Chapitre 35 : Boucle Infernale

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4 avril 1944, dans la nuit

Point de vue Konrad :

"Je me réveille allongé par terre, au milieu de la place où a été exécuté Joseph. Je me lève en titubant ayant une vive douleur au crâne. Je porte une main à ma tête et me rends compte que je saigne abondamment. Pourquoi m'a-t-on amené ici ? Vais-je mourir ?

J'aperçois alors une silhouette qui m'est familière installée à une table en train de lire le journal en buvant un café. Mon regard s'arrête sur la une du journal où le titre et plusieurs mots sont écrits en rouge vif : c'est le mot meurtrier. Je me mets à frissonner puis détourne le regard pour à nouveau le poser sur le monsieur. Petit à petit, il baisse son journal et j'arrive à discerner son visage. Non ce n'est pas possible...

Jean relève la tête et plonge son regard dans le mien. Je me pétrifie sur place, croyant voir un fantôme en face de moi. Pourtant il est bien réel je ne comprends pas ! Tandis que mes pensées tourbillonnent dans ma tête, Jean me fait signe de me retourner d'un air neutre. Je fais ce qu'il me dit et reste paralysé devant la vue qui s'offre à moi. L'allemand que j'ai tué de mes propres mains me regarde d'un air terrifié, reconnaissant son meurtrier.

-Bitte nein... Tötet mich nicht noch einmal, ich habe eine Familie und... (S'il vous plaît non... Ne me tuez pas encore une fois j'ai une famille et...)

Il se met à genoux et me supplie, des larmes coulant maintenant sur ses joues. Je hoche la tête négativement ne voulant pas le tuer mais un couteau apparaît dans ma main. Malgré moi, je me penche et lui plante le couteau en plein cœur. Il se met à cracher du sang, ses yeux vitreux plantés dans les miens, comme la première fois que je lui ai ôté la vie. Son corps tombe alors au sol, ses yeux encore ouvert fixant un point derrière moi, qui n'est rien d'autre que Jean. Je tombe à genoux devant ma victime et regarde mes mains ensanglantées. Mais qu'est ce que j'ai fait ? Je me mets à trembler violemment de la tête au pied et sens que l'air me manque.

J'entends alors des pas qui s'approchent. Jean se penche vers moi et me glisse à l'oreille :

-Ne crois-tu pas que j'aurais mieux fait de te tuer avant que tu n'enlèves la vie de cet innocent ?

Alors que j'allais me planter le couteau dans le cœur, le sol se dérobe sous mes pieds et je me retrouve propulsé dans un tunnel rempli de miroir. Je me vois partout, ayant son sang sur mes mains avec son corps dénué de vie à mes côtés. J'essaie de fermer les yeux ne supportant plus de voir ce que j'ai fait mais je n'y arrive pas : j'ai l'impression que quelqu'un m'en empêche. Une voix aiguë résonne alors dans le tunnel :

-Vas-tu sans cesse remuer le passé Konrad ? Ta culpabilité te ronge et je ne crains que tu es dépassé le point de non retour... Laisse-moi te montrer encore une fois ce que tu as fait, tu vas voir, tu vas adorer cette boucle infernale...

...

...

Alors que je suis coincé dans ce tunnel attendant le prochain tour, des fantômes de cet allemand victime de mon couteau tournent autour de moi en rigolant. Certains se mettent même à me passer à travers me provoquant une douleur effroyable. Dans cette obscurité terrifiante, je finis par m'effondrer en hurlant, n'en pouvant plus. "

Je me réveille en sursaut, haletant. Je passe une main dans mes cheveux tout en essayant de reprendre mon souffle. Je tourne la tête à ma droite et vois Nelly qui dort paisiblement à mes côtés. C'est une chance que je ne l'ai pas réveillé à cause de mon fichu cauchemar... Je replace une de ses mèches tombant sur son visage derrière son oreille puis sors délicatement du lit. Je vais m'asseoir sur le fauteuil près de la fenêtre et regarde à travers celle-ci.

La Cour des Miracles est plongée dans l'obscurité, la lune étant la seule source de lumière rassurante. Je remarque alors que quelqu'un est assis sur le rebord de la fontaine : c'est Philippe. Qu'est ce qu'il fait dehors à une heure pareille ? Je lui en toucherai deux mots j'espère qu'il va bien...

Je me cale confortablement dans le fauteuil en fermant les yeux quelques instants. Ce cauchemar va me rendre fou... J'essaie de ne plus y penser et ouvre les yeux. Je saisis ma plaque militaire attachée autour de mon cou et la fait tournoyer dans ma main l'esprit pensif. Devrais-je la garder celle-là ? Oui elle fait partie de moi, il faut que je garde en tête qu'avant tout j'ai choisi d'être militaire pour servir mon pays, pas pour être commandé par un fou allié. Je souffle et la lâche avant de regarder par la fenêtre. Tiens, Philippe n'est plus là...

J'entends alors des pas venir à moi. Je tourne la tête et vois Nelly à mes côtés en train de bailler. Elle décide de s'installer sur moi et cale sa tête contre mon épaule. Elle brise le silence d'une voix douce mais endormie :

-Qu'est ce que tu fais debout à cette heure-ci ? Tu n'arrives pas à dormir ?

-Cauchemar.

-Oh... Tu veux en parler ?

Elle se redresse légèrement et attend ma réponse, ses yeux étant plongés dans les miens. Voyant mon hésitation, elle pose sa main sur ma joue :

-Je pense que le garder pour toi est une mauvaise idée Konrad. En plus tu as l'air tourmenté depuis quelques temps tu devrais peut-être te confier. Tu sais, cela te ferait peut-être du bien ?

-Tu as raison...

Je soupire puis me lance sous son regard bienveillant.

-Depuis que j'ai tué cet homme, je fais le même cauchemar. Je me vois en train de le tuer encore et encore, piégé dans une boucle infernale qui me rend fou. Seulement cette fois-ci, Jean était là...

-C'est à dire ?

-Il observait la scène sans rien dire, se contentant d'être un spectateur. Mais à la fin, il est venu et m'a demandé s'il n'aurait pas mieux fait de me tuer avant que je ne tue l'allemand...

-Oh Konrad... Ne laisse pas ta culpabilité te ronger de l'intérieur, pense à ce que je t'ai dit l'autre fois.

-Mais je ne fais que ça ! Et conclusion j'en suis toujours au même point... Je ne sais pas comment me sortir de là...

-J'aimerais tellement pouvoir t'aider Konrad mais je n'ai pas les réponses à tout. Si mes paroles n'ont pas pu t'aider alors je ne te suis d'aucune utilité...

Je la coupe dans ses propos.

-C'est faux ! Rien que ta présence m'apporte beaucoup tu peux me croire. Je t'aime tellement Nelly...

-Oh je t'aime aussi !

Je me penche et décide de sceller nos lèvres, ne cessant de penser qu'elle est le rayon de soleil qui réchauffe mon cœur et donne un sens à ma vie si terne et remplie de souffrance.

L'ennemiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant