5 | Nokomis

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Deity,

Règne de l'Empereur Aran Val'endyr.

Je m'installai sur les marches de la grande cour où les Gardes et Soldats de Père s'entraînaient dès qu'ils le pouvaient. Souvent les mêmes.

J'aimais bien les regarder placer leurs jambes, effectuer des mouvements précis et qui faisaient mouche à chaque fois. Je pouvais rester des heures ici, avec Evy à mes côtés, sous sa forme de lycan. Elle se montrait tout aussi patiente que moi, sa queue qui battait le sol de pierre, ses pupilles fixées sur ce qui se déroulait sous nos yeux. Je la savais combattante redoutable elle aussi. Différente des autres, à cause de sa nature. Plus d'humaine, juste un animal aux commandes. Ce qui faisait chuchoter sur notre passage, parce que c'était mal vu. Parce qu'habituellement, on tuait pareille infamie.

J'avais mes préférences concernant certains Soldats. Il y en avait des gentils, quand d'autres semblaient touchés par le poison de l'Impératrice. Alors je ne disais rien.

Je me contentais de rester assise là, jusqu'à ce qu'on m'appelle ou que je ne trouve plus d'intérêt à mon occupation du moment. Souvent, le temps défilait vite, jusqu'à ce que le soir arrive, sans que j'aie bougée.

Surtout lorsque Raad apparaissait, comme maintenant. Cet homme faisait partie d'un petit pourcentage au Deity qui n'était pas lycan. Mais personne ne savait ce qu'il était vraiment. Simplement, il ne portait pas d'animal en lui et c'était un guerrier puissant. Létal. Les Gardes et Soldats aimaient se mesurer à lui dès qu'ils le pouvaient, pour finir face contre terre à chaque fois.

Des mouvements trop rapides, même pour des yeux lycans. Encore plus pour moi, qui ne l'étais définitivement pas. Ma force se trouvait ailleurs d'après père. Dans mes yeux violets que personne d'autre au Deity n'arborait. J'étais la seule. Et à cause de ça, je subissais les algarades violentes et de plus en plus nombreuses de l'Impératrice. Ma simple vue lui était insupportable. Alors je restais loin d'elle. Le plus possible, pour ne pas jeter de l'huile sur sa colère, sur sa haine. Impossible par contre d'échapper aux repas en sa compagnie, même si père nous séparait lorsqu'elle daignait se montrer. Tout le monde savait que la santé de l'Impératrice déclinait, et ce, à toute vitesse. On parlait de folie. Personne ne le disait ouvertement, mais ça devenait vite un bruit de coursive. On chuchotait. Et lorsque ses cris s'élevaient dans tout le Deity, on faisait mine de ne rien entendre et lorsqu'elle réapparaissait quelques jours après, on détournait le regard. Moi plus que les autres. Sa colère pouvait me tomber dessus à tout moment. Sans que je m'y attende. Alors je faisais attention, je me méfiais de tout le monde, sauf d'Evy. On l'appelait mon chien de garde. Et c'est ce qu'elle était. Que je le veuille ou non, elle ne laissait personne s'approcher, quand bien même l'Empereur aurait pu la punir pour ça. Mais père semblait content de voir qu'elle se tenait à mes côtés à chaque instant, sans faiblir. Sans faillir surtout.

Raad envoya son adversaire au sol et renifla. Il se tourna vers moi.

Ses yeux étincelaient toujours d'une drôle de lueur. Ni animale ni humaine. Magique ? Son jumeau, qui ne lui ressemblait pas, était le seul Marcheur de Rêve de ce pays. On ne le voyait jamais et j'en venais à me demander où il se trouvait dans le Deity. Dans la bibliothèque, on trouvait peu de parchemins sur les Marcheurs, bien plus sur le Temps du Rêve, qui n'avait pourtant rien à voir. J'aurais aimé pouvoir discuter avec Ler de sa magie, de ce qu'il pouvait faire, ou non. Mais lorsque j'interrogeais père à ce sujet, il écourtait la discussion.

— Princesse.

La voix de Raad, rocailleuse, pouvait effrayer. Moi, j'aimais bien lorsqu'il me parlait. Evy se redressa et d'une démarche tranquille, se dirigea vers le guerrier pour quémander quelques caresses. Elle n'agissait de la sorte qu'avec une poignée de personne, dont Raad.

WHISPERS T3 The Whisper of my past [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant