8 mars 1944, au cœur de Paris
Point de vue Nelly :
Après avoir fait les présentations, Folker nous incite à entrer dans un bâtiment assez ancien à la façade grisâtre ayant l'air abandonné. Dès que je passe le seuil de la porte, une odeur de renfermé se fait sentir. Je regarde autour de moi et constate que le couloir est assez délabré. Alors que nous faisons quelques pas, le plancher se met à grincer. Cet endroit sinistre est effrayant, si bien que mon rythme cardiaque s'accélère. Ne me sentant pas rassurée du tout, je me rapproche de Konrad et prends sa main en cherchant les moindres choses suspectes à mes yeux. Il exerce une pression sur ma main de son pouce afin de m'apaiser.
Folker nous guide à travers la maison jusqu'au grand salon, servant aussi de salle à manger. Lorsque j'entre dans celui-ci, une chose me frappe immédiatement. Cette pièce est assez chaleureuse et lumineuse, ce qui crée un contraste avec le reste de la maison, étant sombre et vétuste. Je me détends et prends place sur le petit canapé, imitée par Konrad et Philippe. Folker va quant à lui se poster près de la cheminée afin d'attiser le feu. Konrad lance la conversation :
-Dis-moi Folker, comment t'es-tu retrouvé là ?
Le concerné vient s'asseoir sur le fauteuil en face de nous.
-Après avoir été légèrement blessé le jour où nous nous sommes perdus de vue, j'ai erré longtemps sans savoir où j'allais. Jusqu'au jour où un vieillard m'a trouvé et a décidé de m'aider. Nous avons longuement parlé tout les deux et j'ai appris que beaucoup de camps de résistants s'étaient formés en France, surtout à Paris : j'ai donc décidé d'intégrer la résistance. Même si j'étais un allemand, ils m'ont accepté et je me suis plutôt bien intégré ce qui est positif. Enfin, c'est surtout quand j'ai sauvé la vie de la fille du chef des griffes d'un allemand qu'ils se sont vraiment mis à m'accepter mais bon je les comprends, après tout je faisais parti du camp adverse... En voyant tout ces gens démunis j'ai eu envie de changer les choses. J'ai enfin trouvé une nouvelle raison de me battre Konrad, je me bats pour la liberté et pour la paix. Et j'ai l'impression que c'est de cette manière que l'on peut y arriver.
Konrad hoche la tête, compréhensif. Je me racle la gorge et parle à mon tour :
-Mais... Où sommes-nous exactement ? Qu'est ce que la cour des Miracles ?
-Très bonne question Nelly. La cour des Miracles est à l'origine un endroit recueillant les sans-abris et les immigrés. Nous avons donc baptisé cette place comme cela puisque qu'elle nous abrite nous, les résistants, ainsi que ceux qui ont tout perdu à cause de la guerre dont moi. Et puis, beaucoup de personnes n'en peuvent plus et attendent un miracle. Ce miracle, c'est nous. Ce lieu est notre repère, et dieu sait que les soldats allemands ne vont pas s'aventurer par ici.
Philippe fronce les sourcils à cette phrase.
-Comment ça ? Les boches peuvent très bien venir ici, nous ne sommes à l'abri nulle part !
-Je comprends tes craintes Philippe mais crois moi, ils ne viendront pas. Du moins, ils ne sont pas assez fous.
Folker prend une carte à côté de lui et l'ouvre sur la table afin de nous la montrer. Il désigne une petite place :
-Nous sommes ici. Comme vous pouvez le voir, la cour des Miracles est entourée de petites ruelles comme celle que nous avons traversée : c'est à dire nauséabondes et qui vous glace le sang ! Les quartiers alentours ont étés complètement abandonné ce qui n'attire pas vraiment l'attention sur nous donc ils ne veulent pas perdre leurs temps. De plus, il existe de nombreuses cachettes et moyens de s'enfuir. Et puis, s'il le faut, nous prendrons les armes, nous n'avons pas peur de nous battre pour une cause juste qui nous tient à cœur ! En conclusion, ne vous inquiétez pas. Nous saurons gérer la situation, nous nous y sommes préparés.
Philippe hoche la tête, peu convaincu. Regardant les flammes dans la cheminée, un élément me revient en mémoire. Les personnes ici présentes n'avaient pas l'air d'apprécier notre venue vu leurs comportements, je devrai peut être en toucher deux mots à Folker.
-Beaucoup n'avaient pas l'air content de notre venue tout à l'heure, je me trompe ?
-Non c'est vrai. Mais tu sais, ici, tout le monde se méfie des étrangers et nouveaux venus. C'est comme ça depuis qu'un homme infâme avait infiltré le camp et assassiné sauvagement un gamin, sa mère et le chef. D'ailleurs, avant de mourir, il m'a fait promettre de veiller sur sa fille Madeleine, et sur le camp. Depuis, ils me considèrent tous comme le nouveau chef, ce qui ne me déplaît pas.
-Mais pourquoi a-t-il fait ça ?
-L'homme qui les a tués ? Ne me le demande pas, je n'en ai aucune idée.
-Et qu'est-il devenu ?
-Exécuté. Il a eu ce qu'il méritait.
Je déglutis et détourne le regard vers Konrad et Philippe, aussi silencieux qu'une carpe. Le silence s'abat brutalement sur la pièce, laissant le malaise s'installer. Soudain, une femme ouvre la porte et vient s'asseoir à côté de Folker, sur l'accoudoir du fauteuil. Je la reconnais, c'est elle qui aiguisait un couteau en me regardant. Son regard se pose sur moi et me paralyse tant il est froid et obscure. Folker la désigne de la main :
-Je vous présente Madeleine, vous savez je vous en ai parlé. Mais tout le monde l'appelle Maddie ici.
Les garçons et moi la saluons. Madeleine ne me lâche pas du regard, ne m'offrant pas un seul instant de répit. Konrad, ayant sûrement remarqué mon trouble, s'adresse à la concernée :
-Dites Madeleine, pourquoi fixez-vous Nelly de la sorte ?
Elle détache son regard du mien pour regarder Konrad.
-Peut-être parce qu'elle ne m'inspire pas du tout confiance.
-Vous ne la connaissez pas !
-Je sais, mais mon instinct se trompe rarement.
Elle se met à me regarder de manière hautaine. Mon corps se tend en entendant ses propos absurdes, et cela commence à m'énerver. Je gratifie toutefois Konrad d'un sourire pour le remercier d'avoir pris ma défense et fait un signe de tête pour lui annoncer que je prends le relais. Je me retourne donc vers Madeleine un sourire en coin :
-Et pouvez-vous prouver vos propos madame ? Je crains que non. Vos propos sont donc infondés et pour le coup inutiles et sans intérêt.
Elle paraît surprise un instant mais reprend le contrôle prête à contre attaquer jusqu'à ce que Folker se lève.
-Ça suffit Madeleine. Nelly est une amie de Konrad et les amis de mes amis sont mes amis donc elle et Philippe ont toute ma confiance point final.
-Mais...
-Non. Venez vous trois, je vais vous donner de quoi vous changer.
Mes camarades et moi nous levons et commençons à suivre Folker, impatients de pouvoir se changer après des jours et des jours dans les mêmes habits. Alors que je passe la porte du salon, je sens dans mon dos les yeux assassins de Madeleine, me prenant pour cible, prête à m'abattre s'il le faut.
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L'ennemi
Historical FictionFévrier 1944. La France est sous l'occupation allemande, affaiblie par une guerre interminable et sans pitié. Nelly est une jeune femme qui a vu son monde s'écrouler depuis qu'une troupe allemande a mis à feu et à sang son village et exécuté toute...