Parallèlement, sous d'autres latitudes...
POINT DE VUE DE MOANA
« ...Votre Altesse, Votre Altesse; réveillez-vous ! »
Quelle est cette lointaine voix brumeuse bourdonnant dans mes oreilles ? Est-ce un rêve ?
« Princesse Moana, vous allez être en retard ! »
À ces mots, je me réveille en sursaut et mes yeux s'ouvrent sur ma domestique de chambre :
— Par tous les Dieux, Eris ! Ne pouviez-vous pas venir plus tôt ? Père va encore être furieux !
— Excusez-moi, je...
— Peu importe. Dépêchez-vous de m'apprêter.
— Oui, Votre Altesse. », répondit-elle en inclinant la tête.
En deux temps trois mouvements, Eris me nettoie le visage, lustre mes écailles, orne ma tête de ma couronne puis finit par mettre à mon cou ainsi qu'à ma nageoire, les bijoux qui me sont destinés.
Je suis prête.
Aussitôt, je nage à toute allure jusqu'à la Salle de Réception, si vite et précipitamment que j'ai manqué de me prendre la nageoire dans un coin de meuble; Dieux merci, j'ai évité une peine monstrueuse.Quelle est l'intérêt d'avoir mes appartements aussi loin du reste du palais ? Je me fais continuellement réprimander, comme si j'avais choisi cet isolement.
Si Père ose encore me faire une remarque, je risque bien de m'emporter...Ouf ! Arrivée juste à temps.
Mon intuition me dit que le petit déjeuner risque d'être animé avec animosité, accompagné d'une atmosphère familiale pesante.
En réalité, plus le jour de mes 18 ans approche, plus l'étau se resserre et je sens la pression de mes parents sur moi – bien que présente depuis ma tendre enfance –, s'accentuer de plus belle...Je prends place sur le trône, à la gauche de celui de père.
Trône de malheur. Trône de misère.
Je n'ai jamais pu m'asseoir à table et partager un repas avec mes soeurs. Je me sens écartée, éloignée.
Triste sort de l'heureuse héritière faut-il croire...Un silence de mort règne dans la salle. Chacun se délecte des mets raffinés, sans bavardage.
Ce ne pas pour me déplaire; moins de questions l'on me pose, mieux je me...
« Moana, as-tu bien dormi ?
La voix tonitruante du roi d'Izurdea vient m'arracher à mes pensées.
— Comme un poisson rouge, père.
J'entends mes sœurs glousser au loin, contrôlant tant bien que mal un fou rire naissant.
Le roi leur fait les gros yeux et elles se reprennent en un clin d'œil. Puis, il poursuit mon interrogatoire, le regard vagueux dans son assiette :
— Très bien. Et comment... comment te sens-tu aujourd'hui ? Aucun changement remarquable ?
— Akoos, voyons. Laissez la pauvre petite prendre son repas tranquillem...
Un bruit assourdissant résonne et coupe la parole de mère : le chef a tapé de son poing serré sur la table.Est-ce possible de rendre davantage mort un silence qui l'était déjà ? La réponse est oui : père, lui, y arrive à merveille.
— Je ne supporterai plus cette mascarade ! dit-il en se levant brusquement.
— Du calme, tente de le raisonner la reine, je vous en prie, rasseyez...
— Assez !Les larmes me montent aux yeux, mais je me contiens. Hors de question de les laisser couler. Je dois me montrer forte et paraître invulnérable.
« Avez-vous une question à me poser ?
Il me regarde furieusement. Mais malgré ses sourcils froncés, pendant un instant, rien qu'un instant; j'ai cru apercevoir un brin de tendresse dans ses yeux.
Cruel contraste et rêve utopiste, puisque les mots suivants, tranchant comme des lames, sortirent de sa bouche :
— Moana, quel problème y a-t-il avec toi ? Pourquoi n'es-tu pas comme les autres, comme tes sœurs; comme chaque personne normale de ce royaume ? Première née de la famille royale, c'est toi qui devras gouverner sous peu. Cependant, tu... tu es défectueuse !
— Mais père...
— Silence ! tonna-t-il d'une voix terrible.
— Je...
— J'ai dit silence, monstre impur !
— Akoos ! Comment pouvez-vous...
— Suffit, Calissa ! Arrêtez de vouloir la protéger !
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Par-delà des eaux
RomantizmShan vit dans un petit village et vient d'une famille de pêcheur. Lors d'une forte tempête en mer, il se retrouve pris au piège et va se voir être confronté face à son destin, propulsé dans un autre monde. De là commence une aventure pleine de myst...