Matthew m'a tourné le dos. Torse nu et couvert de sang, il a effacé ces marques rougeâtres sous mon regard désolé. Sans réponse face à ma revendication, il laisse planer un silence plus oppressant encore qu'aucune autre cage au monde. Et sans jamais se dévêtir de sa chemise couverte de carmin – preuve de mon abandon outrageusement rapide qu'il semble exposer avec fierté –, il quitte la salle de bain en m'abandonnant là, sans un mot.
Un instant, je me demande si je dois me contenter de l'attendre ou le suivre. De là où je me tiens, j'entrevois un lit dans la pièce adjacente : sûrement celui dans lequel je me suis éveillée un peu plus tôt. Aux bruits de tiroirs qui s'ouvrent et se referment, je devine Matthew en train de se changer. Je ne gagnerai rien à me cacher indéfiniment ici sous ma serviette, aussi me décidé-je à le rejoindre, mes pas fébriles lorsqu'ils foulent la moquette de la chambre.
Bien plus en possession de mes moyens que je ne l'étais auparavant, j'examine nerveusement les lieux, un malaise croissant me nouant la gorge. De la vieille tapisserie d'un vert sombre au mobilier ancien, taillé dans le bois, tout autour de moi me semble étrangement lointain, familier.
Quelque chose ne va pas. Ce n'est pas...
— Tu reconnais, mon cœur ? argue-t-il en fermant les boutons de sa nouvelle chemise. Enfin, Lisa. N'est-ce pas comme cela que tu as grandi ici, après tout ? En ayant tout oublié, auprès de James et sans moi.
Non. C'est impossible.
Tout a brûlé lorsque j'avais quatre ans. La maison, nos parents... Il n'y avait plus rien. James me l'a affirmé. Il s'y est rendu dans les jours qui ont suivi cette terrible catastrophe, dans l'espoir éphémère de ne pas y trouver les cadavres brûlés d'Emily et Vaughan. Évidemment, cet espoir s'est envolé comme la cendre qui régnait tout autour des décombres. Ils sont morts. Fatalement. Par notre faute. Et pourtant, nous voilà dans la réplique exacte de l'endroit où j'ai vécu les premières années de cette renaissance.
Incapable d'y croire, je m'avance jusqu'à la fenêtre et, comme James autrefois, j'espère trouver une preuve de sa supercherie. Sauf qu'il n'y en a aucune. Dehors s'étend une large forêt, celle de mon enfance. Je n'en ai pas conservé beaucoup de souvenirs, mais je le sens dans une évidence douloureuse. C'est ici que tout a basculé...
Ici que j'ai retrouvé James, que je me suis arraché le cœur sous les affres de réminiscences trop horribles à endurer. Ici qu'il a enveloppé mon corps de nouveau-né en se jurant de me protéger.
Ici que tout a recommencé.
— Ça te plaît ? J'ai tout fait rebâtir rien que pour toi, murmure-t-il en se positionnant dans mon dos, son souffle effleurant ma nuque qu'il caresse du bout des doigts.
Pas du tout. C'est un cauchemar.
Retenant la bile qui remonte dangereusement dans mon œsophage, je lutte pour ne rien laisser paraître de l'horreur qui me saisit. Pourtant, ô comme j'aimerai le repousser, lui hurler que rien de tout ça n'est normal. Ni cette maison, ni ma présence ici. Tout et encore moins son amour malsain pour moi.
Une main sur ma taille, l'autre sur mon épaule qu'il embrasse, il change bien vite de sujet devant mon absence de réaction :
— Il y a des vêtements à ta taille dans l'armoire, je les ai choisis spécialement pour toi. Mets ce que tu veux, ce sera un plaisir pour moi de te déshabiller quelle que soit ta tenue.
Des frissons de pur dégoût me dévalent l'échine alors qu'il me relâche. Du coin de l'œil, je l'observe réajuster son col ainsi que ses manchettes devant un miroir à pieds. Ma présence ne le perturbe pas le moins du monde. Au contraire, il semble encore plus confiant que par le passé.
VOUS LISEZ
⚜️ | « Sacrilège » T2 : Dépravation
RomanceIl est sa raison d'être, son bonheur, la solution à tous ses maux. Il est son pire cauchemar, sa malédiction, la source de son chaos. Elle l'espère. Elle l'absout. Il est fou d'elle. Alors que Lisa jouit enfin d'une vie auprès de son amant, libérée...