Retour en avant

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Les bouteilles de vin s'entrechoquaient et les conversations ne cessaient que pour laisser place à des chants maladroits ; l'odeur de l'alcool se mêlait aux effluves de l'océan ; l'équipage fêtait son récent triomphe sous le soleil couchant. Assis sur un tabouret, Peter regardait son verre rempli. De temps en temps, lorsqu'on le secouait après plusieurs appels, il hochait la tête faiblement et souriait dans un automatisme pour aussitôt replonger dans sa boisson. Les yeux à moitié fermés et la bouche contractée, il semblait constamment perdu dans ses pensées.

Peter pensait à ses jours de gloire. Il se voyait grand et fier, menant ses hommes vers une victoire certaine. On voyait dans ses yeux clairs un certain regret amarescent. Le dos affaissé, le pirate n'était plus qu'ombre de ce qu'il avait été autrefois. Il se remémorait aussi une période de sa vie plus lointaine encore. Durant ces jours plus doux, il avait également été maître de sa vie, roi de sa maison. Tous les jours, il embrassait tendrement sa reine et riait aux éclats avec leur jeune fille. Plus tard, la soif d'un autre type de trésor l'avait attiré vers ses confrères actuels.

Mais ce soir-ci, il quitta la fête à peine commencée pour s'isoler. Il poussa une petite porte de bois. Le bruit des festivités s'était étouffé et l'officier se retrouva seul dans la chambre du navire. Les pensées qui hantaient Peter depuis trop longtemps le dirigèrent vers sa couchette. Hésitant, il sortit une carte de son drap. Il tenait le document avec une grande délicatesse. Lentement, il le déplia et posa les yeux dessus pour la première fois en des années. Ses yeux s'embuèrent et un fin sourire naquit sur ses lèvres tremblantes. Il était alors sûr de partir, le plus vite possible, pour retrouver son trésor le plus cher.

Dans les rues andalouses, il levait la tête pour regarder la ville ensoleillée. Un simple sac sur le dos, il semblait perdu, hésitant à chaque virage. Ses yeux, pourtant, brillaient. Dans une étroite rue, il accéléra. Ses pas se firent plus lourds et il se mit finalement à trottiner. Son ventre se serrait au fur et à mesure de sa course et son cœur s'emballait au rythme de ses courtes enjambées. La peur s'emparait de ses membres, mais il n'arrêta pas son avancée avant d'arriver devant une porte.

Alors en face d'elle, il ne savait que faire. Qu'attendait-il ? Il s'était posé la question maintes et maintes fois, et sans réponse, il s'était lancé. Maintenant sur le point de retrouver ce qui avait été son « chez-soi », il était désemparé. Sur le pas de la porte, il se demandait ce que lui apporterait un retour en arrière. Pouvait-on même appeler son voyage ainsi ? Tout était différent, tout le serait, et Peter le savait. Alors que diable faisait-il en train de toquer à une porte abandonnée ? Prêt à partir, il se figea au son de pas précipités. Un verrou se débloqua et la porte s'ouvrît sur une dame âgée.

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