Chapitre 5 - Dans la nuit

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Je me trouve dans la maison de Sergueï. Cheyenne s'amuse à sortir un tas de fanfreluches et de bijoux trop voyants de la grande malle à accessoires de Tina pour improviser un défilé de mode avec ma sœur. Elle a douze ans, un ange de douceur. Je la regarde en souriant, adossé contre le mur, les bras croisés.

Soudain, elle extrait du fin fond du coffre, avec un air d'incompréhension et de surprise, un pistolet qu'elle pointe vers moi. Dans un réflexe inutile, je lève une main devant mon visage pour me protéger, et je réalise que quelque chose cloche, parce que c'est ma main d'adulte. Le coup part, mais il ne m'atteint pas. Je rouvre les yeux après la détonation. Cheyenne me fixe d'un regard terrorisé. Une tache de sang se répand à toute vitesse sur ses vêtements, puis sur les tissus tout autour d'elle. Je me précipite pour la rattraper avant qu'elle ne tombe, mais le sol se dérobe sous mes pieds et je ne parviens pas jusqu'à elle.


Je me réveille en sursaut. Tout est calme dans la pièce, Olga dort à côté de moi. Je me prends la tête dans les mains. J'ai envie de hurler. Je vois Cheyenne mourir dans mes cauchemars nuit après nuit, mais parmi tous mes rêves précédents, aucun ne m'avait paru aussi réel, et jamais je n'avais été aussi près de la sauver. Pourquoi ces images me poursuivent-elles jusqu'ici ? N'ai-je pas le droit à un peu de répit ? Pas la peine d'essayer, je sais par habitude que je ne me rendormirai pas, alors je me lève et remets mon jean.

La sensation de nausée quand le plancher s'est dérobé en dessous de moi ne veut pas disparaître. J'ai besoin d'air. J'ouvre grand la fenêtre, agrippé à la rambarde en fer forgé, les yeux dans le vide. Le souffle du vent nocturne tranquillise ma respiration anarchique. Dehors, la roseraie me regarde de toute sa senteur, sereine.

Olga m'a entendu sortir du lit. Elle s'approche de moi et m'enlace de ses bras. Elle contemple en silence les rosiers endormis, puis me dit doucement :

- Les roses seraient-elles si belles, si elles n'avaient pas d'épines ?

Bien sûr qu'avec un peu de piquant, la vie est plus attrayante. Le problème se pose quand elle n'envoie pas seulement des épines, mais des balles neuf millimètres.

Olga pose sa tête contre mon dos. Un sentiment d'apaisement court le long de ma peau et mes phalanges relâchent peu à peu la barrière. Elle se faufile entre la fenêtre et moi pour me faire face. Lorsque sa main effleure la cicatrice en haut de mon bras droit, je recule comme si elle m'avait brûlé. Je ferme les yeux pour tenter de contenir mes larmes, mais c'est peine perdue, l'une passe entre mes cils et roule sur ma joue. Olga l'efface de ses doigts :

- Laisse tes cauchemars derrière toi, ils n'ont pas cours ici. Je t'offre une oasis.

Elle me prend par la main pour me ramener vers le lit. Je n'ai pas le courage de m'opposer, alors je la laisse faire. Allongé sur le dos, je fixe le plafond, sans volonté. La chaleur de ses baisers chasse peu à peu les nuages noirs de mon esprit, à la manière d'une brise d'été. Et quand elle prend mon sexe entier dans sa bouche, faisant glisser de haut en bas ses lèvres exquises, mon cauchemar n'est plus qu'une brume dans le lointain.

Je m'abandonne au jeu savant de sa langue, de ses lèvres, de ses mains. Je ne résisterai pas plus longtemps. Je relève fermement son menton en me mordant la lèvre et je la soulève par les hanches pour la déposer sur mon sexe dressé. Je la serre contre moi de toutes mes forces, froissant sa nuisette de soie, me perdant dans son parfum jusqu'à la jouissance.


Enfin, je nous autorise un peu d'air en desserrant l'étreinte de mes bras, puis je l'écarte rapidement de moi, un peu plus abruptement que je ne l'aurais voulu. Elle ne semble pas m'en tenir rigueur, allongée à mes côtés, elle continue à caresser mes cheveux emmêlés, mais moi je m'en veux. Ce n'était pas une part de moi-même que je souhaitais lui montrer.

Les roses et l'océanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant