Scène 4

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                                                                        Juliette, De nos jours

Le repas au restaurant avait été un des plus agréables que j'ai passé avec Adam, il s'en voulait encore de l'avant veille et était donc un amour avec moi. Aussi, j'avais sympathisé avec Hélène, la compagne d'Arnaud et bien que j'ai eu un pincement au cœur en les voyant, je ne peux qu'admettre qu'elle est adorable.

La hasard voulait qu'elle soit professeur de Yoga alors que j'étais en quête d'un cours pour me détendre de la pression qu'engendrait ma classe préparatoire.

C'est donc naturellement que nous avions prévu de nous retrouver tous les jeudis à 18h pour un cours dans sa salle. Adam ayant participé à la conversation voyait çà d'un très bon œil. J'étais ravie.

Nous rentrâmes tard ce soir là, je ne m'étais pas senti aussi légère depuis longtemps. Il faisait doux, Adam était bien, j'avais trouvé une amie, Arnaud devait être rassuré.

C'est ainsi que j'allais à mon premier cours de Yoga à quelques rues de l'appartement que nous partagions avec Adam ; j'avais donc décidé de m'y rendre à pied.

J'allais sortir de l'immeuble quand mon portable sonna, la sonnerie personnalisée m'indiqua que c'était Adam. Je décrochais

— Tu crois aller où comme çà?

L'espoir est une émotion dangereuse, la plus dangereuse qui soit car elle à le pouvoir de vous faire croire que tout va bien alors que vous vous noyez. Il m'avait vu sur les caméras de l'entreprise et avait décrété que mon pantalon de Yoga était aguicheur.

J'avais besoin de sortir, j'avais très envie d'y aller, alors je fis ce que j'avais prévu en sachant ce qui m'attendrait en rentrant le soir.

La salle de cours était des plus agréables, toute décorée dans les tons de vert, rappellant un sous bois, des diffuseurs d'huile essentielles amenaient même les odeurs de mousse, de terre, j'étais aux anges.

Nous n'étions que dix personnes, que des filles. Hélène nous fit prendre un tapis de sol et commença le cours. C'était plus difficile qu'il n'y paraissait mais je suivais la cadence. La prof me félicita à la fin du cours et me proposa de prendre un verre avec elle dans le bar à côté. J'hésitais, sachant que plus je rentrerais tard, plus j'aurais de problèmes mais acceptais quand même.

Hélène était vraiment une personne agréable, je comprenais tellement qu'Arnaud m'ai laissé derrière lui pour rencontrer des personnes comme elle. Elle était douce, drôle, intelligente, cultivée. Elle avait beaucoup voyagé et était en train de me raconter son dernier voyage en Inde quand mon téléphone arrêta enfin de vibrer dans mon sac. Je serrais les dents depuis la sortie du cours, il m'avait appelé sans cesse mais je n'avais pas regardé mon téléphone une seule fois.

Occupée à regarder une des photographies qu'elle me montrait sur son téléphone, je ne le vis pas toute de suite, c'est son odeur qui me parvint en premier.

Il m'avait certainement géolocalisé grâce à mon téléphone ... Hélène me sentit me raidir et leva les yeux vers mon compagnon en souriant. Sourire qui s'effaça au fur et à mesure qu'elle interprétait le regard d'Adam.

— Tu ne réponds pas au téléphone.

Une phrase simple, sans intonation particulière pour qui ne connaissait pas Adam. Une phrase qui voulait dire "tu vas me le payer" pour moi qui le connaissais bien. J'expliquais ne pas avoir regardé mon téléphone devant la passionnante conversation qu'Hélène et moi avions eu mais son regard m'indiquait qu'il ne m'écoutait pas. Il voulait se venger, maintenant.

Quand il serra mon bras si fort que ses jointures blanchirent, Hélène fronça les sourcils je me levais avant qu'elle n'ouvre la bouche, la remerciais en regardant ma montre et m'étonnant que le temps soit passé si vite.

Je la remerciais et suivait Adam à l'extérieur du bar. je n'avais même pas donné mon numéro à Hélène, j'espérais qu'elle aurait oublié cette histoire lors de notre prochaine rencontre.

Je manquais le prochain cours ainsi que les suivants, incapable de faire les acrobaties attendues tant mon corps me faisait souffrir. Il avait été tellement vexé, il avait tellement eu peur que je vois un autre, que je parte qu'il ne s'était pas retenu. Je n'avais pas pu manger pendant deux jours, ma bouche ayant été ouverte lors d'une chute. Mon poignet droit était fissuré, une attelle suffisait. Le médecin des urgences avait cru à la chute dans l'escalier. Adam changeait d'hôpital à chaque fois qu'il était obligé de m'y amener pour ne pas éveiller les soupçons.

Mon flan droit était jaune après deux semaines d'hématomes. La semaines prochaine, j'espérais pouvoir y aller, ça ferait un mois et demi.

Comme à chaque fois, il avait été très gentil les semaines suivantes, m'autorisant "bien entendu" à me rendre à mon cours de Yoga mais m'avait acheté un jogging faisant deux fois ma taille pour m'y rendre.

Je lâchais l'affaire et mettais son jogging, l'important était que je puisse y aller.

Le regard étonné et joyeux d'Hélène me fit un bien fou. Mon corps étant encore sensible, le cours fût un peu plus pénible que la première fois mais je me forçais à faire tous les mouvements quand même.

Quand vînt la fin du cours, Hélène m'approcha avec ce regard que je ne supportais plus de voir chez ceux qui savent. Je plaquais alors mon plus faux sourire sur mes lèvres et la devançais:

— Ouah, ça fait tellement de bien après tous ces examens. Tes cours sont super! Merci

Et je vis qu'elle renonçait à m'en parler. Elle ne me proposa pas d'aller boire un verre. Elle ne me le proposa plus jamais au cours des mois qui suivirent. Je n'étais pas assidue, je ne venais pas quand des bleus étaient visibles sur mes bras ou mon cou, aussi notre amitié s'arrêta à ce qu'elle était.

Lucia partageait mes cours de prépa, elle m'avait déjà vue avec des bleus, elle m'avait déjà vu boiter. Je lui avais dit que je prenais des cours particuliers de boxe.... Encore des mensonges.

Plus qu'un an, si je réussissais le concours d'entrée à l'ENM, j'accèderais à une formation de 31 mois rémunérée qui me permettrais de me payer un petit studio. Et si tout se passait comme je l'espérais deux ans et demi plus tard j'exercerais le métier que je rêvais d'exercer.

Nous étions en décembre, il me restait huit mois pour me préparer, huit mois pour réussir, huit mois à supporter. Deux choses me faisaient peur : la première, qu'il refuse de me laisser partir ou de me laisser en paix une foi partie, la deuxième, qu'il me tue avant.

Par moment, je me trouvais tellement idiote de rester comme si je cherchais le danger, comme si je n'avais pas le choix et puis je finissais toujours par me dire que non, je n'avais pas le choix. Mais j'avais un plan .

Les mois passèrent et l'été arriva. Il n'y avait pas de cours en juillet et aout, mais j'avais préparé mes révisions. Selon le travail qu'avait Adam, il nous arrivait de partir en vacances dans la maison secondaire de son père sur la côte espagnole.

Cet été là, il avait beaucoup de contrats à négocier, alors il proposa à certains de ses clients de partir en vacances avec nous, prétextant que ça renforcerait les liens et permettrait de lier l'utile à l'agréable.

Adam avait embauché des employés de maison pour tout l'été afin que ses clients soient traités comme des rois. Je n'étais pas ravie de partager mon quotidien avec des inconnus devant lesquels je devrais paraître heureuse. Je redoutais encore plus ces vacances quand Adam m'appris qu'Arnaud serait là avec Hélène.

Toujours deboutOù les histoires vivent. Découvrez maintenant