Chapitre 20

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PDV EXTÉRIEUR

Il n’y avait pas assez de mots pour décrire son déroutement face à cette épreuve pour le moins déconcertante et inattendue. Elle était passée par plusieurs états et émotions après l’annonce de l’infirmière. Pourtant, en ce moment même, elle n’arrivait tout simplement pas à y croire. Elle se refusait d’y croire.

Sous une pluie battante et un ciel assombri par d’énormes nuages noirs recouvrant la quasi-totalité de celui-ci, une femme était là, figée. Le temps s’était comme arrêté et plus rien ne semblait lui importer. Telle une statue de pierre sous une forte averse, sa robe noire entièrement trempée, ses cheveux mouillés et collés sur son visage, son regard était fixé sur un endroit bien précis. La femme semblait comme coupée du monde et était insensible à tout ce qui se passait autour d’elle.

Aude se sentait hébétée, comme si elle venait de subir l’impact d’un accident extrêmement violent, pourtant rien de tel ne s’était produit. Une entière incompréhension l’avait envahi depuis l’annonce fatidique de Sarah et ne l’avait pas quitté depuis. Une annonce qu’elle ne parvenait pas à y croire. Elle ressentait au plus profond d’elle une grande injustice, une si profonde amertume envers l’univers et le monde entier. Qu’avait-elle fait pour que l’on vienne lui arracher son seul repère ? N’avait-elle aussi pas le droit au bonheur ? Toutes sortes de pensées traversaient son esprit alors qu’elle semblait complètement détachée de la situation.

Les émotions bouleversées, la jeune femme n’était plus que l’ombre d’elle-même, n’osant pas croire ce qui était en train de se passer sous ses yeux particuliers. Sous l’effet du choc et de la torpeur dans lequel elle se trouvait, elle ne se rendait pas compte des événements, des connaissances, des amis et proches qui lui serraient la main en prononçant des paroles pour manifester leur sympathie telle que « Je suis désolé pour votre perte » ou encore « C’est une grande tragédie qui vous frappe, j’en suis sincèrement désolé ». Elle n’avait pas non plus conscience de ses proches qui l’entouraient pour passer ce moment difficile. Se contentant de fixer la photo qui se trouvait sur la pierre tombale en face d’elle entourée de nombreux bouquets de fleurs.

Une main se posa soudainement sur son épaule, la ramenant à la réalité. À ce simple contact, le bouquet de fleurs blanches qu’elle tenait s’échappa de ses mains et s’écrasa sur l’herbe et le sol boueux. Son regard se porta dans un premier temps sur les pétales de fleurs éparpillés du bouquet, avant de cligner des yeux, comme si elle se réveillait enfin de sa torpeur. Par la suite, en tournant la tête elle aperçut enfin qui était la personne qui lui touchait l’épaule. C’était Joe. En croisant son regard, c’est à ce moment précis qu’elle sentit son esprit et son être tout entier craquer. La douleur était insupportable. La gorge nouée et les yeux s’emplissant d’eau, elle tomba à genoux sur le sol inondé face à cette tombe faite de marbre. Une sensation d’étouffement se manifesta mêlée à un état d’abattement profond. Elle parvenait à peine à respirer, suffocant presque tant ses soubresauts étaient forts. La pluie masquait ses larmes en se mélangeant avec ceux-ci alors qu’elle plongeait sa tête entre ses mains. Effrondée.

Sarah avait affirmé l’avoir tué, mais c’était faux. Il a succombé après avoir ingéré une quantité importante d’analgésique qu’il a pris en douce sans qu’elle ne s’en rendre compte. En effet, elle était occupée à chercher cesdits analgésiques pour lui donner la dose prescrite, mais en vain avait-elle dit. Voulant vérifier s’il allait bien, elle découvrit son état. Paniquée, elle crut être coupable pour avoir raté sa dose.
Incroyable n’est-ce pas ?

La femme ressentait une rage indescriptible à l’intérieur de tout son être, un profond ressentiment envers la vie mélangée à une douleur qu’elle décrirait comme étant insupportable et insurmontable. Il n’était plus là. Il a décidé de ne plus être là. Elle ne pourrait plus jamais le voir ni même entendre le son de sa voix. La mort. La mort lui a d’abord arraché sa mère ensuite son père. Pourquoi ? Elle aurait voulu crier de toutes ses forces pour exprimer son désarroi, cependant aucun son ne parvenait à sortir de sa gorge tant elle était nouée.

Ce sentiment de confusion totale commença à s’estomper progressivement pour laisser place uniquement au sentiment de colère. Elle n’était plus que colère. En colère contre ce qui s’était passé. En colère contre Sarah. En colère contre son père. En colère contre elle même. En colère contre ceux qui ne comprennent pas sa douleur, ce qu’elle traverse. En colère contre l’injustice que représente la perte d’un être cher. En colère contre ce sentiment de vide et d’abandon.

Aude ferma les yeux, priant pour qu’il s’agisse d’un rêve. Le choc était encore beaucoup trop ancré en elle pour pouvoir accepter une telle chose. Cette situation, ce jour, sa mort, étaient inacceptables. Elle se sentait impuissante face à cette situation. Plus bas que terre même. La colère donna naissance à un autre sentiment, celui de la culpabilité. Je l’ai abandonné ! S’écria-t-elle dans son for intérieur.   
La jeune femme se reprocha alors de ne pas avoir été là pour lui. De ne pas avoir fait assez. De ne pas avoir été à ses côtés pour lui tenir la main lors de ses derniers instants. De ne pas avoir pu le sauver.

Se réveillant en sursaut, Aude se sentit oppressée. Le poids qui comprimait sa poitrine revenait en force. Elle relâchait son souffle qu’elle avait dû retenir pendant plusieurs secondes sans s’en rendre compte. Essoufflée, à la limite de l’hyperventilation, la jeune femme regarda autour d’elle. Elle était dans sa chambre, en tourna le regard elle aperçu sa fille endormi à ses côtés. Cette vue l’a permis de retrouver un semblant de calme. Elle caressa la joue de sa fille et eu un sourire triste. Se levant du lit, la jeune mère constata l’état de sa robe. Sale et trempée. En y réfléchissant, elle se doutait que Joe soit celui qui l’a ramené à l’intérieur. Elle se rappela de lui, la prenant dans ses bras pour la soulever hors de la terre bouilleuse et puis.. puis rien. Elle s’était probablement assoupie après cela.

Elle regarda à travers la fenêtre, la pluie avait cessé, mais le ciel était toujours assombri. L’orpheline se dirigea vers la salle de bain, ôtant sa robe et sous-vêtement au passage. Enclenchant le robinet, elle essaya de ne pas penser. Trop tard, des larmes tombaient sur ses joues rougies. Elle se laissa glisser au sol, étouffant ses sanglots avec sa main ne voulant pas réveiller sa fille qui était juste à côté. Elle redouta l’état dans laquelle elle sera après son réveil. Dans quel état était-elle avant de s’endormir ? Elle n’en savait rien. Ariane s’était occupée d’elle ou c’était Carine ? Elle ignorait qui avait pris soin de sa fille quand elle s’apitoyait sur son sort. Quelle piètre mère elle était pensa-t-elle. Elle était trop occupée à pleurnicher qu’elle avait oublié sa fille. Elle ne pensait même pas avoir vu ni Ariane ni Carine lors de la cérémonie. À vrai dire, elle n’a vu personne à part Joe bien sûr. Elle se leva, se rinça et sortit de la salle de bain enroulée dans une serviette. Des vêtements étaient posés sur une chaise, ils n’étaient pas là à son réveil. Sûrement c’est Ariane qui les a laissés se dit-elle. C’était un ensemble de jogging gris, sa préférée. Elle le porta et attacha ses cheveux en un chignon.

Regardant à nouveau sa fille, elle chercha le courage d’affronter la suite. Une réception se tenait dans son salon avec des amis, proches et connaissances. Elle souffla. Elle ne voulait pas descendre, elle ne voulait pas sourire aux invités. Elle ne voulait pas les écouter sympathiser avec elle ou présenter leurs condoléances. Elle voulait être seule avec sa fille, faire son deuil et aller de l’avant si possible. Elle ferma les yeux, inspire-expire, inspire-expire, inspire-expire répéta-t-elle comme un mantra. En ouvrant ceux-ci, elle aperçut deux enveloppes sur sa table de nuit.

L’ambulancier les lui avait remis arrivé chez son père. Ils étaient à ses côtés sur le lit avait-il déclaré. Incapable de le regarder une dernière fois quand il a été sorti de la maison et même dans l’ambulance. Incapable de croire qu’il n’était plus là. Elle s’avança pour regarder l’intérieur des enveloppes. À présent dans ses mains, elle s’assit sur un coin du lit pour les observer. Deux enveloppes blanches, il n’y avait rien écrit sur eux. Prête à ouvrir la première, elle remarqua que ses mains tremblaient. Voulait-elle vraiment connaitre les contenues de ses enveloppes ? Les revenaient-elle ? Peut-être qu’elles étaient destinées à Carine ? Ils vivaient quand même ensemble, donc elles sont sûrement à elle n’est-ce pas ?
Elle se posa assez de questions, mais n’eut aucune réponse.
Que faire ?

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Robe de Aude et Ariana en multimédia.

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⏰ Dernière mise à jour : Jun 15, 2021 ⏰

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