Chapitre 41

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Je suis dans ce lit et je sais que je suis toujours en vie

Je ressens toujours cette froideur dans tout mon corps comme si mon âme l'avait quitté

Puis je me rappelle de ce que je suis et un énorme poids s'installe sur mon coeur qui peine à battre

Je reste donc là, allongée sans me battre pour ouvrir les yeux

Je profite des ténèbres où la drogue m'a plongé, encore une fois

La drogue t'entoure de les ténèbres, du noir total

C'est d'ailleurs pour cela que je dépends d'elle comme si sans elle c'était mon coeur qui se faisait absent

Je me souviens quand je prenais ma drogue quotidiennement, comme une toxico ne valant rien

J'ai bêtement embrassé ses charmes sans avoir vu ce qu'elle cachait

Elle m'a forcé à toujours fixer le sol en m'enfonçant plus bas que terre, m'a rendu ridicule

Elle m'a apporté tellement de plaisir que j'ai plus vu mon dealer que ma mère

La drogue m'a donné une seconde chance, du moins elle m'a donné cette illusion mais en fait ce n'est qu'un plaisir à temps partiel

Quand tu la fumes tout va bien, tu te sens légère sans voir que tes joues se creusent et que la fumée accentue  tes cernes

En tant que toxico, tu recherches un plaisir sans fournir d'efforts
Tu veux juste fumer pour retomber dans le noir 

Et quand t'essayes de l'abandonner, elle te le fait regretter
Tes veines te grattent, ça devient alarmant tu te troues la peau à force
D'un coup tu fonds en larmes, ton corps est vide et en souffre

Le manque de drogue s'acharne alors t'en rachète et puis tu cherches une veine sur ton avant bras
S'il n'y en a plus tu te piques entre les orteils, dans les cuisses ou tu l'inhales puis tu tombes

Au réveil ton visage tombe et tes lèvres sont sèches parce qu'il te faut absolument ta dose

Puis quand t'as plus rien, que t'es à la rue sans aucun sous en poche, tu souffres encore et encore : de la faim, de la soif et du manque

Alors tu te trouves un petit coin et tu t'allonges, prête à mourir en attendant juste que celle-ci vienne à toi

Et c'est dans ces moments là que tu repenses à ce que tu es, ce que tu as été

T'es là, face à toi même, face à ta misère

J'ai aimé pendant toute une vie des gens qui n'attendaient que ma chute
J'ai tout offert à un homme qui m'a trompé pour en aimer une autre

J'étais tellement aveuglée que je suis passée à côté de tellement de belles choses

J'ai sacrifié tant de merveilles juste parce que j'étais obsédée par quelqu'un qui n'a jamais remarqué que j'en étais une

En fait, j'ai passé tellement de temps à mettre les autres sur un piédestal que j'en ai oublié à quel point je suis merveilleuse

J'ai oublié comment m'aimer
J'ai oublié que j'étais le miracle que j'attendais à chaque fois que la drogue me plongeait dans le noir

Je m'étais jurée de ne plus y toucher mais comment faire quand la seule personne qui pouvait me consoler est à l'origine de ma peine ?

Je dois lui dire, au moins une fois
Lui dire que si je le repousse c'est parce que je ne veux pas le tirer avec moi, aussi bas

Je finis par me forcer à ouvrir les yeux, et remarque que je suis effectivement dans un hôpital

Mes bras sont bandés pour m'empêcher de me piquer à nouveau je suppose

Étant habituée a ce genre de réveil, je saisis la petite télécommande et appuie dessus pour prévenir de mon réveil

Des lors, une infirmière entre dans la pièce accompagnée de quelqu'un que je connais bien

Infirmière : tout va bien, on vous a enlevé tout ce que vous vous étiez injectée, je vous laisse entre de bonnes mains

Elle quitte la pièce et me laisse donc face à cette psychologue qui me connaît parfaitement

Psychologue : j'espérais ne pas avoir à te revoir ici..

Moi : j'ai craqué, je suis déçue aussi

Psychologue : au moins cette fois tu es déçue, avant tu ne ressentais rien quant à tes réveils à l'hôpital

Moi : parce que maintenant j'ai une vie stable, j'ai un objectif, un travail, une maison et..

Psychologue : et ?

Moi : et quelqu'un que je ne veux pas perdre

Psychologue : ohh, c'est surprenant

Moi : ça m'a surpris aussi mais je ne compte pas retomber dans le même piège encore une fois. Je profite juste avant qu'il ne parte

Psychologue : et pourquoi cela ?

Moi : je n'ai pas les moyens de l'aimer

Psychologue : et alors ?

Moi : alors il doit tomber amoureux, mais pas de moi

Psychologue : le sait-il ?

Moi : devrais-je vraiment le lui dire ?

Psychologue : alors tu préfères cacher ta peur d'aimer

Moi : je n'ai pas peur d'aimer

Psychologue : alors quel est ta plus grande peur ?

Moi : Moi-même, ce que je peux me faire mais surtout ce que je lui ferais

Psychologue : tu es trop dure avec toi Elyssar

Moi : mes paroles ne reflètent que ce que je suis

Psychologue : et pourquoi ne pas changer ? Changer pour lui ?

Moi : parce qu'il est trop tôt

Psychologue : pour ?

Moi : pour savoir si c'est le bon..

Elle soupire et se lève, s'apprêtant à partir

Psychologue : tu sauras que c'est le bon quand tu voudras toujours le voir, l'appeler rien que pour entendre sa voix, qu'il n'y aura que lui dans tes pensées. Tu ne voudras que son bonheur et surtout parce que tu seras heureuse

Moi : j'ai l'impression que tu parles de toi plus que de moi

Elle s'avança vers la porte et alors qu'elle allait partir elle finit par me demander

Psychologue : non Elyssar, je parle juste de l'amour.. Juste avant que je ne m'en aille, qu'as-tu été prête à faire par amour ?

Moi : aimer.

Et c'était déjà trop

L'amour m'a tué, l'amour m'a sauvéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant