Chapitre 10 : Désespoir

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Le lundi matin, Anaëlle se dirigea d'un pas décidé vers la porte 35. Elle toqua deux coups secs. Karl lui ouvrit, la brosse à dents dans la bouche.

- Il est debout ?

- Bonjour. Oui, j'ai passé un bon week end tranquille dans cette chambre, peinard, marmonna le jeune homme apparemment dérangé.

- Oui, oui, bonjour Karl. Est-ce que Roby est là ?

- Non.

- Tu l'as vu ce week end ?

- Non.

- Comment ça ?

- T'es bouchée ou quoi ? lui demanda-t-il en reculant et en enlevant sa brosse de la bouche. Il est PAS là. Je te préviendrais s'il passe. Arrête d'être sur son dos. Maintenant, laisses moi me préparer. Salut.

Et il lui claqua la porte au nez.

Il doit avoir ses règles ...

La jeune fille, intriguée s'en alla vers sa salle de cours où elle s'installa, bien dix minutes avant la sonnerie. Elle ne comprenait plus. Roby n'était pas rentré chez lui depuis le samedi matin. Sa mère et Anaëlle avaient supposé qu'il était au lycée, tranquille et qu'il ne voulait pas les voir débarquer.

A l'heure du déjeuner, elle triturait le contenu de son assiette lorsque Jeny arriva par derrière.

- Alors ? Tu manges sans nous maintenant ? Non mais dites-donc !

- Je sais pas où est Roby.

La jeune blonde perdit instantanément son sourire et s'assit lentement sur une chaise en face d'Anaëlle, les yeux rougis.

- Il est peut être malade ...

Anaëlle secoua mollement la tête.

- Il n'est pas passé chez lui du week end. Sa mère ma l'a dit.

- Ouh .. T'as essayé de l'appeler ?

Face au regard meurtrier qu'Anaëlle lui lanca, Jeny plongea le regard dans son assiette. Elle lui posa finalement des questions qui l'agaçaient toutes les unes plus que les autres. À un moment, Anaëlle empoigna son plateau, aux trois quarts pleins, et après s'en être débarrassée se rua à l'extérieur. Elle voulait exposer sa colère et sa tristesse au monde entier. Ses genoux s'entrechoquèrent, la forçant à s'asseoir sur un banc. Elle en frappa le dossier quand l'image de Roby et elle s'embrassant passionnément dessus lui revint. Tout dans cet établissement le lui rappelait. Et s'il est mort ? Découpé en rondelles au fond de la soute d'un bus ? A cette pensée morbide, la jeune fille sortit son téléphone précipitamment et constata le message d'Annie : "je suis allée au poste de police, ils vont le chercher. Ils ont des questions à te poser et viennent voir l'école cette après midi."

Et c'est là que le monde d'Anaëlle s'effondra. L'atroce douleur contenue dans sa gorge depuis le début s'échappa en un râle déchirant et des larmes torrentielles coulèrent abondamment. Ça y était. Ce n'était plus qu'un pressentiment. Il avait disparu pour de bon. On ne savait ni où, ni quand, ni comment ou même pourquoi. Enlèvement ou fugue ? Quelle alerte la police devait-elle mettre en place ? Allaient-ils se mettre en branle tout de suite ou prendre ça à la légère ?

Anaëlle était anéantie. Sa gorge lui faisait mal, ses poumons étaient crispés, comme brûlés ou irrités, son cerveau tambourinait dans sa boite crânienne devenue trop petite, ses tempes semblaient vouloir se coller l'une à l'autre en traversant sa tête. Plusieurs personnes s'approchèrent. Inconnus ou amis, il n'était pas demandé de s'appeler Einstein pour comprendre qu'elle était en détresse. Des "Ça va ?" "Qu'est-ce qui se passe ?" " T'as besoin d'aide ? " " Tu peux me parler tu sais ? " fusèrent dans tous les sens. Sérieusement ? Comment pouvait on dire cette dernière phrase à une personne dont on ne connait même pas le nom ?

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