Chapitre 10

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L'adage veut que la nuit porte conseil. Qu'à cette heure où l'âme frôle les astres les plus lointains et que le corps entre dans un état second, le repos et les rêves teintent l'esprit d'un calme absolu. Mais certains n'ont le droit qu'aux cauchemars, sombres et angoissants.

Des amas de nuages aussi noirs qu'épais couvrent le ciel. Ils sont rougis par les flammes du volcan qui les crache comme pour montrer sa colère. À son pied, une terre noire, dévastée et stérile se gorge du sang d'innombrables cadavres, elfes et orques, hommes et nains. La terre de Mordor.

Sortant en boitant du mont volcanique, une elleth découvre avec horreur les conséquences de cette guerre. Le panorama s'offrant à elle est le résultat de sept longues années de souffrance et de résistance à l'ennemi.

Et pour quel résultat ?

Elle marche lentement parmi eux et découvre des visages horrifié, pleurant ou suppliant, les expressions qu'ils avaient tous avant de mourir.

Combien de chants glorifient ces combats absurdes, plus proches du massacre, et perpétrés par des soldats pleurants et geignants ?
Peuvent-ils réellement parler de victoire ?

Le Seigneur de la Terre Noire est tombé, et ses gens sont morts avec lui.

Son pied percute l'une des armures sur un des soldats elfes à terre. Le son du tintement métallique retentit comme un écho dans ce silence de mort. Elle baisse les yeux alors que le vent chaud fait voler ses cheveux roux flamboyants. Elle reconnaît les armoiries sur le plastron de cette armure.

- Ma Dame !

Elle se retourne subitement, connaissant cette voix.

L'un des siens aurait-il survécu ?

En effet, un elfe accourt vers elle. L'armure qu'il porte est plus qu'incomplète. Sa tresse blonde est décoiffée et son visage est sali par la cendre. Les sillons sur ses joues laissent comprendre que des larmes ont coulé. Il arrive essoufflé près d'elle.

- Ma Dame ! Enfin, je trouve quelqu'un... D'en vie je veux dire. Dit-il, essoufflé.

- J'en venais à croire que j'étais la dernière des nôtres.

Elle essuie d'un revers de main ses larmes naissantes, nettoyant un peu la crasse et le sang sec sur son visage. Cette bataille a fait des ravages et elle-même n'est pas dans le meilleur des états, elle le réalise maintenant. Hémoglobine, sueur, crasse et cendres alourdissent son armure dépareillée, et sa démarche trahit une jambe abîmée durant les affrontements.

Une grande ombre passe soudainement au-dessus d'eux et soulève un vent violent duquel retentit un cri. Le son strident leur perce les tympans. Ils bouchent leurs oreilles et tombent à genoux, comme si un couteau perçait leurs tympans. Dans un effort, la femme elfe relève la tête et constate avec désespoir qu'il s'agit des messagers nocturnes, la monture de ces spectres... Le Seigneur et mort, mais eux sont toujours là. À croire que cette bataille fût vaine. Enragé, désespéré et épuisé, elle saisit de la terre noire et l'envoie au loin.

- Quand est-ce que ça va se finir ? Hurle son ami avec douleur. Seront-nous jamais libres... ?

La réalité de comprendre que rien ne va changer, même après ce massacre, est la pire blessure que sept ans de guerre leurs aient infligé. Ce n'est plus vivable.

En tombant à genoux, la femme elfe rousse est tombée nez-à-nez avec le corps du soldat dont elle reconnaissait les armoiries. Elle connaît ce visage, elle sait de qui il s'agit, et la peur comme la colère transparaissent dans ses yeux. Un elfe de lumière blond, roi d'une région boisé, l'un des plus grands suzerains et combattants de cette ère. Un roi vient de tomber. Le volcan crache à nouveau de la lave dans un craquement démentiel pendant qu'elle hurle de son tout corps.

Laurelin IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant