12. Fuir ou mourir

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          Le silence se fit plus profond encore. Les sœurs MAVULA étaient abasourdies par le violent changement de comportement d'Ornella. Elles avaient toujours fait face à la douce Ornella, docile et serviable mais à cet instant, son visage avait changé. Tous ses traits étaient durcis par la colère, la rage et l'indignation.


Béatrice : Pardon ? Mais qui es-tu pour m'interdire quoi que ce soit dans ma propre dem'

Ornella : Comment peux-tu avoir autant de bassesse ? C'était ta sœur et tu l'aimais ! Je pensais avoir tout vu de toi mais dénigrer ton propre sang pour me rabaisser, c'est'

Merveille : Comment oses-tu parler comme ça à ma m'

Ornella : Tais-toi ! Ce n'est pas à toi que je m'adresse. Ma mère était ta sœur et regarde comment tu traites sa fille, ta fille, ton sang !


          Ornella et Béatrice bondirent de leurs chaises de concert. Béatrice sortit de ses gonds à son tour, oubliant la présence de ses prestigieux convives.


Béatrice : Qui a dit que tu étais ma fille ?! Moi ?! Tu ne seras jamais plus ma fille ! Tu resteras celle qui ramasse les miettes qu'on voudra bien lui donner ! C'est tout ce que tu mérites ! Helena était ma sœur et je l'aimais de tout mon cœur mais son erreur l'a tuée ! Tu as été son erreur ... Et Tu l'as tuée !

Ornella : Non ! Dieu m'en est témoin, jamais je n'aurais fait de mal à ma mère !

Béatrice : Tu l'as tuée, sorcière ! Voilà pourquoi elle n'est pas ma fille ! C'est une bâtarde, un démon ! Sa peau plus noire que les ténèbres alors que son géniteur était blanc comme un linge ! Ses yeux ont la couleur de l'enfer ! Enfant du diable ! J'aurais dû la forcer à avorter avant que nos parents ne soient au fait de sa grossesse !

Bethany : Maman !

Béatrice : Oui ! J'aurais dû les écouter et ne jamais te recueillir dans ma maison ! Après avoir tué sa mère, elle s'en est prise à mon enfant à naître puis à mon mari ! J'aurais dû te tuer !

Edith : Béatrice ! Mon Dieu !

Ornella : Que Dieu te pardonne, Tante Béatrice ... Que Dieu te pardonne et qu'il enlève toute cette haine, toute cette colère et toute cette amertume qui n'ont vraiment aucun sens. Qu'il te libère pour que tu puisses vivre au lieu de continuer à pourrir ! Lui seul peut le faire, personne ne peut plus rien pour toi ... J'aurais tellement voulu te retrouver ... Retrouver celle que tu étais avant que Maman et Papa Alain nous quittent, avant que tu ne commences à me haïr. Longtemps, j'ai eu mal de t'avoir perdu mais aujourd'hui, en ayant attenté aussi salement à la mémoire de ta propre sœur, tu viens de mettre un terme à mon deuil.


          Ornella s'excusa, les yeux baignés de larmes puis quitta calmement l'assemblée, la tête haute pour retourner en cuisine. Elle posa ses deux mains sur le bord du plan de travail et souffla bruyamment. Ses chances de repartir avec Samuel venait peut-être de s'envoler mais pour sûr, le poids du deuil et de la supplication venait de tomber de ses épaules. Elle venait de poser un pied dehors, le premier pas vers sa liberté. C'était on ne peut plus sûr : ce soir, elle s'enfuirait. Bethany entra dans la cuisine et enlaça sa sœur. Elles pleurèrent ensemble, de joie et de peine. Pour les mots, pour la séparation, pour tout ce lourd passé mais aussi pour la promesse d'un avenir meilleur, enfin.

          Béatrice sortit également de table pour se rendre dans sa chambre. Elle aussi avait besoin d'air. Elle avait surtout besoin de se contenir pour ne pas tuer Ornella sur le champ. Non, elle ne se repentirait jamais d'avoir traité Ornella comme elle l'avait fait. Merveille rejoignit sa mère tandis que Cathy sortit un moment dans le jardin, ne supportant pas d'avoir tous ces regards sur elle. Elle se sentait toujours tiraillée entre sa mère et ses sœurs malgré ce qui venait d'être révélé. Elle ne connaissait manifestement que très peu l'histoire de sa famille, sa propre histoire. Les mots d'Edith lui revinrent à l'esprit : « Les traditions sont le ciment de tout ce que tu es. Elles ont façonné tes parents, tes grands parents, tes ancêtres et ton histoire. Ce sont elles qui déterminent qui tu es, d'où tu viens et où tu vas. » En son cœur, elle mit un point d'honneur à connaître sa propre histoire.

Vie de Valeur - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant