Chapitre 18

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- Oh tu vas te calmer vite fait ! M’ordonne-t-il.  Je vais rien te faire putain ! Maintenant  tu, tu te calmes et tu m’écoutes !

      Son ton impérieux fait cesser mes gesticulations instantanément. Il se recule et me laisse me redresser doucement en épiant mes moindres gestes. Il se méfie, et il a raison ! Je suis partagée entre retenter de m’évader de sa caisse, ou lui balancer mon pied dans sa face, voir les deux, pourquoi pas. Il souffle comme un bœuf. C’est qu’aujourd’hui je ne suis plus un poids plume ! J’espère qu’il chopera un lumbago, tiens !

- Excuse-moi, grommelle-t-il.
- De quoi, parce que là, la liste vient encore de s’allonger ! Lui réponds-je sèchement.
- De tout,  putain ! S’exclame-t-il. Je suis désolé, vraiment ! Je me souviens du train… marmonne-t-il en se frottant la nuque.

    Il se souvient ! Je l’observe, attendant je ne sais quoi. Des excuses, des regrets ?

- Bordel, j’en reviens pas que c’était toi cette fille ! Si j’avais su, je ne t’aurai jamais accosté comme je l’ai fait, c’est tellement…
- Une perte de temps ? Con ? C’est tellement quoi Adam !? Craché-je, toujours les nerfs à vif.

    Il se frotte plusieurs fois le visage avant de se redresser et de me fixer.

- Si tu savais le temps que j’ai passé à rechercher la jeune fille dont je m’étais moqué au collège, dit-il l’air sérieux.
- Tu te fous de ma gueule en plus ? Explosé-je.
- NON ! Je peux te le jurer, je… C’est tellement dingue ! S’exclame-t-il en m’attrapant les deux mains. Tu n’imagines pas à quel point j’ai regretté ce que j’ai fait à l’époque. La vie m’a appris que les mots sont aussi redoutables que les actes.

     Je le fixe, dubitative, me demandant si son air sincère et soulagé est réel ou s’il joue la comédie. Nous nous regardons dans les yeux, et en me rendant compte qu’il tient toujours mes mains , d’un geste brusque je me défais de ce contact gênant . L’ambiance est vraiment bizarre. Je ne sais plus quoi faire. Seuls le ronronnement du moteur et le bruit de la pluie sur la tôle règnent dans l’habitacle.

- Ok, abdiqué-je. Je te laisse cinq minutes pour t’expliquer, terminé-je en croisant les bras sur ma poitrine.
- OK, souffle-t-il avant de se racler la gorge. Je suis sincère lorsque je te dis que je t’ai recherchée. Pas tout de suite, j’avoue qu’en troisième j’étais un petit con.
- Petit ?!
- D’accord, un grand con. Bref. Faire rire la galerie et être populaire étaient tout ce qui comptait à l’époque. Je ne pensais jamais aux conséquences. Puis il est arrivé quelque chose de similaire  à une de mes proches, lorsque j’étais en terminale… et .. ça a mal fini, termine-t-il les yeux dans le vague.

     Il doit être plongé dans ses souvenirs car il fixe un point au sol sans plus rien dire. Je me demande de qui parle-t-il  et ce que signifie ce ”mal fini”.

- Mal fini ? Le relancé-je voulant en savoir plus.
- Euh, revient-il à lui, très mal fini, grimace-t-il . Bref, ça m’a fait réfléchir et j’ai repensé à cette ado dont je m’étais moqué avec mes potes. Il fallait que je la retrouve pour m’excuser et surtout savoir comment elle allait. Sauf que je ne savais rien sur elle. Tous ceux qui j’ai recroisé au fil des années ne voyaient pas de qui je parlais. Je ne savais même pas son prénom. Et aujourd’hui tu es là ! Et tu as l’air d’aller bien ! Je suis vraiment désolé de ce que je t’ai fait subir à l’époque.

     Je reste perplexe suite à son monologue. Il a l’air vraiment soulagé de m’avoir retrouvée et qu’il regrette sincèrement cequ'il m'a fait. Mais…

- Si tu ”regrettes”, comme tu dis, pourquoi donner des notes alors ?! Ça ne tient pas debout ton soi-disant mea  culpa.
- C’est entre moi et les gars. Jamais plus je ne critiquerai quelqu’un sur son physique comme je l’ai fait avec toi. J’ai changé, mais, j’avoue qu’être au centre de l’attention est quelque chose dont j’ai besoin.
- OK.
- Tu me pardonnes alors ?
- Pardonner je sais pas, croire que tu as des remords, oui, je pense, enfin.. . Putain, tu m’as quand même gâché la vie !
- Je sais, j’ai vu ce que cela peut faire sur certaines personnes, dit-il penaud.

    Le voyant si éprouvé par ce qu’il a vécu, je crois que je peux faire un effort et tenter de faire table rase du passé.

- Bon d’accord, capitulé-je. Tu me sembles sincère et je veux bien mettre de côté tes actions du passé. En même temps vu que je traîne avec Noémie, qui sort avec Bertrand,  que tu côtoies, ça  sera plus facile pour les soirées à venir.
- On fait la paix ? Me propose-t-il en me tendant sa main.

    Je la lui serre pour sceller notre trêve.

- Sinon, commence-t-il, je voulais encore éclaircir un point.
- Lequel ?
- Alors comme ça tu craquais pour moi ? Fait-il d’un air canaille.
- Oh c’est pas vrai, grommelé-je. Tu es sérieux ? Je viens d’accepter l’armistice et toi tu relances une bataille ?
- Loin de moi l’idée de t’énerver à nouveau, dit-il les mains devant lui en signe d’apaisement. Mais ça confirme que j’étais d’une stupidité illimitée au collège.
- C’est déjà bien de l’admettre…
- Non mais c’est vrai, me coupe-t-il,  regardes-toi ! Tu es resplendissante ! J’étais vraiment aveugle !

    Et voilà que je rougis comme une imbécile ! Il faut que je rentre chez moi et que je m’éloigne de ce beau-parleur.

- Bon, tu me ramènes chez moi ou on passe la nuit dans ta caisse ? Finis-je par m’impatienter.

    En voyant son sourire carnassier je me précipite :
- Même pas en rêve ! Allez retourne derrière ton volant ! Ordonné-je.

   ,Il me fait un clin d’œil et passe entre les sièges pour rejoindre sa place. Je l’imite, hors de question d’affronter cette pluie diluvienne une fois de plus. Une fois tous les deux installés et attachés,  il quitte enfin la place de parking,  pour mon plus grand soulagement .
    Le trajet ne dure qu’une quinzaine de minutes, Adam roulant assez vite. Une fois garés devant l’immeuble l’ambiance devient électrique.

- Bon ben merci pour le trajet, finis-je par rompre le silence.
- De rien. Je suis vraiment content qu’on ait pu mettre les choses à plat.
- Oui moi aussi, je crois. Bonne nuit Adam.

    Je n’attends pas de réponse et me précipite à l’extérieur de cette voiture afin de m’éloigner de cet Adam si gentil, trop même pour mon petit cœur d’artichaut qui fait des siennes. Je l’entends me répondre une fois la portière claquée mais je ne me retourne pas et cours jusqu’au hall de mon immeuble.
    À peine ma porte d’entrée franchie, je balance mes escarpins et ma veste trempée, et je fonce dans ma salle de bains afin de prendre un bain bien chaud pour me réchauffer. Je tourne les robinets et laisse la baignoire se remplir. En attendant que le niveau monte je m’observe dans la glace qui surplombe ma vasque. Mes cheveux sont une masse informe en partie collée à mon front et dans mon cou, mon maquillage a coulé me faisant un regard de panda et pourtant, je me trouve jolie ! Mes yeux pétillent, mes joues sont rougies par le changement de température, à moins que cela ne soit dû à Adam… Non ! À Julien bon sang ! Je deviens complètement cinglée ma parole ! Faut que j’appelle Nono au secours, et vite ! D’ailleurs, où ai-je bien pu foutre ce satané portable !?

- Tout ça c’est de ta faute ! Engueulé-je ce dernier en le récupérant sur la commode de l’entrée.

    Ma meilleure amie a déjà laissé deux messages sur ma boîte vocale. Toujours aussi curieuse ! Vu l’heure tardive, je me contente d’un SMS l’avertissant que j’ai pleins de choses à  lui raconter mais que cela devra attendre demain à la boutique.
Maintenant je vais aller me détendre dans mon bain avant de me mettre au lit. Demain je n’ai pas intérêt à être en retard sinon j’en connais une qui va me trucider.

Shaky LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant