8 | Nokomis

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Deity,

Règne de l'Empereur Aran Val'endyr.

— Je ne comprends pas ! Pour... pourquoi ?

J'agrippai la manche de la tunique de mon frère, incapable de le lâcher suite à ce qu'il venait de me dire. Ce qui serait annoncé juste après. Mon esprit partait dans tous les sens. La panique me tenaillait et m'empêchait de respirer.

Je paniquai.

Là, tout de suite.

Je ne voulais pas qu'il s'en aille. La simple idée qu'il me quitte me terrassait.

— C'est la décision de père, souffla Ani. Je n'y suis pour rien.

J'écarquillai les yeux.

— Personne ne vient avec toi ? Lothar ? Arzhel ?

Ani secoua la tête. Je ne comprenais pas la décision de père. Sa décision d'envoyer son héritier dans une autre nation, loin de ses yeux et de ses oreilles. Une affaire politique ? Un moyen de créer une alliance ? J'ignorai tout des Pendragon, une lignée lycan aussi puissante que la nôtre, mais ailleurs.

Ailleurs.

Loin. Au-delà de toute perception.

— Personne.

Aslander s'arrêta et baissa son regard sur moi. Je devais lui paraître bien chétive, moi qui étais sa sœur, mais qui ne portait aucune lycan en moi. Une erreur dans la belle et grande lignée Val'Endyr. Une ignominie d'après certains. D'après Kyrianna surtout. J'avais connu, vraiment connu, tardivement Ani. Il avait passé une partie de sa vie dans une tribu et ensuite au Fief du Krig Marcellus. Ses allées et venues au Deity restaient précieuses et c'était ainsi que nous avions pu apprendre à nous connaitre. Mais parfois, je me demandais si je ne m'étais pas plus attachée à lui que lui à moi.

— Combien de temps ? murmurai-je.

Un an ? Cinq ? Une décennie ?

Combien ?

— Je ne le sais pas, souffla Ani. Un moment.

Il eut un sourire tendre avant de caresser ma joue du dos de sa main. On ne se ressemblait pas vraiment lui et moi. Je voyais peu de Kyrianna en lui, même si je savais qu'il l'aimait. Malgré tout ce qu'elle me faisait, malgré qu'il essayât de m'aider, à sa manière.

— Laisse-moi venir avec toi. S'il te plaît. S'il te plaît.

— Tu sais que je ne peux pas.

— Tu n'en sais rien !

Voilà que je devenais hystérique. Je le lâchai et reculai de quelques pas, la tête basse. Il ne pouvait aller contre la décision de l'Empereur. Alors il allait partir.

Sans moi.

Sans personne.

Pour découvrir un autre montre.

Une autre nation.

Reviendrait-il seulement ?

— Ne pleure pas, dit-il.

Je secouai la tête et lorsqu'on vint nous chercher, j'essuyai mes joues. Je ne pouvais pas pleurer devant tout le monde. Ce n'était pas digne d'une princesse.

La salle du trône comptait beaucoup de lycans aujourd'hui. Je me plaçai debout, proche des trônes de père et Kyrianna. Cette dernière ne cachait pas sa colère, la rage qui l'habitait lorsqu'on avait dû lui annoncer que son fils chéri partait loin d'elle.

Arzhel et Lothar se retrouvèrent non loin de moi et je déglutis avec difficulté. Je ne voulais pas qu'Ani s'en aille. Mais quand bien même je priais très fort, rien ne changerait la décision de notre père. Il souhaitait voir son héritier partir, alors Ani le ferait. Sans hésitation, sans doute.

Et moi, j'attendrai son retour, sans espoir de savoir quand celui-ci adviendrait.

Dans longtemps ?

Je serrai les poings.

Lorsqu'Ani s'agenouilla devant l'Empereur, le silence se fit. Je regardai devant moi, droit devant. Sans ciller. Droite et forte.

Droite

Et

Forte.

— Mon fils va quitter notre pays pour découvrir une autre nation. Cela marque le début d'une nouvelle ère, entre Val'Endyr et Pendragon. Je suis fier que mon fils soit l'émissaire qui rencontrera le Roi Uther.

La voix d'Aran s'éleva et résonna. Quelques murmures accueillirent la nouvelle.

Droite et forte.

Droite et forte.

— Il partira dès le crépuscule pour un long voyage. Rends-moi fier, mon fils. On raconte que l'armée d'Uther Pendragon est le fondement de sa force et de sa supériorité qui n'a d'égale nulle part ailleurs. Nous avons beaucoup à apprendre de lui.

— Je ne vous décevrais pas, père.

Aran se leva et repoussa sa cape. Il s'avança jusqu'à son fils et ma gorge se serra. Je connaissais la différence entre Ani et moi aux yeux de père. Pour lui, j'étais le plus beau des ornements de notre royaume. Celui qui me posséderait devrait être puissant, avec une bonne position, sinon à quoi bon céder la princesse Val'Endyr ?

Ani lui... il deviendrait l'Empereur. Il serait le garant de toute notre lignée. Alors père le forgeait.

À créer des alliances.

À établir sa domination.

Parce qu'il visait loin, très loin dans le futur.

Père posa une main sur l'épaule d'Ani et ce dernier releva son visage.

— Lève-toi, mon garçon.

Ils se retrouvèrent face à face. Deux puissants lycans. Deux hommes de pouvoir.

— Je garderais notre nation en sécurité pendant ton absence, fils.

Il le relâcha et Ani s'avança vers Kyrianna, qui n'avait pas bougé de son assise. Il mit un genou à terre devant sa mère et attrapa sa main. L'amour dans les yeux de cette femme n'était pas feint lorsqu'elle regardait son enfant.

Elle l'aimait profondément.

Plus que de raison. J'ignorai comment elle ferait payer à Aran cette décision, mais elle le ferait, d'une manière ou d'une autre.

J'ignorai ce que lui chuchota Ani, mais lorsqu'il se redressa, il l'embrassa sur la joue avant de venir à moi.

Il ne dit rien, attrapa mes mains et m'observa.

Rien ne serait facile en son absence. Mais il reviendrait. Là était la promesse qui couvait dans ses yeux.

Il se détourna et je sentis les larmes sur mes joues.

Cette fois-ci, je ne cherchai pas à me cacher.

Je pleurai son départ.

Son absence.

Je le pleurai lui.

Jusqu'au moment où il reviendrait. 

WHISPERS T3 The Whisper of my past [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant