10.1 | Nokomis

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Règne d'Aran Val'endyr,

Durant la Grande Purge

— Je te forcerai à te tenir à ses côtés sans jamais pouvoir la toucher. Tu comprends cela, lycan ? Je te forcerai à la regarder souffrir, à la voir s'étioler si tu ne fais pas exactement ce que je te dis. Elle est princesse et tu n'es rien. Jamais je ne te laisserais ma fille, mon précieux enfant. Si tu veux son bonheur, si tu veux qu'elle vive une longue et heureuse vie, ne pense même pas à bouger. Suis-je clair ?

Père sourit et posa sa main sur mon épaule. Il tourna le dos à Arzhel, qui ne bougeait plus, pendant qu'à l'extérieur, qu'à l'extérieur...

Des hurlements.

Des cris inhumains.

Des cris que jamais, jamais je ne pourrai oublier.

Il y avait eu Sakari d'abord et maintenant elles.

Toutes les autres, toutes des femmes, des filles et des enfants.

Brûlées vives.

Et je n'entendais plus que ça. Et je ne voyais plus que la folie dans les yeux de mon père.

— Papa, soufflai-je.

Je ne le reconnaissais pas. Depuis le trépas de Kyrianna, depuis le départ d'Aslander... il était devenu autre.

Un monstre.

Il avait abandonné sa couronne pour la vengeance et la peine. Et il détruisait tout.

Tout.

Je connaissais toutes ces femmes.

Je connaissais chacune d'entre elles et... Rivqa.

Rivqa.

— S'il te plaît, l'implorai-je, accrochée à sa chemise. Je t'en supplie.

Le regard qu'il me décocha m'effraya. Je reculai et l'arrière de mes genoux cogna contre l'assise derrière moi.

Je suffoquai.

Les hurlements. La terreur.

L'odeur du feu. L'odeur de la chair carbonisée.

Ani. Ani. Oh, grand-frère...

Que quelqu'un... que quelqu'un fasse quelque chose. Pitié.

Pitié.

PITIÉ !

Aran hurla. Lothar était au sol et là, soudain, soudain, les hurlements de Rivqa.

Jamais, jamais je ne pourrais oublier. Jamais je ne pourrais effacer ce moment de mon esprit.

Les flammes léchaient le ciel et étouffaient les cris un à un. Pour qu'il n'en reste plus qu'un écho.

Lothar pleurait. Il pleurait et je ne bougeai pas.

Arzhel, debout à côté de moi, agrippait mon épaule.

Pour ne pas tomber ? Pour ne pas chanceler ?

Yeux grands ouverts, je regardai le vide, sans avoir conscience de ce qui se passait autour de moi.

De Lothar qui tua Hashkee, qui hurla contre père.

Cette colère.

Cette souffrance.

Qui stagnait dans l'air, qui brûlait mes paupières.

Personne ne viendrait.

Et encore moins Aslander.

Toutes les Earhjas condamnées à brûler.

Rivqa d'abord, puis Tamsyn.

Tam... syn ?

Les larmes dévalaient mes joues. Un hurlement d'agonie enflait dans ma gorge et j'ignorai quelle Divinité prier.

Karora ?

Père frappa Lothar. Il le frappa, encore, encore, encore.

Et encore.

Jusqu'à ce que son sang glisse entre les pierres et que son visage enfle jusqu'à devenir méconnaissable.

Cette fois, quand je tentai de me relever, Arzhel ne me retint pas. Je m'avançai, chancelante. Je voulais voir.

J'avais besoin... besoin de...

Les bûchers.

Les corps calcinés. Les femmes qui attachaient et qu'on enflammait.

Toutes.

Toutes, jusqu'à la dernière.

Le feu. Les flammes.

Les cris.

Un son

Gravé

En nous

Pour toujours.

Je me figeai. Incapable de détourner le regard. Incapable de bouger.

Je hurlai.

Je hurlai pour ces femmes, ces amies.

Ces enfants et ces filles.

Je hurlai sans plus pouvoir m'arrêter, mes ongles griffant mes joues.

L'horreur à jamais graver sur ma rétine.

Les hurlements à jamais inscrits dans mon cœur.

Rivqa.

Et toutes les autres.

Il ne restait plus rien. Ni personne. Juste la folie.

D'un Empereur devenu monstre.

D'un père devenu bourreau.

— Noko. Noko.

Je pleurai alors que les bras d'Arzhel m'entouraient.

Et lui aussi pleurait.

Nous avions tout perdu.

Absolument tout. 

WHISPERS T3 The Whisper of my past [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant