Il fait sombre. La nuit commence à tomber alors que le feu dans l'âtre nous enrobe de sa chaleur, assis que nous sommes à ses devants afin d'en saisir les délicieuses volutes. Malgré tout, je suis frigorifiée. Je me sens terriblement faible, le moindre effort un calvaire à fournir quand je dois lutter pour ne pas claquer des dents. Ma gorge est sèche, si sèche...
À ce moment, James arrive à mes côtés, me recouvre de la seule couverture dont nous disposons et que nous pourrions aussi bien partager, tous les trois. Je m'apprête à protester de la seule force qu'il me reste, toutefois il ne m'en laisse guère le temps et me présente sa paume déjà ensanglantée.
Pourquoi... Pourquoi fais-tu cela ?
Sans succomber à la tentation, je me tourne vers Matthew, assis contre le mur boisé, à un mètre de moi. Lui aussi, il a soif. Lui aussi, il a froid.
Alors pourquoi moi ?
— Prends du mien, aussi, lâche-t-il en me tendant sa main, sa voix rauque, enrouée, brisée.
Non... Non ! Je ne peux pas te faire ça alors que tu es dans un état aussi lamentable que moi !
Je refuse son offre en remuant la tête, déplorée de ne pouvoir l'aider. Il semble déçu, détourne son regard ambré de moi, de James. Quelques mèches immaculées au milieu de sa chevelure brune retombent sur son visage, éclairées par la lueur chaude du foyer.
Tout est ma faute...
J'agrippe aussitôt le bras de James, ses doigts devant moi, le priant silencieusement de faire quelque chose, n'importe quoi pour apaiser son frère comme il le fait avec moi. Mais celui-ci se lève, difficilement, en des gestes amorphes lorsqu'il murmure avant d'ouvrir la porte :
— Je vais prendre l'air.
Le froid glacial, mordant se glisse à l'intérieur quand il referme derrière lui, et James et moi demeurons immobiles, dans l'incompréhension de ce qu'il vient de se produire. Mais avant que je ne m'essaye à la moindre parole, l'évidence de mon pêcher éternel, mon compagnon de toujours, le seul à m'offrir ce soutien inébranlable, me caresse doucement la joue. L'odeur de son sang effleure mes narines, tente cruellement mes papilles tandis que je rive mon regard au sien.
Il m'est inutile de dire quoique ce soit, James connaît déjà ma culpabilité, l'ampleur de ces remords qui me rongent alors qu'il ne cesse de vouloir m'en libérer, soulager ma conscience de cette malédiction contre laquelle je ne pouvais pas lutter. Et il a raison. Ce soir-là, il y a six ans, tout n'était que le fruit du hasard. Mais si dans mon insouciance enfantine je n'avais pas tenu à les rejoindre, si j'étais restée sagement couchée, jamais leur mère ne serait venue les sermonner, nous sermonner. Jamais elle n'aurait chuté, écorché ses mains. Jamais son sang n'aurait rencontré mes lèvres, goûté ma langue, éveillé mes sens... ma malédiction. Jamais je ne l'aurai tuée. Et jamais Matthew n'aurait eu à achever son père en voulant nous aider. Jamais James n'aurait assisté à ce macabre spectacle. Jamais ils n'auraient été conduits à cette misérable vie guidée par la pauvreté et la survie, par leur soif.
Tout est ma faute...!
Mais il le sait. Et il continue de me soutenir, toujours, sans ciller. Alors qu'il est celui à mieux endurer son désir de sang, à l'endiguer et le supporter quand je me sens mourir d'en manquer, il se dévoue, pour moi. Matthew en ferait autant, je n'en doute pas tant ils veillent chacun sur moi, cependant je ne mérite aucun de leur sacrifice. Pas alors que je suis celle à les avoir condamnés à cette vie. Toutefois peut-être mes repentirs sont-ils amoindris par James, par ses encouragements perpétuels ? Comment expliquerais-je, sinon, que ma honte s'étiole lorsqu'il est celui à s'offrir ?
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⚜️ | « Sacrilège » T2 : Dépravation
RomanceIl est sa raison d'être, son bonheur, la solution à tous ses maux. Il est son pire cauchemar, sa malédiction, la source de son chaos. Elle l'espère. Elle l'absout. Il est fou d'elle. Alors que Lisa jouit enfin d'une vie auprès de son amant, libérée...