Chapitre 12 : Un dimanche chaleureux

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Mélyan avait passé une sale nuit. Comme bien trop souvent… mais cette fois les traumatismes qui l’avaient hanté lui appartenaient. Ils lui étaient propres. Elle maudissait ses souvenirs qui la marquaient au fer rouge. Stigmate visible elle avait observé cette affreuse cicatrice. Elle avait décidé durant cette nuit qu’il était tant de la couvrir et pensait être prête à y faire apparaître un tatouage. Elle avait commencé à penser à un motif mais rien ne lui semblait suffisamment couvrant. Elle avait eu une idée mais elle avait été trop brève et le sommeil l’avait arraché à ce monde maudit. Une heure plus tard, à son réveil elle avait tenté de s’en souvenir, en vain. Cette heure de sommeil étant venu tardivement elle avait commencé sa journée à près de dix heures. Elle avait été engourdie par ce manque de sommeil grandissant et avait regretté de ne pas avoir appelé Estelle. Elle pensait, cependant, et encore que ce fût une bonne chose. Elle ne voulait pas pousser la porte de l’habitude de se tourner vers elle dès que ça n’allait pas. Elle s’était confortée dans son choix d’affronter ses démons seule. Comme toujours. Très souvent, le dimanche était consacré à un moment avec Nathan. Son frère avait fréquemment cette journée de repos et ils passaient une partie de la journée et de la soirée ensemble. Après avoir fait son ménage toute la matinée, sans oublier le changement de litière pour Skeeny, elle avait été se reposer. Ainsi elle avait pu dormir une heure de plus et paraissait un peu moins à un zombie. L’après-midi était bien avancée quand elle prit la décision d’aller courir. Il s’agissait d’une activité qu’elle aimait pratiquer deux à trois fois par semaine. Accompagné de Skeeny elle entra dans sa chambre. Elle posa le petit être sur son lit et instantanément il se mit à faire le fou. Il courrait en tous sens et sautait au-dessus d’obstacles inconnus. Elle ria en le regardant s’ébattre. Qu’il lui faisait du bien ce petit gars. Elle prêta attention à son armoire et en sortie ce dont elle avait besoin. Sous le regard de son rat, qui continuait par moment de jouer, elle ôta son simple tee-shirt noir et son legging. Elle enfila sa brassière violette au bordure grise ainsi qu’un short gris qui lui marquait les cuisses. Elle consulta la météo sur son téléphone, il faisait tout particulièrement bon aujourd’hui. Elle jeta un regard au ciel bleu sans nuage qui lui confirma la clémence du temps. Tout était parfait. Elle entra dans sa salle d’eau quand elle entendit Skeeny l’appeler par de petits cris. Il n’aimait pas se retrouver seul dans une pièce quand elle était à la maison. Elle revint le prendre et l’emmena dans la précédente pièce. Elle le posa sur le meuble près de levier. Comme elle s’y attendait il sauta dedans et se mit à glisser sur la surface blanche. Mélyan sourit tendrement et saisit sa brosse à cheveux. Elle n’avait pas commis l’erreur de la veille et avait gardé son attèle, l’enlevant seulement pour mettre de la crème. Elle devait admettre que cela l’aidait grandement. Elle se coiffa comme elle put et attacha ses cheveux en une queue-de-cheval. Elle se regarda dans le miroir et hésita, le temps d’un instant, à couvrir son corps si peu vêtu. La brassière couvrait entièrement sa poitrine et ne dévoilait qu’une partie de son dos et son ventre. Elle était fine mais il ne lui semblait pas que cela soit trop. Elle avait de la peau exactement là où il devait y en avoir. Contrairement à ce que prétendait Clarisse. Clarisse… non elle n’y penserait pas. Elle secoua sa tête pour chasser cette femme de ses pensées. Elle s’accorda un dernier regard avant de prendre la décision qu’elle irait courir ainsi et qu’elle prendrait la direction du centre-ville. Elle attrapa Skeeny en pleine glissade et retourna dans son salon. Elle lui embrassa la truffe avant de le déposer dans sa cage toute propre. Elle lui tendit un de ses gâteaux préférés pour se faire pardonner de le laisser seul. Elle alla ensuite fouiller dans son placard à l’entrée pour en sortir ses chaussures de courses et son support de téléphone. Elle s'équipa de son matériel ferma la porte à clé de descendit dans le hall. Lorsqu’elle y arriva elle fut surprise, elle avait oublié qui se trouverait à l’accueil. Elle soupira et s’avança lentement vers Emma, l’analogue de Paul point de vue travail. Lorsqu’elle la vit elle la regarda des pieds à la tête et se lécha littéralement les lèvres.
-         Bonjour, dit Mélyan sans lui accorder un réel regard.
-         Bonjour Mélyan, tu es superbe. Où vas-tu ?
-         Non pas que ça te regarde, je vais courir. Tu peux garder mes clés ?
-         Bien sûr.
Emma tapota quelque chose sur l’écran que Mélyan savait se trouver derrière le comptoir de la réception. Une petite boîte en métal renforcé noire sortie du meuble. Petit bijou technologique dont pouvait bénéficier les militaires, et elle, habitant dans cet immeuble. Ils ne pouvaient pas toujours avoir leurs clés sur eux lors de leurs missions. Se trouvait alors caché quelque part le nombre de boite par habitation. Pour récupérer son bien il suffisait de composer son code secret, de poser le pouce sur le lecteur d’empreintes digitales et de signer un document. Il pouvait y avoir plusieurs autorisations en fonction du nombre de personne habitant dans le logement. Elle déposa ses clés dans le petit coffret, il se referma et il disparut, elle ne savait où.
-         Tu comptes m’en vouloir longtemps ? Demanda Emma.
-         Je ne pense pas pouvoir faire autrement Emma. Tu as blessé mon frère. Tu t’es servi de lui pour te rapprocher de moi.
-         Il ne m’en veut pas.
-         Nathan n’est pas très rancunier mais tu m’as dégoûté en sortant avec lui dans le seul but de pouvoir me draguer plus facilement. Je n’étais pas disposée à ça et je suis persuadée que tu le savais. Pourtant ça ne t’a pas empêché de monter cette drôle de mascarade.
-         Tu me plais vraiment, et tu ramènes plein de filles chez toi alors pourquoi pas moi ?
-         Même juste pour un soir, ce n’est pas possible. Pas après ce que tu as fait.
-         Je suis désolée, je sais que j’ai mal agis et que ce n’était pas bien. J’en ai conscience et c’était il y a un an j’ai changé depuis. J’osais espérer une petite chance.
-         Navrée, ça reste non.
-         D’accord… bon après-midi.
-         A toi aussi.
Et elle prit la direction de la sortie ne prêtant pas attention à sa mine boudeuse. Ses émotions étaient sincères, elle était désolée et triste de son erreur. Et chaque fois que Melyan la voyait c’était difficile pour elle de sentir le puissant désir qu’Emma éprouvait. Une fois à l’extérieur elle respira l’air agréablement tiède et se vida l’esprit. Des touches fleuris vinrent caresser ses narines. Elle inspira profondément profitant de cette douce senteur. Elle mit ses écouteurs, sélectionna sa musique et rangea son téléphone dans son support de bras avant de commencer ses étirements. Une fois qu’ils eurent été terminés elle se mit à courir dans la direction du centre-ville. Quelle aimait se sentir aussi libre de tout. Le vent qui glissait sur sa peau lorsqu’elle se déplaçait plus rapidement que d’habitude. Les émotions qu’elle croisait ne s’accrochaient pas à elle, elles ne faisaient que glisser dans son crâne, Elle avait l’impression, le temps de sa course, que rien ne pouvait l’atteindre que rien ne l’avait atteint. Que ça lui faisait du bien ! A tel point qu’elle ne vit pas l’heure passée. Elle avait eu conscience de faire deux fois le tour du centre-ville. Ses pieds et ses jambes commençaient sérieusement à lui faire mal et elle envisageait de s’arrêter. Elle n’eut pas besoin de se forcer à le faire. Quand elle courait elle ne m’était jamais le son de ses écouteurs à fond pour être sûr d’entendre le danger venir. En ce magnifique dimanche ce ne fût pas le danger qui l’appela.
-         Mélyan !
Elle se tourna pour apercevoir Dan lui fonce dessus. Il la saisit par la taille et la fit tourner dans les airs. Après cet instant virevoltant et euphorisant il la reposa à terre en gardant ses mains sur ses hanches.
-         Salut Dan, lui dit-elle essoufflée.
-         Je n’ai pas pu résister lorsque je t’ai vu courir.
-         Pourtant il aurait mieux valu que tu ne m’arrêtes au beau milieu de ma course.
Elle soufflait bruyamment en se tenant les côtes.
-         Je suis désolée ma belle !
-         Ce n’est pas grave j’allais bientôt devoir m’arrêter.
-         Tu es bien rentrée hier soir ?
-         Oui.
-         Tu n’as pas dormi…
-         J’ai eu du mal, j’ai tout de même pu dormir un peu.
-         Des mauvais souvenirs ?
Elle hocha de la tête. Il avait tenu à ce qu’elle lui raconte l’origine de sa cicatrice et elle l’avait fait. A l’époque il était son seul proche en dehors de Nathan. Il l’avait aidé à aller de l’avant. Et il avait comblé son besoin de sécurité supplémentaire et rassurante. Une voiture se gara tout près deux mais elle ne s’en affola pas. Des voitures qui se garaient il y en avait partout en ville. Seulement un quelque chose la fit tiquer. Elle se contenta d’adresser son attention à Dan.
-         Tu aurais dû accepter de m’attendre hier. Nous aurions passé la nuit ensemble et tu serais plus reposé.
-         Peut-être mais je ne voulais pas rester une minute de plus dans cet endroit.
-         Ça veut dire que tu ne reviendras plus ?
-         Non mais je ne reviendrai peut-être pas tout de suite. Je ne sais pas.
-         Je ne t’en voudrais pas dans tous les cas tu sais où me trouver.
-         En effet, lui sourit-elle.
-         Dis je vais à la salle, il lui indiqua la salle de sport qui se trouvait derrière eux d’un signe de tête. Tu viens avoir moi ?
-         Je n’aime pas ce genre d’endroit, je ne vois pas ce que je pourrais bien y faire.
-         Nous pourrions prendre une douche ensemble, le dimanche il n’y a pas grand monde. Et puis il y a des tapis de courses, tu pourrais courir devant moi ? Ça m’aiderait.
-         A quoi ? À avoir la trique ?
-         Je n’ai pas besoin d’aide pour ça.
Il posa une de ses grandes mains sur sa fesse et la colla à lui. Ainsi elle eut le loisir de sentir tout le contentement de Dan.
-         Tu vois ? Nul besoin d’aide.
-         Je constate que tu peux très bien te débrouiller tout seul.
-         Alors tu m’accompagnes ?
-         Désolée Dan mais je vais devoir partir. J’allais faire demi-tour, Nathan dois passer aujourd’hui.
-         D’accord, tant pis. Une prochaine fois alors.
-         Avec plaisir.
Mais il ne la lâcha pas pour autant. Elle l’interrogea du regard la tête levée vers lui.
-         Je peux te voler un baiser ?
-         Ce n’est pas du vol si je te l’offre.
-         Oh tu me l’offres ?
-         Tu as bien mérité un remerciement pour le sauvetage d’hier soir.
-         Je ne vais pas le refuser.
Il se pencha au-dessus d’elle tandis qu’elle se tendait vers lui. Leurs lèvres se rencontrèrent et ils échangèrent un baiser qui ne fut absolument pas chaste. Leurs bouches se connaissaient si bien que leurs cerveaux n’avaient pas besoin de penser à bien faire. Mélyan parvint à se détendre un peu plus, peut-être même qu’avec tout ça elle serait suffisamment détendue pour dormir cette nuit. Il ne fallait pas rêver non plus… Après un baiser sensuel ils se séparèrent revenant chacun dans son propre corps. Dan lui adressa un sourire sincère et elle le lui rendit.
-         J’espère que nous nous reverrons bientôt, finit-il par lui dire en la lâchant.
Il se baissa pour prendre son sac de sport qu’il avait sûrement laissé tomber avant de la porter.
-         Bonne fin de journée ma belle.
-         A bientôt Dan.
Il se retourna et partit en petite foulée vers la salle de sport. Il ne se caserait probablement jamais, bien trop amoureux de la musculation pour ça. Mélyan entendit des bruits de bouches similaires à ceux qu’elle avait échangé avec Dan. Elle se tourna dans la direction des bruits. Deux hommes d’une quarantaine d’année la regardaient. Ils étaient attablés à une terrasse surélevée. L’un d’eux mima un baiser et lui dit :
-         Moi aussi je peux en avoir un ?
Mélyan lui fit signe négativement de la tête. Il retroussa sa lèvre dans une mou de bouderie. Elle se retourna vers la rue. Que faire ? Rentrer en marchant ou s’étirer rapidement afin de pouvoir repartir correctement sur de la course ? Elle joignit les mains et étira ses bras autant que son poignet le lui permettait au-dessus de sa tête. Elle se pencha sur le côté droit, puis le gauche et enfin en avant. Cela faisait du bien. Elle s’avança vers le banc qui se trouvait non loin et posa le pied dessus. Elle s’apprêtait à se baisser sur sa jambe pour l’étirer lorsqu’une voiture s’arrêta en double file sur la route. Elle reconnut la voiture et ne fut pas surprise de voir Estelle derrière sa vitre baissée. Elle resta dans sa position un peu étrange, les mains sur sa cheville le pied en hauteur sur le banc.
-         Bonjour Mélyan, je te dépose ?
Étrange façon de la saluer… Elle reposa son pied à terre et la regarda les sourcils froncés.
-         Bonjour Estelle. Vous me suivez ?
-         Bien évidemment que non. Un pur hasard de nous rencontrer ici.  Je suis allé voir de la famille. Remarque c’est un heureux hasard.
-         Pourquoi ça ?
Estelle accentua son regard sur quelque chose derrière Mélyan. Elle se retourna et vit que les deux hommes la regardaient avec insistance. Ils la mirent mal à l’aise. Elle se tourna de nouveau vers Estelle.
-         Je te ramène ? Offrit-elle de nouveau.
-         Je vais rentrer en courant ne vous en faites pas.
-         Mélyan, j’insiste.
-         Vous insistez beaucoup depuis hier.
Estelle lui adressa un regard autoritaire et le ton allait avec.
-         Tu vas monter dans cette voiture et tout de suite !
Quelque chose en elle avait changé. En cet instant elle ne lui parut plus du tout délicate. Mélyan la trouvait encore plus belle. Écoutant le délicieux frisson qui prit possession de son corps elle grimpa presque malgré sa volonté dans la voiture. Estelle se mit à rouler aussitôt qu’elle eut fermé la portière. Elle sentit un fin filet chaud glisser dans sa tête. Elle croyait qu'Estelle était en colère.
-         Vous êtes énervée.
-         Un peu.
-         Pourquoi je le sens alors que je ne ressens rien de vous, dans les autres moments ?
-         Tu vas me vouvoyer encore longtemps ?! S'impatienta-t-elle.
Mélyan ne lui répondit pas et se renfrogna. Elle n’était pas sûre d’apprécier cette Estelle-là. Cette dernière inspira profondément.
-         La colère est une émotion forte, au même titre que la peur et la tristesse. Elles sont plus difficiles à contenir et doué comme tu es tu dois parvenir à réussir à la sentir alors que je m’efforce de la garder en moi.
-         Vous êtes énervée contre moi ?
-         Oui.
-         Pourquoi ?
-         Tu as vue comment tu es habillé ?
-         Il y a un problème ?
-         Tu n’as presque rien sur toi. Tu te mets en danger.
-         Je n’ai pas le droit de porter des vêtements de sport ? Et d’aller courir ?
-         Si mais tu pouvais mettre un t-shirt et un short plus long. Tu dévoiles un peu trop de ton corps.
-         C’est quoi ce monde dans lequel la femme ne peut pas porter ce qu’elle veut de peur de se faire reluquer ou pire ?
-         C’est un monde injuste Mélyan et tu dois faire attention à toi. Tu es une très belle femme et…
Elle s’arrêta au beau milieu de sa phrase. Mélyan fut touché de son compliment mais ne se départit pas de sa mauvaise humeur.
-         Et je dois faire attention aux vêtements que je porte sinon je me fais disputer par mes proches !? Ou connaissances d’ailleurs…
-         Je pense que ton frère serait d’accord avec moi.
-         N’en soyez pas si sûre.
Estelle se garda sur une double place le long d’un trottoir.
-         C’est ce que nous allons voir.
Elle regarda dans la direction ou celui d'Estelle se portait et aperçu son frère. Il courrait, en short et en débardeur blanc. Estelle entreprit d’ouvrir sa portière et de sortir.
-         S’il vous plaît ne faites pas ça.
-         Tu as peur de te faire disputer ?
Estelle sortit et alla à la rencontre de Nathan qui arrivait bien trop vite à son goût. Mélyan resta dans la voiture et observa l’échange qui s’opérait dehors. Comme si elle était une adolescente prête à se faire gronder par ses parents. Elle sortir de la voiture furibonde. Estelle ne pouvait pas laisser les choses se faire ainsi.  
-         Vous ne pouvez pas vous occuper de vos affaires ? Adressa-t-elle à Estelle.
-         En réalité je n’ai encore rien dit.
Elle se tourna déconfite vers son frère. Il la regarda, de la tête au pied, le sourire qu’il avait sur le visage s’estompa.
-         Mélyan !
-         Nathan, je t’en prie ne pique pas ta crise… lui demanda-t-elle suppliante les mains levées vers lui.
-         Bon Dieu tu es allez où habillé comme ça ?
-         Je suis partie courir un peu. Ce n’est pas une tenue pour faire un meeting.
-         Je ne suis pas stupide Mélyan… où es-tu aller courir ?
-         En ville Nathan. J’ai été courir dans le centre-ville. Il n’y a vraiment pas de quoi en faire tout un plat.
-         Donc plusieurs personnes t’ont vu comme ça ?
-         Ce n’est pas un crime que je sache.
-         Si parce que tu es bien trop belle pour ça. Quand je pense à tous ces pervers qui t’ont regardé, je me sens mal, il souffla et tourna la tête.
Son regard s’accrocha à quelque chose. Sa colère fusa.
-         Je t’interdis de regarder ma petite sœur, connard ! Hurla-t-il à un homme qui passait de l’autre côté de la rue.
Elle leva sa main pour cacher son visage et se mit à espérer que le mec de l’autre côté n’aurait pas la mauvaise idée de répondre. Il serait capable de traverser la rue pour lui chercher des noises et cela n’était pas bon pour sa réputation de militaire. Il grogna et enleva son t-shirt. Il dévoila ses abdos à la terre entière mais elle, elle ne pouvait pas montrer un peu de son ventre. Il lui tendit le tissu et lui ordonna :
-         Mets ça !
-         Non.
Elle croisa les bras sous sa poitrine ce qui eut pour effet de la relever un peu plus. Nathan écarquilla des yeux.
-         S’il te plaît, Mélyan, lui demanda-t-il les yeux suppliant.
-         Et merde !
Elle ne résistait pas quand il faisait cette tête. Elle prit le vêtement qu’il lui tendait et l’enfila. Il portait son odeur ainsi que celle de la sueur. Elle fronça le nez, ça ne sentait pas vraiment mauvais, elle voulait simplement y mettre de la mauvaise fois. Dès qu’elle se trouvait couverte Nathan se détendit presque instantanément.
-         Merci d’avoir réveillé le monstre, dit-elle à Estelle.
Elle ne put voir et sentir ce qu’elle ressentait car elle était la neutralité même.
-         Mélyan, il faut que tu comprennes que tu vis dans un monde de fou.
-         Oui un monde où les mecs peuvent se balader torse nu, ils ne risquent rien. Mais nous les femmes nous risquons toujours et peut-importe comment nous sommes vêtus parce que vous êtes des enfoirés.
-         Et je suis d’accord avec toi mais pourquoi tu ne veux pas comprendre.
-         Et toi pourquoi ne veux-tu pas comprendre que personne ne peut me dicter la manière dont je dois m’habiller ! Et surtout pas ces putains d’expériences ! Je ne veux pas avoir peur de vivre. Et je veux vivre Nathan, tel que je suis, s’emporta-t-elle.
-         Vous méritez toutes de vous habiller comme bon vous semble et de vous conduire comme vous le souhaitez sans que personne ne vous juge.
-         Tu as le mérite d’être un homme bon, se radoucit-elle.
-         Et je suis désolé que ce qu’il t’est arrivé à tes dix-neuf ans est eu un impact sur ton propre jugement.
-         Bien sûr qu’il a eu un impact sur ma vie mais c’est du passé et ce n’est pas parce que je vais courir comme ça que je ne fais pas attention à moi.
-         Je te promets d’essayer de ne plus m’emporter lorsque je te vois ainsi.
-         Merci.
-         Je peux te demander ce qu’il s’est passé à tes dix-neuf ans ? S'enquit Estelle.
Nathan répondit à sa place.
-         Quand elle est sortie du travail elle s’est fait agresser par un homme. Je ne sais pas ce qu’il se serait passé si la police n’était pas passé par là…
-         On peut arrêter de jouer avec mes traumatismes ?
-         Ça ne doit pas aider avec ce qu’il s’est passé hier soir, dit Estelle à voix haute.
Elle fixait un point sur le sol et se tenait le menton dans une sorte de réflexion. Mélyan voulait croire qu’elle n’avait pas fait exprès de mentionner ce moment.
-         Que s’est-il passé hier soir ?
-         Allez-y racontez lui, nous ne sommes plus à ça prés.
-         Je suis navrée Mélyan. Je ne voulais pas…
-         Dites-moi, lui demanda Nathan.
-         Hé bien Mélyan s’est faite séduire par un couple hier soir. Et l’homme est devenu un peu trop insistant. Je crois qu’il voulait l’emmener ailleurs.
Nathan l’interrogea du regard et pâlit.
-         C’est vrai. Il voulait m’emmener ailleurs pour me convaincre d’aider sa sœur peut être victime d’un mauvais jugement.
-         Il savait qui tu étais ?
-         Je crois que oui.
-         Comment c’est possible ?
-         Je crois que Mélyan à une certaine notoriété. Une vieille dame savait qui tu étais lorsque nous nous sommes rendus au cabinet, confia Estelle.
-         Seulement ceux qui m’ont déjà vu savent qui je suis.
-         Tu n’as pas remarqué qu’il t’avait reconnu ?
-         J’ai bien senti qu’il était étrange et tendu. Il a été content quand…
-         Quoi ? S’impatienta Nathan.
-         Mon tatouage… il est trop atypique. N’avance surtout pas que je dois le couvrir. Il est hors de question que je me cache Nathan.
-         Mélyan… je ne veux pas revivre ce qu’il s’est passé il y a trois ans, dit-il la voix emplit de tristesse.
-         Moi non plus Nathan mais si je dois avoir peur de tout, tout le temps alors autant d’arrêter de vivre maintenant et tout de suite. Je ne compte pas rester enfermer le restant de mes jours.
Il resta silencieux la fixant du regard.
-         Je suppose que tu as raison. Mais tu dois limiter les risques. Ne retourne plus dans cette boîte.
-         Stop !! Je suis une grande fille et je sais m’occuper de moi. Il ne m’arrivera rien tant que Dan travaillera là-bas. Et j’ai encore besoin de m'y rendre. Je n’ai pas à me justifier et cette discussion est close.
-         Oh que non, renchérit Nathan.
-         Je suis sincèrement désolée… Je ne pensais pas que vous vous disputeriez. Je voulais simplement te ramener chez toi, intervint Estelle.
-         C’est chose faite. Vous pouvez disposer.
-         Mélyan, la reprit Nathan.
-         Quoi Nathan. Je n’ai pas besoin d’elle. Je pouvais rentrer seule mais elle a tenue à me ramener. Maintenant que c’est fait je ne vois pas ce qu’elle pourrait faire de plus.
-         Elle t'a conduite jusqu’ici et même s’il aurait été contre ta volonté la moindre des choses serait de la remercier. Nos parents ne t’ont pas élevé comme ça.
Là ça faisait mal… mais il avait raison.
-         Merci, Estelle, lui dit-elle tout de même son regard plongé dans ses yeux bleu clair.
-         Ce n’est rien. Je te vois demain.
Elle hocha de la tête et elle espérait avoir suffisamment redescendue en pression d’ici là.
-         Merci de l’avoir raccompagnée, la remercia Nathan.
-         Il n'y a pas de quoi.
Elle se retourna pour prendre le chemin jusqu’à sa voiture.
-         Estelle, l’appela Mélyan faisant écho à la veille.
Estelle lui fit face entièrement cette fois. Elle allait ouvrir la porte du pardon.
-         Passez une bonne soirée.
-         De même pour vous, Estelle inclina légèrement la tête et Mélyan prit ce signe comme un remerciement.
Estelle retourna à sa voiture. Elle démarra et disparut en quelques secondes. Mélyan soupira, si elle l’avait simplement déposé devant chez elle tout ça ne serait pas arrivé. Elle ne se serait pas énervée contre eux et serait déjà douché. Au fond elle n’arrivait pas à vraiment lui en vouloir. Savoir qu’elle était suffisamment importante pour qu’elle s’inquiète pour elle la touchait. Il fallait se ressaisir, ce n’était que sa thérapeute. Elle espérait ne pas faire de transfert psychanalytique, même si on ne pouvait pas dire qu’elles avaient passé beaucoup de temps en tant que psy et patiente.
-         C’est une femme vraiment belle tu ne trouves pas ? Et puis elle est sympa, lui fit Nathan alors qu’ils regardaient encore la rue vide de vie.
Pour toute réponse elle lui frappa le bras. Il rit de sa force de nouveau née.
-         Pourquoi tu l’as vouvoyé ?
-         Parce qu’elle a plus de trente ans et que c’est ma thérapeute.
-         Ça ne l’empêche pas de te tutoyer. Et je suis persuadé qu’elle préférerait que tu la tutoie.
Elle se contenta de hausser les épaules. Il claqua sa main sur son épaule.
-         Puisque tu voulais courir on va faire un petit tour à la salle de sport avant de rentrer. Il ne devrait pas y avoir grand monde. Ensuite nous ferons quelques abdos, l’informa Nathan.
-         Si tu penses que ça va me faire chier tu te trompes.
-         Non je cherche seulement à te défouler.
-         Alors allons-y.
Elle se tenait sous une chaude pluie. Nathan avait été tout sauf doux. Avant d’aller à la salle il avait tenu à ce qu’elle se change, ce qui avait valu une nouvelle dispute. Sans oublier qu’il fallait repasser par la case Emma… elle dû prendre sur elle. Ils étaient ensuite redescendus et il l’avait poussé jusqu’au bout de ses réserves. Elle avait mal partout mais surtout aux jambes et au ventre. Elle en avait bien besoin, elle ne sentait plus aucune tension dans son corps et dans son esprit. Tout avait été chassé par l’exercice physique. Elle profitait donc d’une douche chaude pour soulager ses membres endoloris. Nathan était passé par chez lui pour prendre la sienne. Ils se retrouveraient chez elle pour partager un repas et passer la soirée ensemble. Elle termina sa douche et sortit. Elle se sécha et enfila son pyjama. Quand elle sortit de la chambre Nathan se trouvait sur le canapé. Il avait allumé la télé et trouver un match de basket à regarder. Elle s’avança derrière lui et lui ébouriffa les cheveux.
-         Tu ne pouvais pas commander les pizzas ?
-         Tu ne vois pas que je m’occupe de ton fils ?
Il lui plaisait de considérer Skeeny comme son enfant. Il trouvait qu’elle le dorlotait un peu trop. Ce petit se tenait sur son épaule et était en train de manger une friandise. Elle fit le tour du canapé pour venir se poser à côté d’eux.
-         Rassure-moi c’est le premier que tu lui donnes ?
-         Mais oui sinon il va devenir trop gros.
Elle grattait derrière l’oreille du rongeur.
-         Mais non tu es parfait mon petit, le complimenta-t-elle.
-         Oui je sais. Tu n’es pas trop mal toi non plus, répliqua Nathan les yeux accrochés à la télévision.
Elle lui tapa le dessus du crâne.
-         Bon garçon. Bon grand frère.
Il daigna quitter la télévision des yeux pour la fusiller du regard. Elle éclata d’un rire sonore. Une fois qu’elle eut terminé de s’esclaffer il lui demanda :
-         Tu as fini de rire ? Tu veux bien appeler la pizzeria ?
Il lui tendit son téléphone elle le prit.
-         Tu peux arrêter de fouiller dans mes affaires ?
-         Je n’ai pas fouillé dans tes affaires, il était posé sur le meuble dans l’entrée. Il clignotait, donc je l’ai pris. Tu as reçu un message.
Elle consulta son téléphone. Elle avait en effet reçu un message de Psy. Qui était Psy au juste ? Mélyan tu es bête ? Il s’agit d'Estelle. Elle se souvint alors qu’elles avaient échangé leurs numéros après l’incident lors de sa dernière mission.
« Je suis une fois de plus navrée. Je ne pensais pas que ton frère réagirait ainsi… J’ai eu peur pour toi et je n’ai pas réfléchi avant d’agir. Je m’excuse sincèrement. En revanche j’ai vu que tu portais ton attèle et je suis contente que tu suives les prescriptions de ton médecin. J’espère que tu passeras une bonne soirée. Estelle."
Elle répondit sans attendre.
« La prochaine fois vous m’écouterez ? Je vous remercie mais je n’ai pas besoin que l’on me félicite parce que je fais ce qui est bon pour moi. »
Elle y ajouta un émoji à la dernière seconde, juste avant de l’envoyer, pour lui signifier qu’elle n’était pas vraiment en colère. Elle se tourna vers son frère.
-         Comme d’habitude ?
-         Ouaip.
-         Tu ne veux pas changer ?
-         Tu vas prendre autre chose toi ?
-         Non.
-         C’est pareil pour moi.
Son portable vibra dans sa main et elle reporta son attention sur le petit écran. Nouveau message d'Estelle.
« Peut-être, seulement si je suis persuadé que tu as raison. Avoue tout de même que si tu as mis ton attèle c’est pour calmer la douleur causée par ce connard. Une fois de plus est-ce que tu peux arrêter de me vouvoyer ? »
« Dans ce cas habituez-vous à m’écouter parce que j’ai toujours raison. Et je n’avoue jamais mes tords. Connard vraiment ? Vous êtes bien vulgaire ma petite dame. »
Elle ouvrit ses contacts quand elle reçut un nouveau message.
« Dire que tu n’avoues jamais tes tords est en soit un aveu de ton tort. Je ne pensais pas que ma vulgarité te choquerait. Et vraiment arrête avec les vouvoiements et les ma petite dame. Je me sens soudainement vieille… »
 
« Je ne prendrais pas la peine de répondre à ça. Je suis seulement surprise. A trente ans vous vous considérez comment ? »
Suivis d’un autre texto, elle devait s’enquérir de ça.
« Vous voulez que je vous tutoie mais cela ne risque pas de poser problème pour nos relations professionnelles de thérapeute à patiente ? »
Elle chercha le nom de la pizzeria quand elle reçut un autre message. Estelle répondait vite. Vraiment très vite. Bon elle devait reconnaitre qu’elle prenait tout son temps pour trouver le bon contact. Peut-être qu’elle attendait ses réponses.
"Je me considère jeune et en pleine santé.  Sauf quand tu m’appelles ma petite dame. Pour ma part je sais faire la part des choses. Mais si tu préfères nous pouvons nous vouvoyer lorsque nous sommes sur notre lieux de travail ou pour le travail et lorsque nous sommes dans mon bureau. Et nous tutoyer le reste du temps. Quoi qu’est ton choix je compte bien poursuivre sur cette voix. »
« Vous pensez vraiment que nous nous verrons souvent en dehors du travail ? »
« Il suffit de voir notre week-end… »
Estelle n’avait pas tort et elle voulait se rapprocher un peu plus d’elle. Même si elle se méfiait de cette pensée elle n’en était pas moins vraie.
« Parce que tu m’as suivi ! »
-         Mélyan tu comptes appeler la pizzeria ou continuer à papoter avec ta nouvelle prise ?
-         Ce n’est pas ma nouvelle prise, c’est Estelle.
-         Qu’est-ce que ça change ?
-         C’est ma thérapeute.
-         Et seulement pour cette raison tu ne vas pas lui courir après ? Je ne me gênerais pas. Elle semble très gentille et vraiment t’apprécier ce qui est rare. Sans parler de sa beauté.
-         Et bien-moi si. Et nous ne nous connaissons pas.
-         Pas encore.
Il lui adressa un clin d’œil et elle lança l’appel pour s’éviter la peine de répondre. Elle vit l’icône du petit message dans la barre supérieure de son écran et son doigt se mit à la démanger violemment de l’ouvrir. Elle posa le téléphone sur son oreille quand elle entendit l’homme répondre.
« - Bonsoir, c’est Nathan et Mélyan.
-         Oh salut ! Comment vous allez ?
-         Super ! Et toi ?
-         Au top, je vous mets la même chose que d’habitude ? Une spéciale piquante et une chèvre miel ?
-         Oui.
-         Ok je lance ça, ce devrait être prêt dans 15 min.
-         C’est parfait ! Merci.
-         Au revoir à tous les deux, bonne soirée. »
Elle se tourna vers son frère.
-         Tu descendras les chercher.
-         Pourquoi moi ?
-         Tu es le plus habillé.
Il grogna. Elle avait tapé dans le mile. Il ne voulait pas aller les chercher mais s’il ne voulait pas se faire discréditer et qu’elle se serve de ça contre lui alors il devait y aller. Elle sourit et ouvrit ses messages, il y en avait deux.
« Je ne te suivais pas, juré. Nous vivons dans la même ville et je pense que nous nous sommes déjà croisées. Nous remarquons toujours plus les personnes que nous connaissons que les inconnus. »
Elle disait sûrement vrai même si elle pensait qu’elle se serait souvenue d’avoir vue une femme comme elle. Elle lut le deuxième message qui faisait suite.
« Je ne peux m’empêcher de te le dire. Je suis désolée mais ça me brûle. Concernant ton frère et sa réaction assez disproportionnée j’ai une explication. Je pense qu’il souffre de culpabilité te concernant sauf s’il agit ainsi avec les autres femmes. Je pense qu’il se sent coupable de ne pas avoir pris soin de toi après la mort de vos parents. Je mettrais ma main à couper qu’il se sent obligé de se rattraper et c’est pour cela qu’il est hyper protecteur avec toi. Tu pourrais essayer de lui en parler ou bien simplement de garder ça en-tête. »
« Tu vois que tu ne peux pas t’empêcher d’être psy. »
« J’ai seulement analysé sa réaction de tout à l’heure et je m’efforce de t’aider. »
« J’essaierais de lui en parler. »
« Bien, je vais donc te laisser profiter de ton frère.  Passez une bonne soirée. »
« A toi aussi Estelle. A demain et merci pour tout. »
Elle verrouilla son écran et posa son téléphone sur l’accoudoir. Skeeny, qui était descendu de l’épaule de son frère, grimpa tant bien que mal sur ses genoux. Elle le caressa machinalement tout en pensant à son échange de textos. Elle l’avait apprécié et aurait aimé qu’il dure plus longtemps. Elle se mit à sombrer dans une sorte de torpeur inconsciente les yeux rivés sur la télévision sans pour autant se rendre compte de ce qu’il y passait. Le temps défila ainsi jusqu’à ce qu’elle reçoive l’appel du livreur de pizza la sortant par la même occasion de son tourbillon de pensée. Nathan descendit les chercher. Ils se trouvaient attablés savourant leurs pizzas malgré le goût qu’ils connaissaient bien. Ils parlèrent de tout et de rien comme à leur habitude. Puis Mélyan se lança, sans préambule et sans tact.
-         Nathan ? Y a-t-il une chose pour laquelle tu aimerais remonter en arrière ? Une chose que tu souhaiterais changer, recommencer ou modifier ?
Il posa la croute de sa part sur la table la laissant à Skeeny qui se précipita pour la dévorer de ses petites dents. Il macha lentement jusqu’à avaler ce qu’il avait dans la bouche. Alors il posa les yeux sur elle.
-         Une seule et unique chose.
-         Qu’est-ce que c’est ?
Délaissant sa pizza d’un tier entamée, elle releva une jambe sur la chaise et encercla son genou de ses bras. Nathan soupira et détourna le regard de son visage.
-         J’aimerais changer ce qu’il s’est passé après la mort des parents.
Elle savait déjà qu’il n’avait pas de remords concernant leur mort. Ils avaient décidé de passer une soirée en amoureux. Personne n’aurait pu savoir qu’ils ne reviendraient jamais. Mais elle ne savait pas ce qu’il serait prêt à changer.
 
-         Quoi donc ? D’être entré dans l’armée ? Tu regrettes ce travail ?
-         Non Mélyan, si je regrette quelque chose c’est par rapport à toi.
-         Comment ça à moi ?
-         Je suis très fière du militaire que je suis mais le prix à payer a été plus lourd que prévu.
-         Je ne te suis pas vraiment, Nathan.
-         Je t’ai abandonné.
-         Tu ne m’as jamais abandonné qu’est-ce que tu racontes ?!
-         J’aurais dû prendre un travail, j’étais majeure et nous aurions pu nous débrouiller tout seul. J’aurais dû te protéger, te ramener à la maison et rester avec toi.
Il replongea son regard dans le sien, ses yeux étaient humides.
-         Nathan, tu étais trop jeune, dix-huit ans pour s’occuper de sa sœur de quinze ans en pleine crise d’adolescence… ce n’étais pas à toi de te sacrifier. Tu as fait le bon choix en entrant dans l’armée.
-         Tu n’es jamais sortie de ta crise d’adolescence.
Elle lui flanqua un coup de pied sous la table.
-         Tu as beau dire ce que tu penses mais je m’en veux. Je t’ai laissé toute seule avec ces gens de l’Etat…
-         Je ne t’en veux pas Nathan. Je ne t’en ai jamais voulu, pas une seule seconde.
-         Vraiment ?
-         Vraiment. Même si ce n’était pas évident tous les jours et que notre famille me manquait j’étais heureuse que tu puisses te trouver et t’épanouir.
-         Tu sais… commença-t-il avec un air d’aveux. J’ai failli arrêter à plusieurs reprises.
-         Tu as failli arrêter ta formation pour devenir militaire ? Pourquoi ?
-         Par moment c’était vraiment dur. Et je culpabilisais déjà pour toi. Puis un jour je me suis dit que si je revenais sans rien ça serait pire. Je t’aurais abandonné pour aucunes raisons alors je me remotivais parce qu’il fallait que je le fasse pour toi, pour pouvoir te protéger le reste de ta vie et que tu sois fière de moi aussi. Mais je n’ai jamais eu le courage de te dire tout ça, peut-être que j’attendais le bon moment. C’était l’occasion de t’en parler.
Elle se leva et contourna sa chaise pour prendre son frère dans ses bras.
-         Je suis très fière de t’avoir pour frère et je ne remercierais jamais assez le ciel de vous avoir mis sur ma route.
-         Mélyan, quoi qu’on dise ou quoi qu’il se passe tu seras toujours une Tontary, tu seras toujours ma petite sœur et tu seras toujours la fille de nos parents.
Elle s’effondra. De grosses gouttes glissaient silencieusement sur son visage. Il ne le lui avait jamais dit toutes ces choses et cela lui faisait le plus grand bien. Il s’agissait de larmes de bonheur. Nathan se leva à son tour et se tourna dans les bras de sa petite sœur pour la tenir contre lui. Cet échange fraternel les transporta tout deux loin du monde. Ils restèrent ainsi plusieurs longues minutes à savourer cet instant rien qu’à eux. Puis ils se séparèrent et se remirent à manger leur pizza laissant les mots continuer de faire leur effet.
-         Pourquoi tu m’as posé cette question ? Lui demanda Nathan.
-         Hé bien… Estelle t’a cerné, elle pense que tu ressens de la culpabilité concernant notre enfance et que tu compenses par ta surprotection.
-         Elle est forte…
-         C’est une psychologue.
-         Je devrais peut-être la consulter ?
-         Arrière !
-         Je ne toucherais pas à ta thérapeute, je te taquine. Mais reconnais qu’elle est belle, intelligente, perspicace et sympathique.
-         Je le reconnais, marmonna Mélyan.
-         Qu’est-ce que tu dis ? Je n’ai pas entendu.
-         Je reconnais qu’elle l’est, bougonna-t-elle.
-         Aussi qu’elle te plait ?
-         Tu dépasses les bornes !
-         D’un chouilla.
Nathan éclata de rire et ils passèrent le reste de leur soirée à rire et à se chamailler tels les grands enfants qu’ils étaient. Elle avait le sentiment que la conversation, le fait d’aborder un sujet si longtemps enfouit, leur avait fait beaucoup de bien. Nathan la quitta tard dans la soirée, ils travaillaient tout deux le lendemain et il leur fallait se reposer. C’est le cœur léger qu’elle alla se coucher, dans son lit, elle se sentait la force d’y rester. Elle s’endormit en un rien de temps ce qui n’était pas arrivé depuis une éternité.
 
Elle se réveilla, un sentiment d’oppression lui serrait la cage thoracique. Elle avait l’impression de manquer d’air. Elle rejeta les draps d’une main paniqué, que ce passait-il ? Avait-elle fait un cauchemar dont elle ne se souvenait pas ? Tirer par un besoin irrépressible elle ouvrit la porte fenêtre de sa chambre et sortie sur le balcon étroit qui s’allongeait jusqu’à son salon. Il ne faisait pas très chaud pour un mois de juin elle sentit sa peau s’hérisser mais rien n’importait plus que de respirer. Elle prit de grandes et profondes inspirations pour soulager la pression qu’elle ressentait dans sa poitrine. Elle était paniquée, que se passait-il à la fin ? Pourquoi se sentait-elle dans cet état ? Une partie de son cerveau s’éveilla, elle comprit alors que ce n’était pas elle. Ce n’était pas son état à elle mais celui de quelqu’un d’autre. Une personne devait être en détresse quelque part non loin de chez elle. Elle scruta la ville plongée dans la nuit, éclairée par les lampadaires qui mêlaient des zones jaunes aux coins noirs des trottoirs. Quelques lumières filtraient au travers de rideau ou de volets à certaines fenêtres des bâtiments ou des maisons. D’où venait ce sentiment qui l’avait assailli durant son sommeil et l’avait tiré de son repos d’une main glaciale et macabre. Elle réprimait les frissons qui grimpaient le long de sa colonne vertébrale. Il s’agissait de frissons d’excitations et mourrait d’envie de laisser voler en éclat son bouclier. Elle ne résista pas longtemps et laissa libre cours à son empathie. Qu’il était bon de ne plus se contenir. Cela faisait doucement mal, elle ne se forçait plus à garder ériger ce mur mais toutes les émotions du quartier l’accaparèrent emplissant son crâne. Le sentiment de panique qu’elle avait ressenti devenait plus pressant, elle ne respirait plus. A tel point qu’elle ne voyait plus rien devant elle et qu’elle ne sut pas si c’était ses paupières qui s’étaient fermées ou si c’était dû au manque d’oxygène. La panique ne se trouvait pas loin, quelque part en bas sur sa droite. Un calme général entourait cette émotion, le monde s’était partiellement endormi. Une douleur lui saisit le ventre, si elle respirait encore alors elle aurait eu la respiration coupée tant la douleur était forte. Elle entendit des sirènes non loin, les urgences était en route. Elle tenta de nouveau de voir la rue mais ses yeux n’obtempérèrent pas. La panique s’atténua quand elle sentit, au même endroit, plusieurs autres émotions. Beaucoup moins fortes, de l’appréhension, une légère peur et de l’adrénaline. Elle savait ce qu’il se passait, il ne s’agissait rien de grave bien au contraire, un moment magique. Une fois l’émotion analysé et la situation comprise elle devait ériger ses boucliers. D’autres émotions lui parvinrent rendant la tâche plus difficile. Elles provenaient de plusieurs directions. Elle sentit la joie, le bonheur, l’amour, l’excitation, la tendresse, la sérénité, la tristesse, la jalousie, la colère signifiant tant de choses. Elle les interpréta comme il lui semblait juste de le faire. Il y avait des gens qui s’aimaient et faisaient l’amour, d’autres pris dans les tourments de la jalousie et de la dispute, des parents qui regardaient leurs enfants dormir, une personne qui venait de perdre un être cher et quelqu’un qui se laissait prendre dans un film passionnant. Elle posa ses mains sur la rambarde froide s’accrochant à la réalité dans ce tourbillon d’émotions immatérielles et impersonnelles. Il était dangereux de faire ça seule, elle le savait, ses poumons lui faisaient atrocement mal. Elle luta pour ranger ses antennes empathiques et se façonner un cocon sécurisant. Une migraine commençait à poindre mais elle s’en fichait, seul lui importait de se retrouver isoler de nouveau le plus possible. Seul lui importait de retrouver la vue et de pouvoir de nouveau respirer. Soudaine et presque aussi brutalement qu’elle l’avait fait s’envoler, son mur psychique retrouva sa place. Elle inspira bruyamment tout l’air qu’elle put et s’effondra sur le sol froid de son balcon. Les mains crispées sur la rambarde, sa tête tomba entre ses bras, elle toussa par moment tant ses poumons la brulaient. Toute sa cage thoracique lui faisait mal alors qu’elle inspirait profondément réapprovisionnant son corps en oxygène. Petit à petit sa vision lui parvint, elle voyait se découper dans la nuit la ville illuminée. Elle parvint à ouvrir ses mains et lâcha la bar en fer. Elle prenait encore soin de respirer lentement et profondément. Elle aperçut les sirènes lumineuses de l’ambulance entre deux maisons. Elle était heureuse d’avoir eut mal puisqu’elle avait assisté au début d’un accouchement, elle avait senti la panique du père, surement, et les contractions de la mère. Ce soir un petit être viendrait illuminer leur vie. Mélyan resta affalé sur son balcon pendant dix bonnes minutes, les yeux perdus dans la ville à penser à ses milliers de vies qui ne se souciaient pas des sentiments des autres. A elle, qui n’avait jamais demandé ce don et qui ressentait de manière décupler ce que pouvait percevoir ses collègues. A l’impact qu’elle pouvait avoir sur chacune des vies en dessous d’elle. Elle resta là caressée par le vent frais, sur le béton rigide de son balcon, à rependre ses émotions. Son crâne martelait à fréquence régulière la poussant au bord de la nausée, ses poumons brulaient encore et son corps la faisait souffrir. Notamment son poignet, qu’elle avait oublié durant ce tourbillon de sensation et qu’elle avait maltraité en serrant si fort la rambarde. Elle avait conscience d’avoir eut de la chance ce soir-là, elle aurait pu passer par-dessus bord et se retrouver écrasé contre le sol plusieurs mètres en dessus. Elle fut soudainement prise de vertiges quand elle vit son corps face contre terre au pied du bâtiment. Elle secoua la tête et rentra à quatre pattes dans sa chambre. Elle se releva, tremblante, et ferma le battant de la porte fenêtre. Elle se sentit aussitôt en sécurité, elle passa dans son salon pour se rendre dans la cuisine. Elle se saisit d’un verre qu’elle remplit d’eau. Elle passa voir son petit chéri roulé en boule endormi dans le fond de sa cage. Elle sourit tendrement en le voyant bouger ses petites moustaches. Elle regagna sa chambre et s’assit sur le bord de son lit. Elle posa son verre sur sa table de chevet et pris connaissance de l’heure. Cela ne faisait pas une heure qu’elle s’était couché… elle ouvrit son tiroir pour sortir une boite de paracétamol, elle avala un comprimé sans attendre le faisant passer avec un trait d’eau. La douleur de son crâne et de son corps devraient s’atténuer. Puis elle resta assise sur le bord de son lit, le tiroir encore ouvert, son verre à moitié vide, ou plein. Elle se demandait ce qu’il serait bon de faire. Retourner dans ses vieilles coutumes, allumer la télévision et s’allonger sur son canapé en attendant que le sommeil daigne bien la reprendre ? Ou se forcer, prendre sur elle et se recoucher dans son lit. Elle n’avait pas fait de cauchemar, cela faisait longtemps qu’elle n’avait plus souffert de ce trouble, elle pouvait le faire, elle pouvait rester dans son lit seule, dans le noir à attendre le marchand de sable. Elle sentit son cœur s’accélérer, elle le ferait, elle allait se recoucher dans son lit. Mais elle n’attendrait pas que la fatigue la guide vers le monde des rêves. Elle ne laisserait pas son cerveau et ses peurs jouer avec elle. Elle prit la petite boite à côté de la précédente et en sortit un petit comprimé. La moitié devrait suffire. Elle le cassa tant bien que mal et l’avala. Elle termina son verre plus pour la forme que pour l’aider à faire passer le médicament. Puis elle s’allongea dans son lit, rabattit les draps sur son corps douloureux. Elle s’affaira à trouver une position agréable et quand ce fut le cas le principe actif avait fait son effet l’emportant sans retenu dans ce monde étrange et irréel.

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