5 - Coup de téléphone

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Mathias s'allonge sur son lit. Il tient la précieuse boîte posée contre son torse. Un sourire se dessine sur ses lèvres, alors qu'il soulève le couvercle. Il sent un parfum fleuri s'en échapper. Il ferme les yeux pour se laisser emporter par cette odeur apaisante. Il secoue faiblement la tête de droite à gauche. Une de ses mains tombe mollement sur les draps. Il dort.


Le soleil est déjà haut alors qu'il se réveille. Abandonnant la boîte sur le lit, il court rassembler ses affaires et part à la hâte. Il ferme la porte rapidement. Sa journée commence ainsi par un rythme soutenu. Le jeune homme au sourire charmeur embarque sans attendre et met le cap sur le Ponton des Visites. Les touristes l'y attendent déjà. Ils se regroupent sur le bord de la plage pour saluer le jeune capitaine. Ce dernier les accueille à bord. Et c'est parti !

Les visites du lac s'enchainent facilement. Elles se passent dans la bonne humeur pour le plaisir des nombreux passagers. Ceux-ci posent des questions, prennent des photos, discutent avec le capitaine. La journée de Mathias se finit assez tard.

Il se rend au lieu de rendez-vous. Puis éteint son moteur. Mais rien. Il n'y a rien.

- Elle devait avoir à faire, murmure le capitaine.

Il attend un peu plus, assis sur l'avant. Les pieds dans l'eau il scrute les vagues.

Il jette un œil au réveil à bord : 21h09. Elle ne viendra plus. Il le sens au fond de lui. Il a trop tardé.

En démarrant le moteur, il se fait la promesse de revenir plus tôt, demain. Il rentre lentement chez lui en profitant de la brise qui lui agite les cheveux.

Une fois son repas avalé, le capitaine va dans sa chambre. Il attrape la boite laissée là. Il lit rapidement les premières pages rédigées par Lia. Il sourit. Elle a réussi à faire ce qu'elle voulait. Mais ce sourire disparait alors que ses yeux passent sur les mots suivants :

« Je ne sais pas si c'est toujours d'actualité... mais mes grands-parents voulaient me faire épouser un homme que je n'aime pas. Ils disent que c'est un « garçon de bonne famille. Qu'il est bien éduqué. Qu'il ne me fera pas de mal. » Mais c'est faux. Xavier (c'est son nom) ne cherche qu'une femme qui lui serve de poupée gonflable. Il pense que je suis à lui. Je t'avoue qu'il me fait peur. Je ne suis pas rassurée de le savoir à proximité... »

Les mains de Mathias se crispent sur le papier. Ses mâchoires se contractent. Il regarde par la fenêtre. Il fait nuit. Il est inutile de sortir maintenant, il ne verrait rien.

Le téléphone sonne.

- Allo ?, demande Mathias.

- Monsieur Dubois ? Mathias Dubois ? demande une voix de femme paniquée.

- Oui, c'est bien moi. Qui êtes...

- Je suis là mère de Crystalia. Elle m'a parlé de vous. Est-ce qu'elle est avec vous ?

- Non madame.

- Est-ce que vous savez où elle peut être ? demande-t-elle d'un ton suppliant.

- Non. Que se passe-t-il ?

- Je n'arrive pas à joindre ma fille depuis cet après-midi. Normalement, elle me rappelle dans l'heure qui suit... Mais là...

Il entend un téléphone sonner dans le combiné.

- Excusez-moi il faut que je décroche. Mais ne raccrochez pas. Je n'en ai pas pour longtemps.

- Allez-y. Je reste là.

Mathias a les yeux fixés sur le lointain. Son point se serre et se desserre au fur et à mesure que les secondes passent.

Un cri lui parvient par le combiné.

- Madame ? Madame ?!, s'inquiète Mathias

- Tu en es sûr ? Comment ça ? Non... Mais. Mathias... Comment ?

- Madame, que se passe-t-il ?

- Non... Mais... Lia... Il...Mais si... Que...

- Madame ?

- Lia n'est plus chez elle, énonce Madame Brun, d'une voix monocorde. Personne ne l'a vue depuis hier soir... La police a... trouvé des traces de luttes dans la maison.

- Ça veut dire qu'elle...

- Ma fille... a...été enlevée...

- Heu...

- Mon mari dépose un avis de recherche en ce moment, dit-elle en se reprenant.

- D'accord.

- Merci pour votre aide. Navrée pour le dérangement.

- Ce n'est...

Elle a raccroché.

Ses yeux s'agrandissent alors qu'il lit les mots suivant :

« Ma mère m'a dit que je ne risquais rien près de ce lac... Mais, j'ai un mauvais pressentiment. J'ai l'impression d'avoir été suivie hier... »

Le poing du jeune homme s'abat sur le mur.


1 an après :

Lia n'a toujours pas été retrouvée. La police a classé l'affaire. « Pas assez de preuves pour continuer », disent- ils. Sa maison a été détruite pour laisser place à un hôtel de luxe. Les touristes arrivent toujours plus nombreux. Marché juteux pour l'hôtellerie qui détruit toujours plus le paysage et les souvenirs. C'est un peu comme si la ville elle-même niait l'existence qu'a eu Lia ici.

Mathias est rongé par les remords et le chagrin. Il relit régulièrement les mots de Lia. S'il avait su... Il aurait peut-être... Peut-être pu... Chaque fois qu'il regarde par cette fenêtre, comme maintenant, il pâlit. Il tremble de colère. De colère contre lui-même. Contre son impuissance. Il ne se sent plus à sa place en ce lieu. Il a vendu son bateau depuis quelques semaines déjà. Il pose le regard sur la photo de son futur appartement flambant neuf. Elle est accrochée en face lui, comme une nouvelle fenêtre. C'est son futur chez lui. Loin d'ici. Loin de ce lac. Loin de l'eau. Loin de Lia.

Le capitaine pose une main sur la vitre.

Dans peu de temps il sera un citadin...

Entouré de béton, laissant une part de lui à ce lac.

~ Fin 2 ~

Hey Capitaine !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant