Chapitre 1 : Vie tranquille

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La jeune femme se pencha par-dessus l'accoudoir du canapé et déposa un baiser chaste sur les lèvres de son mari. Elle lui promit de ne pas rentrer tard avant de partir en fermant la ceinture de son manteau prune. Une fois dans sa petite voiture, elle poussa un profond soupir, les mains agrippées au volant.

- Bonjour Madame Cartain ! Comment allez-vous ce matin ?

- Bien merci Louise, lança-t-elle à la secrétaire.

Elle posa son sac à main de marque à côté de sa chaise et alla saluer son patron.

- Oh ! J'aurais besoin que vous m'imprimiez ce dossier après l'avoir complété, s'il vous plait.

Elle attrapa la pochette cartonnée qu'il lui tendait et sortit en faisant la grimace. Elle allait en avoir pour toute la matinée. Elle tenta de déchiffrer l'écriture en pattes de mouches. En vain. La jeune femme se dirigea vers la petite cuisine et se servit une tasse de son thermos à chocolat chaud.

- Toujours pas de café ?

Elle se retourna vers Alexandre, un collègue ami.

- Non ... John s'en désole.

- Tu sais que le café au lait existe ?

- Je t'assure que sous toutes ses formes, je ne supporte pas ça. Je me contente de mon lait et de ma vitamine C.

Alexandre leva son gobelet vers elle en signe de rémission. Il la regarda de ses yeux bleus et murmura :

- Ça ne va toujours pas mieux.

Anaëlle se retourna vers le plan de travail contre lequel elle était appuyée. Elle bascula la tête vers le plafond pour empêcher ses larmes d'affluer. Son ami posa ses mains sur ses épaules. Elle pouvait imaginer sa mine dépitée. Il sortit de la pièce en lançant :

- Ne laisses pas tes démons te battre, Anaëlle.

En quittant son bureau aux alentours de 18 heures, la jeune femme s'arrêta à l'accueil. Elle récupéra les horaires de réunions du lendemain et informa la secrétaire que sa carte de parking était périmée.

Quand elle entra dans le vestibule, Rose sa nièce lui sauta au cou. Surprise, elle la souleva de terre et lui planta un baiser sur la joue. Au travers de la masse blonde frisée de Rose, elle aperçut sa sœur, assise sur le canapé.

- John nous a invitées à prendre le gouter ! Nous devons malheureusement partir.

La rouquine de 22 ans se leva et passa son pouce tendrement sur la joue de sa sœur ainée.

- Tout va bien ?

- Je suis fatiguée. Ne t'inquiète pas.

- Tu sais que si tu as besoin de parler... (elle lança un regard inquiet et plein de sous-entendus à John), je suis là.

Clara n'avait jamais apprécié John. Quand elle avait appris que sa sœur allait s'y marier, elle l'avait mise en garde et un froid s'était installé entre les deux sœurs.

Anaëlle posa sur elle un regard dur, qui disait «On en a déjà parlé, jeune fille !». Elle les salua et après avoir refermé la porte, se précipita aux toilettes. Un liquide venait de couler le long de sa jambe hors, ce n'était pas du tout sa période de règles. C'est avec horreur qu'elle trouva son morceau de papier toilette rouge de sang. La jeune femme resta un instant bouche bée puis une idée se fraya un chemin dans son esprit. Non, ce n'était pas possible, pas encore. Une fois dans le couloir, elle s'écroula et pleura à chaudes larmes.

- Chérie !? Mon dieu, Anaëlle, qu'est-ce qu'il se passe ?

Le mari de la jeune femme s'accroupit face à elle et l'attrapa par les épaules. Elle se blottit dans ses bras en s'agrippant à son cou comme à une bouée de sauvetage.

- Qu'est-ce qui t'arrive ? C'est le travail ? Tu t'es blessée ? Dis-moi !

En guise de réponse, un cri à faire froid dans le dos sortit de la gorge d'Anaëlle. John la souleva sous les aisselles et l'amena jusqu'au canapé. Là, il l'assit confortablement et lui ramena un verre d'eau. Il s'installa à ses côtés tandis qu'elle posait sa tête sur son épaule. Il traçait des cercles circulaires sur sa clavicule.

Une fois calmée, Anaëlle passa la main sur la mâchoire de son mari. Elle releva vers lui des yeux emplis de douleur, de tristesse et... de remords ?

- Quand Clara est partie, commença-t-elle d'une voix pleine de sanglots retenus, j'ai ... j'ai saigné. John, c'est encore une fausse couche.

De le dire à voix haute, lui fit redoubler ses pleurs. John la redressa et posa ses mains de part et d'autre de son visage.

- Une fausse couche ?

La surprise et la peur étaient peintes sur sa figure.

- Oui. J'ai perdu trois embryons.

- Comment ça ?! Pourquoi ne m'en as-tu jamais parlé ?

- Je ne voulais pas que tu t'énerves ou bien même que tu sois triste où je ne sais quoi ! s'il te plait, ne me crie pas dessus. Ce n'est pas ma faute.

Le jeune homme attrapa sa femme par la taille et la fit passer sur ses genoux. Il dégagea ses cheveux sur ses épaules. L'amour qu'il dégageait ne pouvait être plus fort, plus intense. Il posa ses lèvres sur celles d'Anaëlle. Le baiser devint enivrant, passionnant. Sa langue se fraya un chemin dans sa bouche. Il retourna la jeune femme de façon qu'il soit couché sur elle. Haletant, il chuchota :

- Pourquoi veux-tu que je m'énerve ?

- Je suis incapable de te donner un enfant ... Et je ne t'en ai pas parlé.

- S'il y a bien deux choses que les femmes sont incapables de supporter, c'est d'être mal coiffée et de ne pas pouvoir faire d'enfants. Je ne suis pas assez fou pour en plus te faire culpabiliser.

Un gloussement s'échappa de la gorge d'Anaëlle qui petit à petit fût gagnée par un éclat de rire. Le regard amusé de son mari ne faisait que l'encourager. Ce dernier plongea son visage dans son cou et y déposa une trainé de baisers. Il redescendit sur l'encolure de sa chemise puis sur les boutons.

- Je n'ai pas besoin d'un enfant, j'en ai déjà un, murmura-t-il d'une voix chaude et sensuelle.

La femme passa ses mains dans les cheveux de son mari et remonta sa tête à son niveau. Elle l'embrassa sur les pommettes, les joues, les paupières, le front, le nez, le coin des lèvres, le menton. En un élan de passion, elle se tracta contre lui et suivi la courbe de ses bras et de son bassin. Quand elle attrapa le bas du T-shirt de John, elle aperçut une lueur de tristesse dans son regard. Il a toujours voulu d'un enfant et voilà qu'il s'est condamné à vivre avec une femme infertile ! Les pensées noires de la jeune femme ne s'étaient pas taries, bien au contraire. Elle le lâcha, se dégagea de son étreinte et couru dans la salle de bain. Elle s'appuya sur le plan en céramique et se regarda dans le miroir. Ses yeux rouges et gonflés assemblés à ses cernes et ses cheveux mouillés de larmes faisaient d'elle un parfait mannequin pour Halloween. Dommage qu'elle soit en plein mois d'avril... Elle enleva rapidement ses vêtements et se glissa sous le jet d'eau froide. Elle prit son temps pour se masser le crâne et le corps, du mieux qu'elle pouvait. Ensuite, elle enroula ses cheveux dans une serviette éponge et enfila un peignoir. Voulant prendre soin d'elle, elle s'épila puis s'enduisit de crème hydratante. Elle enfila un pyjama à carreaux. Anaëlle Cartain, femme d'affaire renommée avait disparu le temps d'un soir.

C'est coiffée de cheveux mouillés et armée de chaussettes en pilou avec des oreilles de chat qu'elle entra dans le salon. John la dévisagea avant de basculer la tête en arrière pour rire aux éclats.

- Arrête de te moquer !

Entre deux gloussements, il essaya de s'expliquer :

- J'aimerais bien ... mais .... C'est tellement ... inhabituel ! Oh la vache, ria-t-il en se tenant les côtes, c'est trop ! Achevez-moi !

Anaëlle prit une mine boudeuse et s'installa aux fourneaux. Pendant qu'elle cuisinait, ses pensées divaguèrent vers son premier amour.

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