WHISPERS T3 The Whisper of my past [Terminée]

6 | Nokomis

Achilles parlait, mais déjà, je ne l'entendais presque plus. Mes paupières papillonnèrent un instant et la fatigue s'abattit sur moi soudainement.

Un instant, je m'accrochai à la réalité, incapable de lâcher prise et de m'endormir.

Et l'autre, je me laissai aller, parce que je n'arrivais plus à lutter. La peur se fraya un passage, insidieuse et mauvaise. Rappel constant de ma condition.

Réveillée, mais tétanisée.

Je craignais ce moment où je fermerai les yeux. Pour toujours ? Pour replonger dans la magie et oublier. Encore.

Pour être oubliée. Encore.

Je vivais avec cette crainte. Avec cette réalité. Et je ne pouvais pas m'en dépouiller. Ce n'était pas comme retirer un vêtement. Ce n'était pas comme se délester d'un poids.

Il fallait vivre avec. Composer avec. Et espérer que le moment passe.

Espérer que les doutes s'envolent et que je puisse fermer les yeux simplement pour m'endormir et me réveiller le lendemain.

Mon corps se détendit.

Et j'entendis un brouhaha de voix dans ma tête. D'abord d'une façon étrange. Comme un murmure trop lointain pour être entendu. Et puis tout se précisa.

Des contours et des formes. Des silhouettes. Des verres contre des tables. Un air de musique. Le rire d'une femme.

Rêvais-je ? Dormais-je suffisamment profondément pour cela ? Pour sentir l'odeur de la viande et les fragrances d'un parfum agréable ?

Une porte qui s'ouvrait. Des bottes contre le sol.

— On consomme pas gratis ici ! lança quelqu'un.

— Va parler à quelqu'un que ça intéresse, tête de fleur.

— Tu fais putain de chier !

Des grognements. L'air frais qui provenait de la porte qui se fermait à peine.

Quelqu'un parla encore, mais de nouveau, la scène – que je ne voyais pas – s'éloignait.

Un écho lointain.

— Tu attends quelqu'un ?

— Mon bout de chair préféré. Une mission quelque part dans le coin.

— Des Chasseurs qui en ont peut-être déjà marre de vos têtes, va savoir.

— Quand je te demanderais ton avis, je t'écouterais parler. D'accord ?

— C'est toi qui me racontes ta vie.

Un souffle. Et soudain, je me retrouvai au centre d'un bar, assez rustique. Des chaises et des tables. Des gens qui mangeaient, d'autres qui regardaient l'écran derrière le bar, une boisson devant eux. Et là, dans un coin, un homme vêtu de noir, avec un croc qui pendouillait à son oreille.

Un... croc de... lycan ?

Ses pieds sur la table, il semblait patienter, l'expression revêche, désagréable. Le genre de personne qui manquait de patiente.

Je l'observai, sans rien craindre, parce qu'ici, dans ce rêve étrange, croiser son regard ne lui coûterait rien. Alors je regardai ses traits, son faciès, la beauté de ses yeux et la dureté de son regard. Pour revenir sur ce croc.

Des cheveux d'ébène et une tenue de combattant. Je pouvais apercevoir des lames, des armes. Et sous la table, une sorte de brume qui bougeait.

Des ombres qui... se mouvaient ? C'était incroyable. Et dès lors, je ne pus détourner mon regard. Parce que c'était beau.