Chapitre premier

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     Petite, j’étais maigre,  extrêmement maigre, mais jusqu’au primaire cela ne me dérangeait pas. Arrivée au Ce1 ça a commencé à changer. Malheureusement pour moi, c’était la période « Musclor » et Bugs bunny. Avec mes dents en avant, mes chevilles et mes poignets de moineaux j’avais le droit à  des «Squelettor » quotidiennement et autres « tu veux une carotte ?»… Quelle époque formidable !
     Pourtant je mangeais ! Je n’étais pas difficile,  je mangeais de tout à  table.  Sans compter les bonbons,  chocolats, viennoiseries et autres cochonneries en dehors des repas. Mais rien n'y faisait,  j’étais comme ça.
     Une fois au collège,  j’ai réussi  à  m’imposer pour le choix de mes tenues. Poubelle tout ce qui pouvait montrer un centimètre carré de peau, ou d’os  devrais-je dire. Des pantalons extra large ainsi que des sweats deux tailles au-dessus pour camoufler les formes que je n’avais pas. J’avais  un appareil dentaire à  porter le soir et la nuit pour redresser mes dents en avant. Du coup, plus de proposition de carottes ouf !
     En général,  les commentaires méchants qui me touchaient le plus étaient ceux venant des filles. Les garçons pour moi c’était «pas possible ». Un genre de sous- espèce qui gâchait le paysage, qui embêtait les filles et qui, en plus, étaient en général moins intelligents que nous. Donc je me fichais de leur avis.
     Je me suis planquée derrière des vêtements informes quasiment toute ma scolarité, à part une exception en 3ème qui m’a fait regretter fortement mon audace.

     Commençons par le commencement de cette année là…
On dit qu’entre l’amour et la haine il  n'y a qu’un pas… je confirme. Après toutes ces années à critiquer et détester la gente masculine, « il » ne lui a fallu qu’un seul geste, et quel geste, pour que je regarde ce « spécimen » d’une autre manière.
     La cloche, annonçant le départ des cours, venait de sonner et je me précipitais avec ma meilleure amie vers la cour pour aller nous mettre en rang quand « il » a eu ce geste.  Il était au milieu du couloir, entouré de trois autres garçons avec qui il discutait. Sur le coup, la seule chose qui me venait à l’esprit c’était :
- Peuvent pas se mettre de côté ceux-là !
Sans les regarder, je commençais à les contourner quand « il » m’adressa la parole.
- Oh toi… attends,  j’ai un cadeau pour toi !
     Stupéfaite qu’un garçon puisse m’adresser la parole, je me stoppai et me retournai pour lui balancer un « pas intéressée », quand mes yeux croisèrent les siens, trente centimètres plus haut. Je me sentis si petite que finalement les mots restèrent coincés dans ma bouche, qui pourtant était grande ouverte. Il me fit un sourire, et comme une dégénérée,  je le lui rendais. Il tendit sa main vers le col de ma veste, tira dessus… je n’arrivais plus à bouger,  hypnotisée par son visage d’ange,  alors qu’il venait de dépasser les limites qu’aucun garçon n’avait jamais pu franchir. Il touchait « mon » vêtement,  et je ne disais rien ! Puis sa deuxième main, celle-ci fermée sur quelque chose, s’avança vers moi, et arrivée au niveau de mon cou s’ouvrit. Les ricanements des deux autres me sortirent de ma léthargie et enfin j’arrivais à quitter son regard pour voir ce qu’il m’avait « offert ».
      Je venais d’avoir la confirmation que les porteurs XY ne méritaient vraiment pas leur place sur terre. Il venait de me prendre pour sa poubelle ! Oui oui ! Sa Poubelle, bordel ! Je me retrouvais avec des dizaines de petits morceaux de ticket de bus et autres papiers en confettis coincés dans mon col et parterre devant moi.
     Il n’avait même pas attendu ma réaction pour repartir avec ses potes en rigolant. Quel connard ! Je sentais mes joues bouillir. Je regardais autour de moi, personne n’avait fait attention à la scène à part Noémie qui m’attendait devant la porte de sortie. Elle me fit un  haussement d’épaules qui voulait dire « Qu’est-ce tu veux ?! Tous des crétins ! ».
     J’ai passé cette première journée à ressasser ce qu’il s’était passé le matin. Je m’en voulais de n’avoir pas réagi. Et je ne comprenais pas pourquoi ça m’énervait à ce point là. Se mettre dans un état pareil pour un petit con… en fait pas si petit que ça le « con ». Bref, je me fit une raison et décidais d’oublier cette mésaventure. Le lendemain je n’y penserai même plus.

Shaky LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant