Prologue

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Le temps est comme l'eau.

Son cours, long, calme et clair est de changeante nature
Accélérer, s'agiter sans prévenir
Tout transformer et tout détruire
sont ses formes et leur état le plus pur

Il faut, dés lors, entreprendre un fatiguant voyage
D'embûches et d'obstacles semés
De revers, de malheurs et de secrets passés
L'aboutissement de la route menant au bout de notre âge

Seul le fou peut prétendre éviter ceci,
Il croit être à jamais prêt mais ce n'est que folie
Car humblement il doit accepter,  
Les épreuves de la vie 

- A qui faites-vous allusion, nin cuilë ? (Ma vie ?)
- A bien des êtres en notre monde. Mes pensées s'égarent en particulier vers notre vieil ami de la Forêt Noire. Il dépérit depuis la mort de sa protégée, mais un changement est en marche. Le prince chevauche vers son père, annonciateur d'une grande nouvelle, qui va ranimer la flamme de la vie que le temps et la peine ont, en son coeur, depuis longtemps éteinte.

La lumière du clair de lune souligne les ombres découpées par son grand sourire dans sa peau claire. La dame elfe se réjouit d'avance du message que le destin porte à son vieil ami, et est impatiente de voir la réaction qu'il engendrera. Elle lève les yeux vers l'astre des nuits qu'elle connaît mieux qu'aucun être marchant sur cette terre, ses pensées dirigées vers une personne disparue depuis déjà trente-sept ans.
Enfin, une partie de ses espoirs va se concrétiser.

- Alors, le Seigneur Elrond s'est enfin décidé à lui dire la vérité ?
- Je crains qu'il n'eût guère le choix. Notre cher ami a toujours craint ce que le Mordor a engendré.
- Comme ses habitants, les Elfes de Morgoth, comme il se doit de les nommer. Les Terres Noires jamais n'auraient dû les porter en leur sein. Quelle pitié que nous n'ayons pu les en arracher, quand bien même leur maître légitime n'est plus. Sans Elle pour les diriger, qui sait depuis quand Mandos les aurait appelés auprès de lui.
- Nin Calina... (Ma Calina)

L'homme se lève et pose ses mains sur les épaules de son épouse.

- Pardonnez mon manque de tact, mon aimée. Je ne voulais pas vous voler votre sourire.
- Nul ne pourrait vous tenir rigueur d'évoquer ce qui est pour moi le plus évoquable. Mon amie est au coeur de ce sombre épisode que même nos maîtres n'osent rectifier.
- Est-elle toujours aussi présente dans vos songes ?
- Pas depuis quelques siècles. Mais le temps vient où les erreurs devront être corrigées, et où la fille devra se tenir hors des Ténèbres... Ou mourir comme sa mère...

La femme remonte ses doigts sur ceux de son époux.

- Tel est mon seul souhait ; voir la génération nouvelle ne pas répéter les erreurs de ses aieux.
- Quel dommage que le seul à même de la guider le long de cette route soit l'enfant de celui à qui elle doit d'avoir perdu tant des siens.
- Non, mon doux ami.

Elle l'embrasse tendrement.

- C'est une chance.

Laurelin IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant