Tirée du sommeil par une certaine luminosité ambiante, bien loin de l'éclairage tamisé habituel de notre chambre procuré par d'épais rideaux, je plisse les yeux. Tandis que j'extrais mes mains de sous les draps pour me frotter les paupières, de violentes courbatures m'arrachent une complainte. Tout mon corps semble tendu, impossible à lenifier et sur le point de se briser, le moindre de mes muscles s'étant figé comme de la glace.
Puis un froissement attire mon attention, une silhouette nonchalamment installée sur un fauteuil, à deux mètres de moi. Un sourire satisfait, un regard fou, et une chevelure aussi blanche que la neige.
— Bonjour, mon cœur.
Le mien s'arrête brutalement, une seconde, puis deux, puis trois... avant de se jeter dans le vide. Ce néant que je n'imaginais pas devoir affronter si vite, et surtout si seule.
Assis dans l'angle de la pièce, les ombres sur son visage exacerbent sa démence, le caractère irréel de cet instant. Je pourrais presque croire à un rêve... si je ne souffrais pas autant de mon corps brûlant et bandé, d'une terreur sourde en le voyant s'avancer. Je blêmis tout à coup en comprenant la situation, une vague de chaleur me submergeant telle que j'ignore si j'ai véritablement chaud ou froid.
Il s'assoit à ma gauche, sur le rebord du lit, et je suis incapable de faire le moindre mouvement pour m'éloigner de lui. Seulement de craindre pour ma vie. Sans le quitter des yeux, je vois sa main s'approcher jusqu'à se poser sur ma joue. Terrorisée, je clos les paupières à son contact, persuadée qu'il s'apprête à me tuer. Encore.
— Ah, si tu savais comme tu m'as manqué, se confesse-t-il d'une voix étonnamment... douce.
Je rouvre mes yeux, ébranlée par cette absence de cruauté si habituelle chez lui. Son sourire est tendre, son regard nostalgique, si bien que je me demande si c'est véritablement mon bourreau qui se tient là, devant moi.
— Matthew... croassé-je dans une vaine tentative pour me redresser, le brasier irradiant ma dépouille toute entière m'extirpant une grimace.
— Ne bouge pas. Tu es morte, il te faudra bien quelques heures avant de totalement recouvrer l'usage de ton corps.
Quoi...?
À ces mots, il se penche sur moi et saisit une mèche de mes cheveux qu'il porte à ses lèvres. Comme s'il ne venait pas d'annoncer que j'étais... morte ?
— Ne t'inquiète pas, ils seront punis pour t'avoir infligé ça. Ils se sont permis une liberté que je ne leur ai pas octroyée, et vois-tu, Elisabeth... Je n'accepte pas qu'on te fasse souffrir. Non, je suis le seul à pouvoir te châtier. Le seul à pouvoir contempler ta perdition. Le seul à pouvoir t'aimer.
Comment ai-je pu croire une seule seconde qu'il ne s'agissait pas de lui ?
Un éclat particulier traverse ses prunelles sombres lorsqu'il plisse ses yeux, reconnaissable entre mille. Celui de la solitude, de la jalousie et du renoncement. L'abandon de toute une vie. Du bonheur et de l'acceptation. Du pardon et de la rédemption. Un éclat qu'il seyait il y a de cela six siècles. Un éclat qu'il ne réservait qu'à nous, à notre fin.
Oh Matthew, comme j'aimerai te libérer de ce fardeau...
Te rendre ce que je t'ai si violemment arraché. L'opportunité de vivre une existence dénuée de tourments.
— J'ai tant rêvé de ce jour, celui où je te retrouverai enfin, où tu m'appartiendrais, avoue-t-il en plongeant dans mon cou.
Te retirer cette obsession malsaine que tu as pour moi. Un désir de vengeance et reconnaissance si profond qu'il te consume jusqu'à ne plus laisser apparaître que ta haine envers ce monde fait d'injustice.
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⚜️ | « Sacrilège » T2 : Dépravation
RomantizmIl est sa raison d'être, son bonheur, la solution à tous ses maux. Il est son pire cauchemar, sa malédiction, la source de son chaos. Elle l'espère. Elle l'absout. Il est fou d'elle. Alors que Lisa jouit enfin d'une vie auprès de son amant, libérée...