Chapitre 14

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Braalaka patientait tranquillement, assise sur le grand bloc de pierre cubique servant de promontoire au phare du port. Elle s'était installée là en gravissant l'escalier taillé à même le corps de la structure et s'était adossée à la jonction de celle-ci et de la base de la tour. La brune tenait entre ses mains un carnet de cuir acajou aux reliures blanches qu'elle avait choisi à la papeterie. Les premières pages étaient occupées par la répartitions des papiers qu'elle avait déjà écrits depuis son arrivée et qu'elle avait collés. Il y avait aussi des notes sur les théories qu'elle avait imaginées et des bilans de ses tentatives d'obtention d'informations; ceux-ci étaient toujours aussi vides. Cette situation engluée l'accablait énormément et parfois il lui arrivait d'écrire quelques lignes sur ses ressentiments, un peu à la façon d'un journal intime ; cela ne chassait pas le désarroi, loin de là, mais lui permettait de faire face à son intériorité plutôt que de laisser le voile de l'inquiétude l'étouffer.

Pour l'heure, la jeune femme retranscrivait des tablatures avec minutie : en prenant le cahier dans le sens inverse de lecture, comme un manga, on découvrait les dernière pages habillées de nombreuses partitions. Elle s'était empressée de commencer une sorte de travail d'archivage des morceaux qu'elle avait appris et des riffs qu'elle inventait en s'entraînant, histoire de ne pas oublier son bagage musical.

Braalaka leva le nez de son travail quelques instants pour observer l'océan face à elle. Un navire se détachait de la ligne d'horizon et son pavillon jusqu'alors indiscernable présentait maintenant le jolly roger de l'équipage du Roux. Une certaine tension s'insinuait dans l'estomac de la brune à mesure que l'heure avançait et que le bateau s'approchait de l'île. Cela allait être la première fois depuis son arrivée qu'elle rencontrerait d'autres pirates que ceux de Barbe Blanche, de plus elle savait que la situation pourrait être épineuse entre eux. Une agitation particulière sur la grande place témoignait que son état d'appréhension était partagé par la plupart des gens. Le port accueillait une partie de l'équipage qui s'était réunie, des groupes occupaient la longueur des quais ou attendaient sur le MobyDick toujours amarré là. L'autre partie des effectifs avait été assignée à la surveillance des côtes par leurs commandants et effectuaient des rondes aux frontières de l'île. Il était peu probable que la Marine tente une hostilité contre deux Yonko mais la prudence était de mise étant donné qu'ils avaient sûrement trouvé leur localisation. Malgré l'agitation sur le port un espace restait délibérément vide : on pouvait tracer une droite imaginaire dans le prolongement de la trajectoire du bateau de Shanks et l'endroit où Barbe Blanche était installé ; personne n'osait vraiment stationner là où les deux hommes allaient se tenir. L'aîné des Empereurs était assis à un bar de plage au fond de la place, ombragé par les premiers bâtiments des quartiers côtiers. Un coude nonchalamment appuyé sur le comptoir, une chope pendant au bout de ses doigts, il patientait seul avec ses pensées. Les commandants de flottes s'étaient regroupés à l'ombre du MobyDick et discutaient entre eux. Braalaka entendait leurs éclats de voix depuis son perchoir. La consigne était de laisser l'entrevue se dérouler entre les capitaines, il n'était pas question de les interrompre. La jeune femme aurait aimé être un peu plus près pour entendre la conversation mais le Yonko avait été formel, alors elle s'était contentée de se placer de manière à avoir une vue dégagée pour pouvoir suivre de loin. De temps à autre elle jetait des regards à l'océan, puis au grand homme qui sirotait stoïquement, aux fourmillements de l'équipage autour d'elle, aux nuages qui progressaient dans le ciel.

Le roulis de l'onde provoqué par l'ancre du bateau s'écrasa contre contre le ponton d'amarrage, une giclée d'écume s'étala sur les rondins. Le brouhaha laissa place à des chuchotements alors que les voiles du bateau du Roux se rétractaient doucement sur leurs mâts. C'est alors que Braalaka le vit : sa silhouette enveloppée d'une longue cape noire s'envola presque, comme retenue dans les airs, lorsqu'il sauta agilement sur le ponton. Elle retint son souffle en l'observant cheminer jusqu'à eux, les pans de sa tenue dansaient au rythme de ses pas assurés, il tenait de son bras valide une calebasse volumineuse.

Aux Grands Maux Les Grands Remèdes [Barbe Blanche x Oc]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant