Les feux de la mort

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- Hey, Chiller, tu m'écoutes ?

- Hein ?

     Affalé avec nonchalance sur le siège passager de la décapotable, Chiller était bien trop occupé à savourer sa glace à la vanille pour daigner tourner la tête vers son interlocuteur. Ce dernier le fusilla d'un regard glacial,soutenu par l'imposante masse du manteau de fourrure blanche qu'il avait aux épaules. Tout chez lui était blanc ou presque: sa peau, ses cheveux, même ses yeux. Seul son costume taillé s'offrait quelques touches beiges et bleues pâles. En cette chaude après-midi de printemps, les rayons du soleil se reflétaient dans son absence de couleur, lui donnant une lueur presque surnaturelle. Mais Chiller n'était en rien intimidé par son coéquipier. Il réhaussa ses lunettes de soleil et se contenta d'ajouter:

- Bien sûr que je t'ai écouté, Burnie. Je m'abreuve de tes sages paroles.

     Burnett –et non pas "Burnie", comme il n'avait de cesse de lui répéter- crispa un peu plus ses mains sur le volant de la voiture pourtant à l'arrêt.

-Alors vas-y, dit-il après une longue expiration, répètes-moi les étapes du plan ?

- Incendie, noyade, hypothermie, fête.

-Non. Pas fête.

     Chiller répondit par une moue désappointée:

-Dommage, j'aurais essayé.

     Agacé, son interlocuteur se tourna vers la banquette arrière :

- Lagune, tu es prête ?

     Une tête ronde aux cheveux crépus partiellement bleutés jaillit de derrière les sièges.

- Ouaip, dit-elle d'un air enjoué et des miettes de cookie au coin de la bouche, quand vous voulez les gars !

- Bien, au moins quelqu'un qui prend cette mission au sérieux.

     Burnett jeta un regard accusateur vers son coéquipier - en vain bien sûr- avant de sortir de la voiture.

     Ils étaient garés devant un parc très prisé par les badauds en cette fin de saison. Il était construit autour d'un large étang à la plage aménagée, et de nombreux arbres aux fleurs naissantes serpentaient son pourtour. Sur le chemin, Burnett épousseta sa veste, Lagune réajusta son tailleur à sa jupe, et Chiller passa une main dans ses cheveux roux. Avec sa chemise à motif soleil et ses espadrilles, ce dernier était plus proche des baigneurs venant se faire bronzer la pilule au parc que du professionnalisme de ses camarades.

- Regardez-les à s'amuser comme des bienheureux, dit-il avec un sourire mélancolique aux lèvres. Je les rejoindrai bien. S'ils savaient comment va finir leur journée...

     Lagune lui asséna un coup de coude taquin :

- Tu dis ça Chill, mais tu vas prendre beaucoup plus de plaisir à faire ça que n'importe quelle partie de molkky.

     Il ne répondit rien, mais garda son sourire aux lèvres. Il détestait entendre une telle affirmation de la part de sa camarade, mais il devait bien admettre qu'elle avait raison.

     A mesure que l'atypique trio se rapprochait de la berge, quelques regards intrigués commençaient à se lever vers eux. Toutefois, ils repartirent bien vite, accompagnés d'un haussement d'épaule et d'un bâton lancé dans des quilles en bois. Arrivés à mi-chemin, les trois compères se stoppèrent, et s'adonnèrent à balayer des yeux l'espace qui les entourait. Parmi la foule d'enfants surexcités, de parents ravis de cet instant de détente, et de footballeurs du dimanche, ils semblaient chercher quelque chose en particulier.