Chapitre 3 (1/2)

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Le fond de cale où Aliénor et quelques femmes étaient enfermées était sombre, humide et sentait l'écœurant mélange de poisson et de bois mouillé, mais le pire était qu'il y était impossible de se tenir debout. Le peu de lumière que les captives avaient, venait de la grille au plafond par laquelle elles avaient été forcées de descendre.

Au-dessus de leur tête, elles entendaient, sans les comprendre, les conversations étouffées des danois. En revanche, leurs rires étaient éloquents : les vikings étaient fiers de leur succès martial.

La pénombre de cet endroit exigu, offrait un tableau noir où brillaient inlassablement les visages d'Arnold et de Solange. Morts. Pour Aliénor, la culpabilité d'être la dernière de sa famille à être encore en vie semblait former un barrage à ses larmes, contrairement aux autres captives dont les pleurs étaient intarissables.

Elles étaient serrées les unes contre les autres, pleurant, reniflant, ou geignant de désespoir. La peur et le froid firent même claquer des dents la jeune femme qui était collée à Aliénor.

Le fragment d'un souvenir heureux jaillit du fond de sa mémoire... petite étincelle d'espoir ou simple réconfort, Aliénor fredonna la berceuse que la mère de Solange leur chantait quand elles étaient enfants. Cet air apaisa les sanglots et libéra ses larmes.

Au beau milieu de ce cauchemar éveillé, l'obscurité mêlée au chahut des vagues et au son laconique des voix d'hommes, donnèrent une impression d'éternité à ce trajet vers l'inconnu. Du reste, Aliénor et les autres prisonnières n'avaient pas hâte de connaître l'enfer qui devait se tenir au bout de ce voyage.

Deux jours plus tard, en fin d'après-midi, les Danois débarquèrent dans leur antre : un grand village de maisons en bois, dont les toits -en végétaux et très pentus- descendaient jusqu'au sol.

Les dix prisonnières furent conduites au centre du village, où hommes, femmes et enfants s'étaient tous réunis. Les habitants ne semblaient pas très heureux de voir qu'il y avait autant de femmes parmi les vivres rapportés.

Ne comprenant pas leur langue, Aliénor ne pouvait pas comprendre leurs paroles, mais les regards haineux et la tonalité sévère des voix ne laissaient aucun doute. Certains crachèrent même à leurs pieds.

Un guerrier força les dix prisonnières à se mettre à genoux, puis une guerrière passa derrière chacune d'elles pour leur trancher les cheveux à ras le cou et jeter ces trophées au feu. Cet acte symbolique devait les marquer comme une espèce inférieure et être renouvelé régulièrement pour leur rappeler sans cesse leur rang d'esclave.

La séance d'humiliation terminée, les captives furent conduites dans une petite maison et enfermées sans eau ni nourriture. Quand la porte s'ouvrit une guerrière, grande, blonde aux yeux bleu clair entra et jeta au sol ce qui ressemblait à des sacs de toile de jute. Les prisonnières, apeurées, attendirent des explications. La guerrière grogna d'agacement et attrapa l'une des femmes par les cheveux pour la relever.

Aliénor debout à côté de la guerrière retint ses larmes quand elle tira sur son corsage. Comprenant qu'elle devait retirer sa robe, Aliénor trembla de peur et s'exécuta.

N'ayant pour seul vêtement que sa culotte, Aliénor ne tenta pas de contrôler ses tremblements sous le regard perçant de la guerrière qui lui désigna le tas de toiles de jute au sol. Aliénor en saisit une et réalisa qu'il s'agissait d'une longue tunique en lin et l'enfila en toute hâte.

La guerrière parla dans sa langue et désigna les autres tuniques, alors les autres prisonnières se levèrent pour se déshabiller et se changer.

Lorsque la porte se referma sur la guerrière, le grincement des gonds scella leur nouvelle existence.

Les prisonnières ayant abandonné les seuls biens qu'elles avaient : leurs vêtements, reprirent leur place au sol. Effrayées, désespérées, elles se tapirent les unes contre les autres pour se tenir chaud.

Agathe la plus jeune du groupe se colla à Aliénor, comme durant leur voyage en bateau et elle tremblait à s'en faire claquer les dents. Incapable de parler, Aliénor fredonna la même berceuse que la veille. Lentement, Agathe se détendit et les autres pleurs se tarirent.

Cette nuit fut longue et froide. Aliénor tout comme les autres captives ne purent dormirent vraiment, trop effrayées, elles cherchaient inconsciemment à rester éveillées. Lorsqu'elles somnolaient enfin, le moindre bruit les faisait sursauter pour mieux résister à la fatigue.

Trois jours s'étaient écoulés depuis le retour des guerriers. Folmer avait réparti ses hommes et femmes par groupes pour effectuer des entrainements par roulement, leur laissant ainsi assez de temps pour les activités de la vie quotidienne.

Eirik, qui avait renoncé à prendre à son service la petite brune aux yeux noisette, la trouvait tous les jours dans son champ de vision, matin, midi ou soir, son regard arrivait toujours à se poser sur elle. Comme les autres captives, elle avait subi la séance de déchéance devant tout le clan : en lui tranchant les cheveux au ras de la nuque, on lui avait ôté son statut de femme libre.

Comme toutes les autres esclaves, on lui avait imposé de porter une longue tunique en toile. Abandonner leurs vêtements coutumiers, devait les obliger à renoncer à leur ancienne vie. Et le jour suivant leur arrivée, au petit matin, on les avait privées de leurs bottines, pour tout bêtement les empêcher de fuir avant de les mettre au travail.

En fin d'après-midi, Eirik revint de la chasse avec son gibier et croisa l'esclave aux yeux noisette. Eirik sourit en la voyant marcher pour la énième fois sur le bas de sa tunique, qui était bien trop longue et trop large pour elle. Il fut tenté de lui confier ses deux lièvres, pour qu'elle les apporte aux cuisines, mais elle avait les deux mains prises.

Munie de seaux dont les cordes lui entaillaient les paumes, Aliénor ne pouvait pas remonter l'ourlet de sa tunique pour éviter de marcher dessus, d'autant qu'elle pressait trop le pas, parce qu'elle avait volé un couteau et le dissimulait péniblement dans sa manche.

Aliénor avait conscience que si elle faisait tomber l'objet et que l'on découvrait qu'elle avait commis un larcin, elle serait sévèrement punie par dix coups de fouet.

Au bord de l'eau, Aliénor posa les récipients soulageant légèrement sa douleur, car elle avait de grosses ampoules aux paumes et avait de plus en plus de mal à ouvrir les mains.

Aliénor s'assit sur un gros rocher et saisit douloureusement le manche du couteau pour tenter de couper le surplus de toile de sa tunique. La douleur était telle qu'elle lâcha son outil à plusieurs reprises, et le temps filait, si ses geôliers s'apercevaient de sa longue absence, elle le paierait cher.

Aliénor avait découpé l'avant de sa tunique, il lui restait à faire l'arrière mais le couteau lui échappa encore. Agacée, elle releva la tête pour s'assurer d'être seule et trouva l'assassin d'Arnold au bord du sentier... il l'avait vue et fronçait des sourcils. Son regard dur était posé sur le couteau qu'elle avait volé.

Aliénor sut qu'il était inutile de fuir et qu'elle allait devoir assumer les conséquences de ses actes.

Viking de feu et de sang T1 🔞(récit terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant