Scène 1

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Je n'avais pas cours aujourd'hui mais une mission importante. Adam avait invité des collègues ainsi que des clients importants à dîner et m'avait chargé de choisir le traiteur, de commander etc...

En tant que directeur de l'entreprise «Becket Industrie », il avait une image à préserver et ce dîner devait y rendre grâce. Ca fait des semaines que je le prépare, j'ai tellement peur des conséquences si jamais ça ne plait pas que je me suis démenée.

J'ai choisi un traiteur français renommé de l'entrée au dessert. Pour l'apéritif, un traiteur japonais, comme un de ses clients importants, j'espère qu'il appréciera le clin d'œil.

Pour le vin, j'ai demandé au chef français de suivre les plats et pour l'apéritif j'ai prévu de tout pour répondre à la demande.

Les fleurs, la vaisselle et les digestifs, tout est millimétré. Il ne me manque plus que ma tenue. Tout sera livré dans notre appartement sur le toit de l'immeuble de l'entreprise mais ma tenue ... J'aurais préféré qu'Adam vienne directement avec moi hors il avait plus important à faire.

Lucia ne travaillant pas cet après-midi, je lui ai demandé de m'accompagner dans les luxueux magasins choisis par Adam afin de me donner son avis. Je l'attendais devant la première boutique quand elle me sauta dessus pour m'embrasser, me faisant mal aux côtes encore fragiles d'avant hier, mais çà elle ne pouvait pas le savoir, personne le pouvait.

J'essayais toutes les robes possibles dans les 5 magasins privilégiés par Adam mais à chaque photo que je lui envoyais il répondait systématiquement par : "Tu es trop grosse pour porter çà", "Vu ta petite poitrine, si tu mets çà on va te confondre avec mon frère", "cette couleur te fait paraitre fantomatique" ... Bref rien ne lui plaisait et plus le temps passait plus Lucia se renfrognait. Elle n'avait pas idée de la contenance des sms, je lui disais juste qu'il n'aimait pas.

— Dis donc, il est difficile ton homme, demandes lui plutôt ce qu'il veut que tu mettes directement ça ra plus vite.

Ce qui était une bonne idée, à laquelle j'aurais dû penser avant hors Adam s'énerva, s'indignant que je ne sois pas capable de m'habiller seule.

Je finissais par choisir une robe noire au col carré, sans manche, moulante et m'arrivant au dessus des genoux : sobre, raffinée, élégantes sexy mais pas trop. J'avais des escarpins noirs à la fameuse semelle rouge qui iraient parfaitement avec. Après validation par Lucia, nous nous séparâmes tandis que je filais chez le coiffeur chez qui on me ferait également une manucure.

Prendre ma douche et me préparer ne me prirent pas beaucoup de temps aussi j'étais prête lors de la livraison. Les personnes qui m'avaient livrée avaient toutes été adorables, m'expliquant comment conserver jusqu'au moment de servir, comment réchauffer. J'étais prête, stressée mais prête.

Adam devait arriver avec les invités puisque tous avaient une réunion avant le dîner. Le cœur tambourinant dans ma poitrine, les mains moites, je vérifiais une dernière fois que tout était en ordre quand j'entendis la porte s'ouvrir sur des voix masculines, je savais que personne n'était accompagné, à mon grand désespoir, je serais la seule femme.

C'est avec le sourire d'une potiche lors des salons automobiles gravé sur le visage que j'attendais dans le couloir de l'entrée de note appartement. Adam entra le premier, me regarda de bas en haut, secoua la tête et ferma les yeux en haussant les sourcils l'air agacé. Mon sourire cilla à peine lorsqu'il me souffla:

— Tu ne peux pas t'empêcher de me faire honte!

Et j'accueillis les invités, un nœud dans la gorge, retenant mes larmes pour que tout se passe bien.

Ils entrèrent un par un, tous très poli et agréables quand je les invitais au salon pour l'apéritif. Je demandais, comme une barmaid expérimentée ce que chacun désirait boire, prenant note mentalement des commandes et espérant ne pas faire de gaffe. Une fois qu'ils eurent tous été servis, Adam informa ses invités d'un retardataire au moment même où l'on sonnait à la porte. Je n'attendais pas la réflexion et allait répondre.

Le choc quand j'ouvris la porte me figea et me coupa le souffle, l'espace de quelques secondes, j'envisageais de fermer la porte et prétextant une erreur avant de me rappeler quelles seraient les conséquences si j'osais un tel affront.

Alors je me repris et incarnais mon rôle de potiche polie comme si de rien n'était, comme si je n'étais pas en train de faire entrer chez moi la personne qui m'avait anéanti quelques années auparavant.

Il m'avait reconnu, son regard avait paru surpris mais de façon agréable, un sourire commençait à prendre forme sur ses lèvres, ses lèvres.... il allait le dire, il allait parler quand je le coupais dans son élan, mettant une distance polie entre nous deux:

— Bonsoir Monsieur, veuillez me suivre, vos confrères vous attendaient.

Nous avions mis du temps, nous avions mis trop de temps entre le moment où il avait sonné et celui où je l'introduisait dans le salon et le regard qu'Adam me lança me confirma que j'aurais droit à un interrogatoire.

Je prenais la commande du dernier arrivant, le servais et amenais l'apéritif japonais sur les tables prévues à cet effet. Des mini salades, des crackers avec des préparations sophistiquées, quelques sushis ... j'avais tout appris par cœur pour pouvoir expliquer. J'avais prévu des baguettes mais aussi des couverts et de jolies petites serviettes humides et chaudes.

Adam eu l'air satisfait quand j'annonçais à son client que j'espérais lui rappeler son joli pays en choisissant de tels mets.

Je pouvais souffler quelques minutes et me permettre de boire quelque chose, pas d'alcool bien sûr, j'aurais trop peur d'être étourdie. Je me servais un verre d'eau pétillante et m'autorisais à m'asseoir un instant sur le siège vaquant quand la discussion se tourna malheureusement sur moi.

— Je suis ravi d'enfin rencontrer l'élue du cœur de Mr BECKET, s'il est aussi exigeant qu'au travail, vous devez être intéressante en plus d'être très jolie. m'apostropha le client assis à la gauche d'Adam.

Il avait l'air d'être gentil, la cinquantaine, un peu bedonnant, je savais qu'il était marié depuis longtemps et avait 2 grands enfants qui devaient avoir mon âge. Il m'avait fait un compliment, c'était poli mais çà allait me retomber dessus. Je n'eus même pas le temps de répondre, Adam le fit pour moi.

— Oh pas tant que çà, comme tu peux le voir, elle se sent obligé de s'habiller légèrement pour attirer l'attention sur son physique et espère ainsi faire oublier le mince intérêt de son intellect. Mais même avec une robe de créateur, le niveau reste médiocre. Heureusement, elle se débrouille dans quelques domaines ... finit-il en riant et en faisant rire ses invités.

Certains riaient jaunes, je les voyais gênés, je le voyais, LUI, abasourdi. Je ne dis rien, je ne disais jamais rien, les joues cramoisies de honte, je proposais une deuxième boisson afin de pouvoir prendre un bol d'air dans la cuisine, à l'abris des regards.

La soirée commençait à peine et il avait déjà plusieurs raisons d'être en colère contre moi, j'appréhendais le moment où tous rentreraient chez eux, laissant libre cours à Adam. Parce-que, oui, en présence d'autres il se retenait un peu.

Toujours deboutOù les histoires vivent. Découvrez maintenant