Ça arrive deux jours plus tard. Je m'attarde à mon casier, laissant les murmures et les ricanements emplir le couloir dans mon dos. C'est inévitable. Puis, les bombes arrivent en meute. Elles sont quatre. Petite meute, mais sans doute composée de satellites espions. Attention aux tirs de sniper.
— Alors, c'est toi le cadavre ?
— Tiens. On me l'a jamais faite celle-là !
C'est faux, bien évidemment. On me la fait à chaque fois. Mais bon. Il est bien connu que les bombes font souvent partie de la population la moins dotée intellectuellement. Surtout ce genre de bombe : un peu vulgaire à trop vouloir en faire. Ah ! Oui ! Parce qu'il y a plusieurs types de bombe.
Il y a la bombinette, la fille trop jolie, mais sympa parce qu'elle ne s'en rend pas vraiment compte ou parce qu'elle s'en fout. La bombasse, comme les quatre face à moi, trop conscientes de leurs attributs et ne comptant que sur eux pour s'élever au-dessus des strates fangeuses de la société. Et puis, il y a la bombe atomique. Celle qui l'est sans le vouloir. L'inaccessible étoile qui cumule souvent beauté et intelligence. La Clever Girl. Le haut du panier. Rare. Très rare.
L'une de mes quatre adversaires se penche alors vers moi avec le nez plissé. C'est le moment où tout se joue en règle générale. Le moment où il me faut prendre sur moi pour ne pas leur donner la composition chimique de leur maquillage cancérigène ou de leur parfum suffoquant. Le moment où je dois laisser de côté tous mes calculs, toutes mes réparties cinglantes, pour ne conserver que le strict minimum : la répartie neutre mais ferme, car ma stratégie n'est pas de m'effacer complètement. Elle est de devenir sans intérêt pour elle.
— Remarque, elle en a un peu l'odeur aussi, fait la fille avec un mauvais sourire.
On y est.
— L'odeur de cadavre ? Vraiment ? fais-je en sentant le sweat que je porte, avant d'ajouter avec un grand sourire désarmant. Non ! Ça n'est pas moi ! Remarque, moi, je ne sais pas vraiment comment ça sent un cadavre. Tu le sais comment toi ?
Blanc. Silence. Quoi répondre à ça. J'ai les sourcils légèrement froncés et le regard interrogateur de l'enfant curieuse. Une pose que j'ai dû travailler de nombreuses heures avant d'être satisfaite. Le tout est de ne montrer aucune aspérité. Aucune malveillance. La naïveté désarme.
Et surtout, retourner l'arme contre celui qui la tient. Porter l'attention du groupe hostile sur un de ses membres et on a souvent droit à une curée en direct. Car les bombes ne sont pas solidaires. Elles se jalousent entre elles. Il est donc assez facile de les pousser à se chamailler, même s'il y a toujours un chef de meute.
— C'est vrai ça, Mia ? Comment tu connais l'odeur des cadavres ? T'es sortie avec un croque-mort ? dit la plus grande en riant en éclats avec un air mauvais.
La Mia en question, sentant le vent tourner, a croisé les bras sur sa poitrine qu'elle a généreuse, faisant loucher tous les garçons qui passent à ce moment-là.
Encore une fois, le coup a été magistral. Je suis fière de moi. La sonnerie annonce le début des cours, et je soupire en voyant s'éloigner les quatre bombes dans une autre direction. Première étape passée en souplesse. Restent les suivantes.
— Pas mal. Mais il faudra faire mieux la prochaine fois. Irina va se montrer féroce.
Irina doit être la chef de meute. J'ai effectivement vu son regard se plisser avant que Mia ne devienne une cible. Une bombasse avec des neurones connectés. La pire des éventualités. Je vais devoir me trouver des alliés vite-fait. Je me tourne vers celui qui m'a mise en garde et je tombe face à une icône de mode.
Merde. Manquait plus que ça.
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Le cœur du problème
Novela JuvenilJane est surdouée, mais ça n'est pas un souci. Big Data, son cerveau, et elle s'entendent fort bien. Le cœur du problème, c'est le monde autour d'elle. Un monde où elle tente de se dissimuler, mais sans trop en faire non plus. faut pas pousser. Sau...