Chapitre 4

374 47 2
                                    

     Comme c’est la première fois que nous venons, nous décidons de suivre notre passager qui doit être un habitué. L’entrée du club se situe au bout d’une impasse. Un gorille en costard se tient devant une porte en chêne sculptée sous un néon bleu électrique en forme de cube en 3D. J’essaie d’identifier les formes sur la porte et je commence à me demander si ce club est vraiment sûr quand je m’aperçois que ce sont des gargouilles. Je me retourne vers mon amie qui elle a l’air plus excitée que jamais.

- Bonsoir Sergueï, salue-t-il le videur en lui tendant la main.
- Bonsoir M. Robert, lui répond-il avec son accent de l’est en la lui serrant. Je vois que vous êtes accompagné,  mais le règlement, commence-t-il gêné, vous savez, un seul accompagnant...
- Oh, se précipite Noémie, non, non, nous ne sommes pas ensemble…
- Désolé Mademoiselle, mais il faut une invitation…
- Mais je suis invitée, le coupe-t-elle. Dîtes à Julien que Mlle Chabert est arrivée, dit-elle sûre d’elle.
Il porte sa main gauche à son oreille et baragouine quelque chose contre son poignet. Il hoche la tête et nous sourit.
- Je vous en prie Mlle Chabert, lui dit-il en faisant une révérence. Vous êtes attendue, ainsi que votre amie bien entendu, se reculant pour nous laisser entrer.
Bertrand nous regarde ébahi.
- Vous connaissez le patron ? Demande-t-il à mon amie.
- Oui, répond-elle embarrassée. C’est un… vieil ami.
- D’accord…

    Nous pénétrons dans l’établissement, Bertrand ouvrant la marche. Nous traversons un long couloir uniquement éclairé par des leds bleues incrustées dans le plafond, on dirait un ciel étoilé.  Je ne distingue pas le sol, mais je suppose qu’il s’agit de moquette car nos escarpins ne font pas le moindre bruit. C’est à ce moment là que je me demande d’ailleurs comment se fait-il que nous n’entendons toujours pas la moindre musique. Au bout, nous  attend une jeune femme blonde, les cheveux tirés en un chignon parfait, derrière un comptoir. Elle nous salue, nous prend nos vestes et nous  donne des cartes d’un bleu électrique avec le logo du club en hologramme,  ressemblant à des cartes bancaires. Elle nous informe qu’il n’y a qu’à les présenter au bar et nos consommations seront cumulées sur celles-ci, le paiement ne se faisant qu’à la sortie. Elle se retourne et appuie sur un bouton, toujours bleu pour ne pas changer, et là, le mur s’ouvre et j’en prends plein les oreilles et les yeux ! Des boums boums, des lasers, de la fumée à l’odeur de barbe à papa, des stroboscope qui m'éblouissent . Je sens une main qui me sert le bras et un cri strident qui m’éclate le tympan.

- Ouiiii ! Oh la la, c’est trooop ! Hurle Noémie.
- Calme-toi ! Lui hurlai-je en retour. Tu vas nous ficher la honte !

    Mes yeux s’habituent peu à peu à l’éclairage et j’en reste bouche bée. Tout est si… cubique ! Des tables basses en cube lumineuses. Je ne précise pas la couleur, vous l’avez devinée. Des canapés rectangulaires et des tabourets en cube noir. Je repère deux bars en forme de glaçons géants de chaque côté de la salle, avec des barmans à  l’intérieur à droite, et des barmaids à  gauche. Noémie sautille à mes côtés et ça commence à m’énerver. Tout le monde va remarquer qu’on n’a rien à faire là si elle continue. D’ailleurs, « vestimentairement » parlant, on a assuré ! Ni trop, ni trop peu. Les femmes sont toutes élégantes, et les hommes portent presque tous des costumes comme Bertrand.

- J’espère vous revoir plus tard, nous interrompt ce dernier dans notre inspection des lieux. Je vais rejoindre mes amis.
- Bien sûr, se précipite Nono. Je l’espère aussi, lui dit-elle en papillonnant des cils.
Nous nous faisons un petit signe de la main et il disparaît dans la foule.
- Viens,  allons trouver Julien, me tire-t-elle par le bras. Il doit être dans le glaçon des mâles.

     Je la suis comme son ombre. Je ne suis pas très à l’aise entourée de tous ces gens qui ne font pas parti du même monde que le mien. Ils ont tous l’air si sûr d’eux. Malgré mes trente balais entamés, j’ai l’impression que je ne suis qu’une petite fille. La plupart d’entre eux ont au moins la quarantaine. Les hommes se retournent sur notre passage, ça me met encore plus mal à l’aise, gêne non partagée par mon amie qui, elle, tortille des fesses pour se faire encore plus remarquer. Je souffle quand nous arrivons enfin à destination.

- Julien ! Hurle la folle qui m’accompagne à l’intention d’un grand blond, histoire d’en rajouter une couche.
- Hey ! T’as pu venir ma belle, lui dit-il en se penchant par-dessus le comptoir pour lui faire la bise. Alors, t’en penses quoi de mon bébé ? Demande-t-il avec un grand sourire.
- C’est… wouahou !

     Pendant qu’ils discutent j’en profite pour me rincer l’œil en matant les barmans. Ils sont tous en pantalon de smoking, chemise blanche ouverte sur des abdos taillés dans la pierre, les manches retroussées jusqu’aux coudes, laissant apparaître pour certains des tatouages. Le Julien, qui n’est pas en reste, a du faire un casting dans une agence de mannequins, ils sont tous plus beaux les uns que les autres. D’ailleurs, en observant les contours du bar, je constate qu'il n’y a que des femmes, qui, comme moi, ne se gênent pas pour admirer la marchandise. Je regarde de l’autre côté de la salle et m’aperçois que les hommes sont tous agglutinés devant l’autre glaçon, où les barmaids portent quasiment la même tenue en version féminine, c’est-à-dire jupe crayon noire fendue avec chemisier blanc cintré, sauf qu’il n’y a que quelques boutons d’ouverts, enfin, assez pour que ces messieurs puissent se rincer l’œil aussi. Je suis interrompue dans mes pensées par quelqu’un qui me secoue le bras.

- Christine !
- Quoi, dis-je un peu sèchement.
- Ah ben quand même ! Je te présente Julien, Julien, Christine.
- Enchanté Christine, me sourit-il en se penchant à nouveau par-dessus le comptoir en me tendant sa joue pour me faire la bise.
- De même, lui réponds-je lui en faisant deux . Il est vraiment unique ton club !
- Merci, enfin, je crois…
- C’est un compliment ! Rajouté-je en souriant en le voyant hésiter.
Il me fait un clin d’œil, et je me rends compte que mes joues chauffent. Faut dire qu’il est vraiment pas mal… pas mal du tout !
- Qu’est-ce que je vous sers ? C’est la maison qui offre !
- Surprends-nous ! Le défie-t-elle en lui faisant son regard d’allumeuse.
Il nous fait un clin d’œil et part à l’autre bout du bar.
- Mais t’es complètement folle ! L’agressé-je. Tu sais très bien que je ne tiens pas l’alcool !
- Oh allé ! Fais pas ta rabat-joie, on n’est jeune encore et surtout… c’est gra-tuit ! Profite ! Carpe diem Chrissy !
- Mais tu conduis !
- Oui mais c’est pas avec un seul verre que je ne vais plus savoir où se trouve le  volant ! Et promis ce sera le seul, continue-t-elle avant que je n'en rajoute.

     Elle m’agace celle-là ! À toujours avoir raison ! Je n’ai pas envie de me disputer avec elle alors je vais suivre ses conseils, profiter de la soirée, me lâcher un peu, mais je vais quand même surveiller qu’elle se limite bien à un seul verre. J’ai pas envie de risquer un accident, et encore moins de me taper le trajet de retour à pieds avec mes escarpins de la mort.
     En attendant le retour de Julien, je continue l’inspection des lieux. Légèrement en contrebas se trouve la piste de danse, déjà saturée de monde gesticulant dans tous les sens. Finalement, à part la décoration, ce n’est qu’une simple discothèque. Je ne comprends pas pourquoi c’est si prisé. Noémie me met un petit coup de coude dans le bras pour attirer mon attention, et fait un mouvement de tête vers le haut. Je suis son regard qui fixe des miroirs tout autour du plafond.

- À ton avis ? Me demande-t-elle en se prenant le menton entre ses doigts.
- Bizarre, à quoi ça sert des miroirs si haut ? Peut-être pour l’éclairage, je sais pas. Faudrait lui demander à ton Julien.
- On parle de moi ? Nous interrompt ce dernier en posant deux verres à cocktail couleur fuchsia et orange agrémentés de petits parapluies et d’une tranche de kiwi.
- Euh… en fait on se demandait pourquoi tu avais mis des miroirs à la limite du plafond, répond Nono. C’est étrange.
- Ah ça c’est un secret réservé aux VIP, dit-il d’une air malicieux.
- Comment ça ? ! Je suis une ultra VIP ! Je connais le patron figure-toi ! Rigole-t-elle.
- Désolé Noémie, mais…
- Tu es sérieux ? Allé, s’il te plaîîîît, je suis trop curieuse maintenant !
- Pas ce soir désolé, dit-il gêné. Je dois respecter l’anonymat de certains clients.
- Qu… quoi ? Ça veut dire qu’il y a des pièces derrière, ce sont des miroirs sans tain ?! C’est ça ? S’excite-t-elle.

     Julien se gratte l’arrière du crâne, il nous en a trop dit. J’en reviens pas, ça veut dire qu’il y a des petits voyeurs derrière ces vitres. En plus de cela, très certainement des personnes connues. Merde alors ! Je comprends mieux pourquoi c’est si sélectif. J’aimerai bien y faire un tour, histoire de voir qui se cache derrière. Des acteurs ? Des hommes politique ? Des…

- Santé ! Me coupe notre hôte dans mes divagations en nous tendant son verre.
- Santé ! Répondons-nous en chœur en levant les nôtres.
Je bois une gorgée du cocktail fluo, et c’est l’explosion de saveur dans ma bouche.  Je regarde Noémie et constate qu’elle est tout autant surprise que moi.
- Merde, c’est trop bon ton truc ! S’exclame-t-elle, toujours aussi directe.
- N’est-ce pas ?! Dit-il fièrement. Et n’essaie pas de me cuisiner, j’emporterai ma recette dans ma tombe ! Bon c’est pas tout les filles mais il commence à y avoir du monde, le travail m’appelle. Profitez bien de la soirée !
- Ok, encore merci Julien !
Il nous fait un clin d’œil et retourne à ses shakers.
- Bon, commence Nono, on finit nos verres et on va mettre le feu sur le dancefloor ! On n’est pas venues pour faire les potiches !
- Complètement d’accord ! En plus le DJ assure ! À nous et à notre soirée de Cendrillon ! Dis-je en levant mon verre.
- En espérant que nous trouverons nos princes avant les douze coups de minuit ! Rigole-t-elle en cognant son verre au mien.

     Nous déambulons dans les allées, nos verres à la main. Noémie nous dirige vers le deuxième  glaçon, où s’agglutinent les hommes. Je me sens comme une gazelle au milieu d’une horde de lions. À notre passage, beaucoup nous dévorent des yeux, ou émettent des petits sifflements. Je n’ai vraiment pas l’habitude d’être reluquée de cette façon. Je décide d’avaler cul sec mon cocktail pour qu’on puisse se mettre à l’abri sur la piste et fais signe à Noémie d’en faire de même. Elle s’exécute et prend mon verre pour les amener au bar. Je la vois disparaître dans cet amas de mâles en rut. Pourvu qu’elle fasse vite, il y en a qui commencent à hésiter à m’aborder et je ne suis pas venue pour me coltiner de gros lourds ! Pitié Nono, dépêche toi !
    Ne supportant plus ces regards, je me retourne vers la piste en priant qu’elle arrive le plus vite possible. Quand je sens une main se poser sur mon épaule dénudée, je suis soulagée.

- Dis donc il t’en a fallu du temps ! Dis-je sans me retourner avec un grand sourire. T’en as bien profi….
- Bonsoir.

****

Désolée pour le retard, j'ai des petits soucis avec mon dos et il m'est difficile de rester assise longtemps, du coup  j'essaierai de publier deux chapitres le week-end prochain, bises à celles et ceux qui me suivent dans cette nouvelle aventure !









Shaky LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant