrés dans les miens.

Khalil : Comment tu peux en être si sûre ?

- Parce que c'est toi.

Il me regarde surpris puis sourit et se gratte l'arrière de la tête. En le voyant comme ça, je me mets également à sourire.

Khalil : Ça te dit qu'on sorte manger quelque chose ?

J'acquiesce et quelques minutes plus tard, nous sommes dans un fast food en train de manger. On parle de tout et de rien mais surtout de Khalil. J'apprends à connaître le vrai Khalil, avec ses insécurités, ses peurs et ses faiblesses. J'ai l'impression que ça y est, il arrive finalement à être lui-même avec moi.

Il m'a confié que son rêve était de devenir pompier. J'ai voulu savoir pourquoi pompier mais il n'a pas voulu s'étaler dessus. Même s'il se confie plus, il ne parle pas beaucoup de sa vie en Palestine. Je suppose que c'est plus facile pour lui de parler des souffrances qu'il a vécu en France plutôt que de retourner dans le passé, dans son pays natal d'où il s'est enfui...

Aujourd'hui c'est un jour très important pour moi. Je passe la première partie de mes examens. Je stresse énormément, j'ai peur de me rater. J'ai fait beaucoup d'invocations, j'ai multiplié les prières mais j'angoisse quand même.

Mon téléphone vibre, c'est un message de Khalil qui me dit qu'il est en bas. Il a proposé de m'accompagner et j'ai tout de suite accepté.

Je préviens mon père qui n'a pas travaillé pour rester aux côtés de ma mère que j'y vais et je vais rejoindre Khalil dans sa camionnette.

Khalil : Ça va ?

– Je crois que oui. J'ai connu pire.

Khalil : Tu vas gérer. Tu t'es préparée au mieux.

– Je sais pas, j'aurais pu encore mieux faire.

Khalil : T'inquiètes. Fais-toi confiance.

– Mouais... j'sais pas trop.

Khalil : Fais-moi confiance alors.

Je ne réponds pas et me contente de le regarder. Il me fait un petit sourire gêné et se reconcentre sur la route.

On arrive à mon école et d'un coup je sens le stress monter.

Khalil : Tu veux que je t'attende pour te déposer après ?

– Nan t'inquiètes. Ça va durer longtemps en plus.

Khalil : Ok c'est toi qui vois. Bonne chance.

Je lui souris et descends de sa camionnette. Je commence à marcher mais j'ai mes jambes qui se dérobent sous mes pas. Je suis à ça de tomber par terre quand j'entends la portière de la camionnette se fermer. Je me tourne et vois Khalil qui s'approche de moi.

– Qu'est-ce qu...

Je n'ai pas le temps de finir ma phrase qu'il pose sa main sur mes cheveux et les caresse.

Khalil : Ça va bien se passer t'inquiètes pas. Tu vas gérer.

Je sens mon cœur se compresser et je me sens toute bizarre.

Khalil : Vas-y. Tu me tiens au courant quand t'as fini.

– Oui. Merci Khalil.

Il ne dit rien et remonte dans sa camionnette. Je continue de marcher et étrangement, j'ai moins peur. C'est fou l'effet qu'il a sur moi quand même...

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Dana : Jusqu'au bout de mes rêvesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant