Chapitre 6 - Journal

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Cher Ami,

J'ai revu Jack. Il est venu comme il l'avait dit. Je te l'avoue, j'ai douté. Quand Magda m'a déposée à quelques dizaines de mètres du café où nous avions rendez-vous, au moment où elle m'a tendu mon sac à main, je lui ai dit de m'attendre. J'ai douté qu'il vienne, oui, mais j'ai également douté d'avoir encore suffisamment confiance en lui pour qu'elle me laisse seule.

En marchant vers la terrasse ombragée, je sentais tous les regards posés sur moi, certains béats, certains choqués. En me voyant passer, nul ne pouvait ignorer mon statut, ni par la tenue que je portais, ni par mes cheveux lâchés qui battaient librement au vent marin. C'est pour cela que je préfère toujours que Magda patiente dans la voiture. Elle et Lorelei savent parfaitement remettre à leur place les importuns, il m'est vraiment agréable d'avoir ces deux femmes à mon service.

Enfin je suis arrivée près de la terrasse bordée de palmiers. Et il était là, assis à une table. Il ne m'a pas vue au début, alors je suis restée quelques instants à l'abri des arbres en pots pour l'observer à son insu. Qu'il a changé ! C'était un homme que je contemplais à travers les branches de palmier, avec toute sa puissance qui se devinait, tous ses désirs cachés. Il ne portait plus ses vêtements éternellement noirs, mais un jean clair et une chemise sexy. En revanche, il a le même genre de chaussures qu'avant, des espèces de bottes noires toujours mal attachées, avec ces nœuds qu'il était le seul à savoir défaire.

Mais quand il m'a vue, qu'il est venu vers moi avec un sourire plein d'enthousiasme, je m'en suis presque voulu d'avoir douté. Quelle étrange sensation ! J'avais l'impression de le connaitre depuis toujours, mais pourtant, l'homme qui m'a enlacée par la taille comme si je l'avais quitté la veille m'a paru totalement étranger. Je flottais dans un rêve, comme si tout cela n'était pas réel, comme s'il n'était pas vraiment là, j'avais besoin de le toucher pour m'assurer qu'il était bien devant moi. Et puis, à présent, c'est moi qui dois lever les yeux pour le regarder.

De toute évidence, je n'ai plus grand chose à lui apprendre dans un lit. Je me suis juste moquée de lui, parce qu'il n'a toujours pas de patience, et il m'a jeté un oreiller, et on a ri de notre bataille de coussins comme des gamins.

Tu sais, Journal, je crois que je couche habituellement avec des hommes trop sérieux. Quand j'ai fait part de cette remarque à Jack, il m'a répondu d'un air faussement offusqué : "Mais je suis sérieux !". Son regard plaidait l'insouciance, mais les larmes qui coulent de ses yeux et l'arme que j'ai retirée de sa ceinture confirment plutôt ses paroles.

Il a toujours le même éclat au fond des yeux. Ce feu sombre et ardent qui allume de passion tout ce qu'il entreprend. Il a un tatouage maintenant, des fils barbelés noirs qui s'enroulent autour de son avant-bras gauche. Mais ce n'est pas un simple tatouage. En passant mes doigts dessus, j'ai senti des cicatrices en-dessous de l'encre. Il en a beaucoup, des cicatrices, je l'ai remarqué quand il s'est déshabillé. Il est le genre d'homme qui bâtit un empire au prix du sang.


Les roses et l'océanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant