Chapitre 23

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Chapitre 19


     Je ne peux pas le croiser à nouveau. Impossible, mon cœur déraille à chaque fois en sa présence, et mes neurones disjonctent. Il faut que je trouve une parade. Et si je mettais les clefs dans la serrure avec un petit mot de la part de la ”sans-gêne ” ?! Non, n’importe qui pourrait y entrer. Oh c’est pas vrai ! Bertrand tu ne pouvais pas avoir une fille normale ! Ou lui prendre un appartement ailleurs ! Ou un autre architecte !
   Je regarde l’heure sur mon portable et ça fait déjà une demi-heure que je tergiverse avec moi-même. Je vais aller prendre cette fichue douche avant qu’un autre indésirable ne se pointe pour finir de me gâcher mon dimanche de repos  même s’il est déjà fortement compromis.
    Me voilà propre comme un sou neuf, revigorée et prête à affronter le démon. Ouais j’exagère un chouia mais j’essaie de garder la positive attitude. J’ai bien réfléchi et la meilleure idée que j’ai eu c’est de l’attendre à l’entrée de l’immeuble avec les clefs et de lui passer le mot de sans-gêne avant de prendre la poudre d’escampette en prétextant un rendez-vous urgent. Ce qui me rappelle que je n’ai toujours aucune nouvelle de Julien. Il faut croire que là aussi je me suis un peu emballée. Apparemment je ne dois pas l’intéresser tant que ça sinon il m’aurait déjà contactée. Bref, j’ai d’autres chats à fouetter.
     Il est 11h25 et je suis assise sur les marches devant l’immeuble en tenue de motard, prête à filer sur ma bécane dès que j’aurai accompli ma mission. Elle me le revaudra la sans-gêne !
Voilà la Porsche qui déboule dans ma rue. Mon cœur fait des bons désordonnés. Je stresse comme une collégienne. C’est pas possible d’être cruche à ce point ! J’enfile déjà mes gants histoire de planquer mes mains moites, et je rejoins Adam qui vient de se garer, mon casque dans une main, les clés dans l’autre. À peine met-il un pied dehors de son véhicule que je lui répète le petit discours  que je me suis entraînée à répéter pendant les vingt dernières minutes.

- Salut Adam, la fille de Bertrand a dû s’absenter alors elle m’a filé ses clefs pour que je te les remette, débité-je sans le regarder et en lui fourrant le trousseau dans la main.  Voilà mission accomplie, bonne journée !

    Ni une ni deux, je fais volte-face et me précipite vers les garages sans attendre sa réaction, réaction qui, finalement, n’arrive pas car je me retrouve à sortir ma moto seule, ouf ! J’ai vraiment bien géré. Une fois sur béquille j’enclenche le starter et démarre mon bolide. Quelle douce musique pour mes oreilles. Je referme mon garage et c’est parti pour la balade. En remontant l’allée, je vérifie la rue et pas de trace d’Adam. Son 4x4 est toujours garé donc il a dû monter, je vais pouvoir évacuer mon stress.

    Ça fait plus d’une heure que je m’éclate sur les routes sinueuses de la campagne. Mon estomac crie famine. Il va bien falloir que je rentre un jour. Adam a certainement fini ce qu’il avait à faire et a dû rentrer chez lui. De toutes façons je meurs de faim et pas question de m’arrêter quelque part dans l’état où je suis. Quand je vais enlever mon casque mes cheveux seront ”game over”.

   Malheur ! La Porsche est encore là ! Bon sang, va falloir la jouer ninja pour pas qu’il m’entende rentrer. Je range ma Ducati dans le garage et remonte l’allée prudemment. Cette fois j’ai retiré mon casque, manquerait plus que je lui remette un coup de boule. Je longe la façade et jette un coup d’œil dans le hall. Désert ! OK, j’ouvre délicatement la porte d’entrée, qui heureusement ne grince pas. Non mais je suis pas bien moi ! C’est un humain pas un cyborg, il ne va pas entendre la porte trois étages plus haut. Il faut que j’arrête de me prendre pour une ”totally spies” .
Quand j’arrive enfin à mon palier sur la pointe des pieds, tous mes efforts ont été inutiles. Il est là ! Devant ma porte ! Il m’attend ! Meeeerde ! Et moi qui suis toujours en mode ninja comme une débile finie. J’ai vraiment l’impression d’être dans un dessin animé. Ma tête doit ressembler à une tomate bien mûre, et lui.. .

- Alors comme ça tu essaies de m’éviter ? À moins que tu ne t’entraînes pour le prochain ballet ?
- Euh, non pas du tout, réponds-je en reprenant aussitôt une allure un peu plus digne. C’est juste que, enfin, avec les bottes ça gêne certains voisins, voilà, donc j’essaie de ne pas faire trop de bruit, tu vois quoi…

Oh misère, je suis vraiment nulle en alibi. Et voilà qu’il sourit encore plus. L’enfoiré, il se fiche de moi !

- Mais bien sûr…

Honnêtement , même moi je ne pourrai croire à une excuse bidon pareille.

- Bon OK, peut-être que je t’évite un peu. Mais pour ma défense, je n’aurais pas eu à le faire si la fille de Bertrand tenait ses engagements, et le dimanche j’aime avoir la paix, alors si ça ne te dérange pas, pourrais-tu te pousser de mon chemin pour que je puisse rentrer chez moi.

Enfin la guerrière est revenue à la vie ! Non mais je suis chez moi, et c’est pas lui qui va faire la loi ! Je le vire et hop ! Tranquille, mémère dans mon canapé. Sauf qu’on parle d’Adam là, et vu la lueur au fond de ses yeux , je ne crois pas que je vais m’en sortir si facilement.

- Ok, alors déjà, la politesse voudrait que tu me salues correctement, commence-t-il en se rapprochant de moi au lieu de s’éloigner comme je le lui avais demandé. Parce que me jeter un salut vite fait tout à l’heure, ça n’est pas très correct entre amis, continue-t-il en me lançant un clin d’œil. Alors je veux un bisou là, dit-il en tapotant sa joue droite. Allez, insiste-t-il en me voyant hésitante.

Pas le choix si je veux m’en débarrasser. Je souffle comme un taureau prêt à charger pour lui montrer mon mécontentement, et m’avance pour lui faire sa bise de merde( désolée il m’énerve trop). Mais le crétin tourne la tête au moment de l’impact de mes lèvres sur sa foutue joue . Il s’en est fallu de peu pour que ma bouche atterrisse sur la sienne. J’en ai des sueurs !

- Mais ça va pas bien ! Grondé-je.
- Oups désolé , je ne l’ai pas fait exprès, se moque-t-il.
- Ouais c’es ça, bon, tu as eu ce que tu v…
- Non ! J’ai dit ”d’abord ”. Donc il y a un ”ensuite” puis un ”enfin”.
- De quoi ?! Pourquoi tu aurais droit à d’autres demandes ?dis-je suspicieuse.
- Parce que tu m’as littéralement snobé tout à l’heure, ”ensuite”, tu n’es même pas restée avec moi pour récupérer les clefs, donc j’ai dû attendre plus d’une heure, et ”enfin”, tu as essayé de m’éviter encore une fois. Alors, ”ensuite”, j’ai faim et comme ton ventre gargouille je sais que tu n’as pas encore mangé , donc tu vas m’inviter à déjeuner chez toi.
- Hors de question,  m’insurgé-je.
- Tut, tut, tut. Si, tu vas m’inviter ! Sinon je dis à Noémie que j’ai poireauté deux heures devant sa porte à l’attendre. Ça va être chouette vos relations de voisinage.

Oh le salopard !

- Ok, dis-je les dents serrées. Mais dis tout de suite ton ”enfin” qu’on en finisse.
- ”Enfin”, jubile-t-il en voyant qu’il a gagné, comme je suis un gentleman, tu dois accepter une invitation à dîner en retour. Hors de question que je passe pour un profiteur.

Il est machiavélique ! Et vu son sourire, il le sait parfaitement. Je ne peux qu’abdiquer devant ses arguments et ses menaces. Mais hors de question que je sois sympa en plus. Je déverrouille la porte d’entrée et m’engouffre dans mon appartement en l’ignorant. Je pose mes clefs sur la console de l’entrée et lorsque je commence à dézipper mes bottes, je relève la tête et le vois m’observer depuis le pas de la porte avec un regard qui en dit long.

- T’attends quoi ? L’agressé-je pour que ses yeux quittent mon postérieur que j’avais malheureusement mis en perspective en me penchant sur mes bottes, plutôt que de m’accroupir pour les retirer.
- Ben, commence-t-il innocemment , que tu m’invites convenablement, pardi.

Il se fout littéralement de moi là ! L’autre il s’incruste et en plus il faudrait que je lui cire les pompes. Il peut se foutre le doigt où je pense. Avec un peu de chance il va finalement faire demi-tour.

- Même pas en rêve ! Répliqué-je. C’est toi qui t’es invité tout seul je te signale !
- OK si tu le prends comme ça…

Il attrape son téléphone dans sa poche arrière et fait quelques mouvements avant de le porter à l’oreille. Il a un sourire qui ne me dit rien qui vaille. Après quelques secondes à se toiser,

- Salut Mélo, c’est Adam…

Il s’interrompt et m’observe avant de se retourner et de reprendre en commençant à s’éloigner.

- … Écoute, je suis devant ton appart et…
- C’est bon ! Interviens-je paniquée.

Il se retourne, pose sa main sur le micro et hausse un sourcil.

- Ok, ok, veux-tu bien déjeuner avec moi, grogné-je.
- … et tout est OK. Je laisse les clefs à ta voisine. Passe une bonne journée et à bientôt.

Il remet son mobile dans sa poche et me fait un  clin d’œil.

- Avec plaisir chère Christine, termine-t-il fier de sa manigance.

Saloperie ! C’est un vrai manipulateur. Va falloir que je me méfie encore plus de lui. Bon tout d’abord faut que j’enlève cette combinaison qui ne fait qu’aggraver ma sensation de malaise.

Shaky LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant