J'observai mon reflet dans le miroir. Mes yeux qui m'observaient sans me déshabiller, qui me jaugeaient sans me juger. La pâleur de mon teint, les os de mon visage et les cernes sous mes yeux, deux poches qui contenaient tous les secrets de mes cauchemars, tous les non-dits de mes soupirs. Mon nez droit, mes cheveux qui cascadaient dans mon dos et qui cachaient mes oreilles, comme pour m'empêcher d'entendre ou d'écouter. Mais je percevais ce son lointain, qui ne venait pas de mon environnement, mais de moi. Les réminiscences d'un souvenir, d'une prison.
Le bruit de l'eau. Le chant de l'océan. Qui venait par vague, dans un ressac apaisant, quoique paralysant. Alors j'écoutai et je m'observai, comme je l'aurais fait d'un ennemi, d'une ombre dangereuse. Je voyais une menace dans chaque ombre, dans chaque soupir. Les miens, ceux des autres.
Je ramenai mon épaisse chevelure sur mon épaule et m'imprégnai des sons autour de moi, mis en sourdine par ce qui se passait dans ma tête. Je reconnaissais cette sensation qui m'étreignait. Cet étrange sentiment. Un déjà-vu qui me collait à la peau, qui s'insinuait sous mon épiderme pour gorger mes veines.
Emprisonnée dans un monde de libertés. Après des siècles endormie, tout aurait dû être différent ; j'aurais dû me sentir différente, mais ce n'était pas le cas. Une autre prison, sous une autre forme. Cette impression fuligineuse d'étouffer, de ne reconnaître rien ni personne.
Et surtout pas ma Garde.
Surtout pas ma Garde.
Mais après tout, je savais que c'était normal. Parce que rien n'était resté figé après mon départ. Tout avait continué. De vivre, d'exister, de bouger. Et lorsque je regardais Achilles, Mera et les autres, je savais tout cela normal. Mais ça n'enlevait ni la douleur ni la sensation d'être de trop. Comme une étrangère, comme une pièce rapportée.
Comme si j'étais de trop.
Je déglutis, ma gorge si serrée, mon cœur entravé par ce tourbillon qui me cisaillait de l'intérieur.
En trop.
En trop.
En trop.
Lorsqu'on disparaissait pendant des siècles, à quoi bon revenir ?
Cette question me hantait, tout autant que la réponse, qui tournoyait, tournoyait, sans plus s'arrêter. Je la repoussai, mais elle revenait.
J'entendis le son des draps froissés. Une mélodie très douce, sensuelle presque. Des pas sur le sol et à travers le miroir, je vis Arzhel s'avancer vers moi, d'une démarche assurée, chaloupée à cause du sommeil.
Ses cheveux tombaient sur son torse ; une invitation à y passer les doigts, à tirer dessus pour un simple baiser. Pour quémander.
Il ne portait qu'un pantalon en lin qui tombait sur ses hanches et aurait glissé jusqu'à ses pieds s'il n'avait pas noué les ficelles. Je vis des marques, des traces, du passé, du présent, d'un futur qui avait été le sien sans être le mien.
Douloureux. Mon choix. Pas le sien, pas le leur. Le mien. Et il me faudrait une vie entière pour l'accepter et être pardonné.
Une existence.
Nos yeux s'accrochèrent, comme à chaque fois que nous nous trouvions au même endroit.
Qu'importait le temps.
Qu'importait l'endroit.
Qu'importait le reste du monde.
Comme deux pièces faites pour s'emboîter. Pour ne plus jamais se quitter.
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WHISPERS T3 The Whisper of my past [Terminée]
Werewolf- THE WHISPER OF MY PAST - Après des siècles d'oubli, les Seekers refont surface. Leur Prison réouverte, l'Empereur des lycans doit faire face à une crise encore jamais vu. Une nouvelle guerre se prépare et pour tenter de la stopper, c'est une cours...