Chapitre 1

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Le martèlement des sabots retentit le long de la route détrempée. Eau, gravillons et terre humide giclent de toutes parts alors que les chevaux, épuisés et apeurés, maintiennent l'allure imposée par leurs maîtres. Ces derniers seraient presque visibles, si leurs silhouettes n'étaient étouffées par les trombes d'eau.
La pluie est dense, trés dense. Par un tel déluge, personne n'est dehors. Le brouillard est si épais qu'il semble supplanter l'air, rideau opaque et froid que fendent les douze cavaliers drapés de pied en cap.

N'importe quelle personne censée serait partie s'abriter, et attendrait que le soleil revienne, mais pas eux. Ils ont rendez-vous chez l'individu qui leur a dérobé un trésor, il y a bien longtemps, et l'a gardé bien à l'abri, hors de vue de leur maître. Le temps, clément ou non, n'est qu'un détail à leurs yeux, et la route prendra bientôt fin.

Lindir, intendant de Fondcombe et bras droit du seigneur des lieux, s'empresse d'entrer dans le bureau de son maître, essoufflé et trempé.

- Seigneur Elrond ?
- Qu'y a-t-il Lindir ? Des nouvelles de mes fils ? Ou d'Estel et Legolas ?
- Non maître, mais un autre problème vient de nous parvenir.

Le Seigneur d'Imladris lève des yeux de son parchemin. Il soupire longuement en traduisant mentalement le sens des mots de l'elfe inquiet en face de lui. Lentement, il se lève, se tourne vers une fenêtre et soupire longuement à nouveau.

- Legolas a finalement prévenu son père.
- Que devons-nous faire ?
- Les accueillir. Le Seigneur Thranduil et les siens ne sont pas nos ennemis. Et je ne vais pas tourner le dos à un vieil ami.
- Et... Que comptez-vous lui dire ?

Il soupire encore et ferme les yeux, comme si les mots qu'il s'apprête à prononcer étaient les plus difficiles qui soient.

- La vérité.

Le semi-elfe sort de son étude, passant une cape protectrice dessus ses vêtements d'intérieur. Habitué à l'humeur contenue de son maître, Lindir lui emboîte le pas et attends sagement le reste de sa phrase. Les deux elfes évoluent sous les arcades menant à la cour.

- Je n'ai pas d'autre choix. Mentir malgré la situation serait la pire chose à faire.
- J'en conviens.

Elrond se stoppe net. La réponse provient d'en face. Il distingue sans peine, s'en venant vers lui à vive allure, la haute silhouette et la couronne de bois de son homologue de Mirkwood. Le Seigneur Thranduil est là.

Trempé jusqu'aux os, ses cheveux emmêlés ruisselants d'eau tombent sans grâce aucune sur sa tenue de voyage aussi humide que l'herbe dehors. Mais rien de cela ne semble freiner ses pas et son regard furieux, braqué sur le seigneur des lieux. Elrond essuie péniblement la colère du haut-elfe, lassé de voir les personnes les plus extravagantes de la Terre du Milieu s'introduire chez lui.

Lindir, pour sa part, préfère se reculer, ne voulant surtout pas s'interposer entre les deux Seigneurs. Fingolfin, le bras droit de Thranduil, entre à son tour et s'incline respectueusement face au semi-elfe exaspéré. Sa politesse glisse cependant sur le mur qui semble isoler les deux souverains de tout autre interlocuteur. Il est temps qu'Elrond brise ce silence. Il s'avance de quelques pas seulement, le cœur assez lourd et le regard désolé.

- Seigneur Thranduil, soyez le bienvenu à Fondcombe.
- Moi et mes gens, nous vous en remercions.

Autant commencer par les formalités, la politesse est toujours bien accueillie.

- Il aurait été bien triste qu'en plus de me mentir pendant toutes ces années, vous me rejetiez sous la pluie.
- Seigneur Thranduil, j'ignore ce que votre fils vous a raconté, mais sachez que si je vous ai caché la vérité c'est pour une bonne raison.
- Vraiment ? Et quand comptiez-vous m'annoncer que Laurelin est en vie et sous votre tutelle depuis trente-sept ans maintenant ? Questionne le blond, contenant tout juste sa voix.
- ...

Laurelin IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant